Mission Biosphère — Semaine 7

Le 20 février 2018, Nomade des Mers a lancé la phase 2 de son exploration low-tech : La Mission Biosphère, ou 4 mois en autonomie grâce aux low-tech. Chaque semaine, Corentin nous partage son journal de bord.

Gold of Bengal
Low-tech Lab Stories
11 min readJun 7, 2018

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La semaine 7 est un peu particulière, Corentin a dû descendre de la plateforme durant 48h pour réaliser des démarches administratives relatives à son Visa.

Conserve de patates à bord de la Mission Biosphère — Février 2018 — © Gold of Bengal

JOUR 39

En ce moment, je lis et entends beaucoup parler de disparition de la biodiversité. On parle même d’une “sixième extinction de masse”. Je réalise que c’est sans doute l’événement le plus marquant du siècle. Le futur ne retiendra de notre époque ni les guerres, ni les crises économiques, mais la disparition brutale de la biodiversité.

Insomnie dédiée à la recherche de solutions.

Les populations de vertébrés ont chuté de 2% par an en moyenne depuis 1970, constate le dernier Rapport Planète Vivante du WWF. En 2010, la baisse par rapport à 1970 était de 52%.
Selon le rapport sur l’économie verte du Programme des Nations unies pour l’environnement, 30% des réserves de poissons dans les océans ont déjà disparu et l’ensemble des activités de pêche risque de ne plus être rentable d’ici 2050.
La biomasse des insectes volants a diminué de plus de 75% en près de trente ans en Europe.
Le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) annoncent un phénomène de disparition massive, proche de la catastrophe écologique. Les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse, précisent les deux institutions dans un communiqué commun. En moyenne, leurs populations se sont réduites d’un tiers en quinze ans.

J’ai cherché des informations sur les différents systèmes d’hydroponie. Il y en a beaucoup que je pourrais mettre en place. Difficile de faire le bon choix. Je vais voir avec Thomas, notre expert en hydroponie.

JOUR 40

Il a plu cette nuit, les réserves sont pleines. Maintenant les pluies devraient être plus régulières. Je pense ne plus vivre de crise d’eau.

La routine du matin prend entre 1h30 et 2h. Elle est bien rodée. J’écris dans mon carnet la liste des systèmes dont je dois m’occuper, puis je fais le tour des installations. Je commence par le végétal (plantes, spiruline et champignons, biofiltre et compost), puis les animaux (poules, grillons et moi), enfin l’énergie (panneaux solaires, four et réchaud). Je note tout au fur et à mesure dans le carnet.

Routine matinale sur la Biosphère — Avril 2018 — © Gold of Bengal

Dans la journée, je fais des routines très courtes car je n’arrose plus en pleine journée. À part les champignons pour les rafraichir. J’oriente les panneaux solaires et je m’assure que tout va bien.

Ces jours-ci, je tourne et monte des petits épisodes pour internet. Chacun dure environ 1 minute. Les thèmes des 5 premiers sont : les grillons, la spiruline, arduino, le stove, le biofiltre. Je mets environ 30 minutes à 1h à tourner les images, et 1h pour le dérushage et montage. J’espère trouver le temps et la volonté d’en faire une pour chaque low-tech de la Biosphère. Objectif : faire connaitre les low-tech de manière légère et amusante pour le grand public, afin que les intéressés aillent sur le site du Low-tech Lab.

JOUR 41

Je me suis fait attaquer par poule blanche. Comme chaque jour pendant la routine du matin j’ai donné aux poules leur nourriture. Ça fait diversion, le temps de regarder dans le pondoir s’il y a des oeufs. Mais cette fois poule blanche a bondi sur moi et enfoncé son bec dans mon oeil. J’ai eu mal et surtout peur d’avoir l’oeil abimé. Finalement j’ai juste eu un enflement de la peau sous l’oeil.
Il semble que sur la plateforme, Pâques soit le jour où les poules gardent leurs oeufs.

Poule blanche après l’attaque — Avril 2018 — © Gold of Bengal

Journée off dédié principalement à la lecture et réflexions diverses.

Depuis quatre jours, aucune naissance de champignons. C’est surprenant. Il faut sans doute que je sois plus rigoureux sur le maintien de la température en dessous de 31 degrés en vaporisant de l’eau plus fréquemment.

Les grillons ont chanté pendant 3 jours. J’ai posé un nid fait de fibre de coco humide. Quelques minutes plus tard des grillons y creusaient déjà des trous pour pondre.
Je suis très content de la densité de grillon, qui laisse penser que la collecte sera bonne. Il va falloir leur donner suffisamment à manger sinon je pense qu’ils vont se manger entre eux. Je vois quelques cadavres qui ne paraissent pas des morts naturelles, et des estropiés.
Ils sont devenus énormes. Je me demande si je pourrai les déshydrater étant donné leur taille.

Je suis allé chercher du bois sur la plage. Il y a beaucoup de bois mort. Cela prend quelques minutes. C’est une sortie agréable. Je pense que personne n’utilise de bois pour la cuisine dans la région.
J’ai hâte de me pencher sur les low-tech de recyclage de déchets, il y en a plein la plage : polystyrène, polypropylene, polyethylene. C’est très riche en matériaux recyclables.

Les voisins — le père et ses 2 fils — sont venus sur la plateforme. Depuis leur maison, ils ont vu un serpent monter sur ma plateforme. On a cherché partout. Sans succès. J’en ai profité pour leur monter les avancées de la plateforme. J’ai fait gouter à Guit un peu de spiruline. Il a eu l’air de détester.
Je leur ai demandé s’ils avaient des problèmes avec les serpents, s’ils étaient dangereux. Ils m’ont dit que non. Ils sont repartis en me disant qu’il ne fallait pas que j’hésite si j’avais besoin d’aide. Vraiment sympas ces voisins.

FEELING : 😌
Super journée à lire et réfléchir. J’ai l’impression que mon cerveau commence à défragmenter peu à peu toutes les informations accumulées ces dernières années de marathon pour le montage de l’association en France puis autour du monde avec Nomade des Mers.

Moment de réflexion hors connexion — Février 2018 — © Gold of Bengal

JOUR 42
La semaine dernière j’ai essayé de faire des chips. J’ai cuit des tranches de patates enfilées en brochette dans le four solaire, puis séchées au soleil. C’était immangeable : pas assez cuites, sèches sur le tour et gluantes au coeur.
En prévision de ma sortie de la plateforme pour refaire mon visa, j’ai refait un essai. J’ai coupé des tranches de patates bien cuites. Je les ai mises à plat dans le four, en plein soleil. Sur l’une d’elles, j’ai étalé une couche de spiruline. Je suis confiant. En quelques heures, elles avaient déjà bien séché.

Retour des champignons avec 4 naissances. Théorie la plus probable de la chute de la production : je ne les ai pas assez rafraichi aux heures les plus chaudes, ce qui a bloqué les naissances pendant plusieurs jours.

Je trouve que l’opération de filtration de spiruline prend beaucoup de temps. Je ne comprends pas pourquoi l’eau ne s’écoule pas facilement à travers le tissu. Le livre de Gilles ne m’aide pas sur ce point. Il conseille de faire un cadre avec le tissu et d’y verser la solution de spiruline. J’ai essayé, mais l’eau stagne dans le cadre. J’ai donc essayé de former une poche remplie de solution et la suspendre au dessus du bassin, pour que la filtration se fasse pendant que je continue la routine. L’eau ne passe pas non plus. Par contre je peux m’assoir et presser cette poche jusqu’à ce qu’il n’y ai plus de liquide, la remplir et recommencer. Cela me donne l’impression de traire les pis d’une vache.
Je fais passer en moyenne 20 litres pour récolter entre 35g et 55g. Cette technique ne me fait pas gagner de temps.

J’ai mis le nid de grillons dans un sac plastique. Pour augmenter l’élevage, je pose un 2eme nid. Demain, j’en poserai un 3eme.
Il faudrait que pendant ma sortie à terre, j’arrive à trouver des boites d’oeufs. J’aimerais que le prochain élevage soit positionné sous la table de la nursery et ait un volume de 1m3.

Récolte des grillons — Avril 2018 — © Gold of Bengal

JOUR 43

J’ai continué à réfléchir à des techniques de filtration pour la spiruline. Mais finalement, plutôt que d’essayer d’optimiser la vitesse, j’ai décidé de rendre le moment plus agréable : j’écoute la radio, assis confortablement. Je me rends compte que rendre une tache agréable est parfois une meilleure option que de la rendre plus rapide. Ce n’est pourtant pas intuitif pour moi qui essaye trop souvent de gagner du temps, quitte à ce que ce soit désagréable.

En fin de matinée les voisins sont passés voir comment j’avais installé les cubes de polystyrène. J’en ai profité pour leur demander de m’emmener à terre. Après 42 jours, je suis sorti de la baie. Depuis quelques jours, je voyais cette journée comme un évènement important. Je monte à la ville. J’ai pris un polo neuf, mes tongs, de quoi faire des courses, mon visa et de quoi me nourrir pendant 24h. Je vais manger des patates déshydratées, des cacahuètes, des patates violettes cuites au four solaire et surtout une énorme cachupa compactée en bloc dans un bocal hermétique. Elle a l’air bonne. Une fois déposé sur le quai, j’ai marché sur la route. Marcher sur du plat, sentir les odeurs et voir un environnement différent, cela m’a donné une bonne impression de liberté.

Déambulation — Image d’illustration — © Gold of Bengal

J’ai croisé des Thaï toujours aussi souriants, c’est un moment que j’ai beaucoup apprécié. Moon m’avait prévu un taxi pour aller jusqu’au bus qui m’amène à Phuket en 3h. J’ai cherché un hôtel, posé mon sac, suis parti au centre commercial chercher une station météo. Échec, je n’ai pas trouvé. Je suis rentré à l’hôtel un peu frustré, j’ai téléchargé des documents provenant de l’équipe à terre, leur en ai envoyé d’autres, profitant du WiFi de l’hôtel, et me suis couché.

L’essai de chips est concluant. Ça ne ressemble pas à des chips. Ni le gout ni la consistance. C’est assez long à mastiquer mais le goût est assez agréable. C’est un bon snack. Celui avec de la spiruline est intéressant. À refaire.

JOUR 44

J’ai commencé la journée par faire mon visa. La procédure était plus longue que d’habitude. J’ai eu petit stress que ça ne soit pas accordé. Il y a parfois des changements de règlementations qui rendent ces extensions moins faciles à avoir. Après 1h30, je l’ai finalement reçu. J’ai sauté dans le premier bus pour AoLuek. À AoLuek j’ai acheté des tasseaux de bois, des boites d’oeufs vides pour les grillons, des bâches étanches, du maïs, des patates douces, des cacahuètes et de l’huile.
Moon m’a trouvé 4 plans de bétel, mais ils sont tout petit. Je ne vais pas pouvoir récolter de feuilles avant des semaines je pense.
J’étais de retour sur la plateforme en milieu d’après midi.

La cachupa compactée dans le bocal a bien tenu pendant 24h. Je l’ai terminée dans le bus retour. Elle était très bonne. Les chips aussi se sont très bien conservées. Par contre les patates cuites ont pourri. Je les ai données aux grillons.

JOUR 45

Je n’utilise pas encore le nouveau gros biofiltre. J’attends de mieux comprendre les différents paramètres et savoir quelle sera la solution retenue pour la culture des légumes feuilles.
J’ai ajouté 150ml d’urine + 5g de cendres dans les biofiltres primaires. Je vais répéter cet apport tous les 3 jours. Avec un apport régulier, je pense qu’il sera plus facile de faire des analyses et mieux comprendre le biofiltre.
J’ai fait une analyse de la solution nutritive du biofiltre secondaire. Il a peu servi ces derniers jours, donc la solution est restée longtemps dans ce biofiltre. Voici les résultats : EC=3.4, NH4<0.05, NO2<1, NO3=100mg/l.
Je pense que l’absence de ammoniac (NH4) et d‘azote (NO2) montre que les bactéries ont fini leur travail de transformation de l’urine.
Par contre, 100mg/l est équivalent à une Ec=0.2, or l’EC de la solution est de 3.4, cela veut dire que le nitrate (NO3) représente seulement 5.9% des minéraux présents dans la solution nutritive.
Pour vérifier ces résultats, j’ai refait une mesure en diluant la solution nutritive à EC=1. Le taux de NO3 est alors de 40 mg/l, ce qui correspond à 8% des minéraux présents dans la solution. Je retombe donc sur le même ordre de grandeur.
Or, le NO3 devrait être le composant minéral principal pour la croissance des légumes feuilles. Et c’est ce que l’urine devrait apporter en majorité. Je ne comprends donc pas quels autres minéraux sont présents en grande quantité dans la solution nutritive.
En tout cas, ces tests semblent montrer que l’engrais actuel n’est pas adapté aux légumes feuilles.

Les plans de patates et arachides se développent bien. Seuls quelques plans de patates ont des feuilles jaune-vert, mais encore rien d’alarmant.

Les plants de patate — Avril 2018 — © Gold of Bengal

J’ai collecté 500g de grillons dans le box 2, et 530g d’excréments. J’ai mis les grillons dans un sac, puis je les ai versés dans de l’eau de mer bouillante. Ils meurent alors instantanément.
Je les ai ensuite mis dans le déshydrateur solaire. Le soir, je les ai chauffés dans la casserole en les mélangeant régulièrement pour qu’ils perdent un peu de leur humidité. Demain, je les mettrai à nouveau dans le deshydrateur.
500g collectés pour une boite d’un volume de 1.20*0.4*0.25= 0.12m3. Avec une boite de 1m3 la production devrait passer à 4.1kg tous les 45 jours, soit 92g/jour. Cela me parait être un bon objectif.

Mon tube de dentifrice est terminé. J’ai préparé une pâte à base d’huile de coco et de bicarbonate de soude. Recette trouvée sur internet. J’ai l’impression que ça nettoie bien les dents. Il ne faut pas frotter trop fort sur les gencives car il y a comme des cristaux dans le bicarbonate qui les irritent. Le goût est bon, surtout quand on se rince la bouche avec de l’eau de mer après coup. Cela parait être une bonne alternative au dentifrice classique.

Brossage de dents — Avril 2018 — © Gold of Bengal

FEELING : 😶
J’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup avancé sur les low-tech cette semaine. La sortie de la plateforme, la réalisation des épisodes vidéo et quelques autres taches liées à la communication ont fortement réduit le temps dédié aux low-tech. Je vais essayer de mieux gérer l’équilibre la semaine prochaine.

RDV dans quelques jours pour découvrir la Mission Biosphère — Semaine 8.

À PROPOS

Mission Biosphère, 4 mois en autonomie grâce aux low-tech.

Seul sur une plateforme au large de la Thaïlande, Corentin aura pour mission de combiner les low-technologies les plus prometteuses afin de constituer une base-vie autonome lui permettant de répondre à ses besoins vitaux.

Pour tout savoir de la Mission Biosphère, rendez-vous sur Nomade des Mers — Phase 2 : Mission Biosphère

Nomade des Mers, 4 ans autour du monde, à la découverte des low-technologies

Le 23 février 2016, le Nomade des Mers prenait la mer pour une grande expédition de découverte, d’expérimentation et de promotion des low-technologies. Son objectif ? Parcourir les océans à la recherche des meilleures solutions et des inventeurs les plus ingénieux. Plateforme d’expérimentation des low-tech, le Nomade des Mers permet également d’en faire la promotion et d’en assurer la diffusion. Au fil de ses expéditions, le Nomade des Mers a vocation à devenir un écosystème autonome exemplaire, porte-drapeau de l’innovation durable et solidaire.

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Corentin sera indisponible et injoignable jusqu’au mois de juin.

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