[MAROC] Kaoutar, un filtre d’épuration de l’eau low-cost

Lors de notre passage à Casablanca, nous avons rencontré Kaoutar Abbahaddou une jeune entrepreneuse modèle, hyper-active et optimiste tout en restant pleine de réalisme. Une rencontre riche en enseignements pour nous et tous les jeunes entrepreneurs !

Gold of Bengal
Low-tech Lab Stories
6 min readMar 21, 2016

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Kaoutar Abbahaddou, jeune ingénieure marocaine de 23 ans a lancé il y a 3 ans le projet Vernet Access Water, développement d’un filtre d’épuration de l’eau low-cost. En quelques années, le projet et sa stratégie de développement ont beaucoup évolué pour réussir à faire rimer low-tech et entrepreneuriat. Leçons !

Kaoutar Abbahaddou

Kaoutar se souvient de ce jour, juste après son entrée en école d’ingénieur (Ecole Mohammedia des Ingénieurs de Rabat, l’une des plus prestigieuse du pays) où tous les étudiants se retrouvaient dans la cour, alignés bien en rang, en costume militaire. « Quelle est ma différence ? Quelle est ma mission à moi, Kaoutar, ici? », pour répondre à ces questionnements exitentiels et et trouver sa voie professionnelle, Kaoutar s’investit à fond dans de nombreuses activités périscolaires et en bénévolat. Finalement, c’est l’entrepreneuriat social qui retient son attention i.e la création d’entreprises innovantes et pérennes dont les produits ou process permettent de répondre à des défis sociaux et/ou environnementaux majeurs. Avec des camarades, ils profitent de la compétition Enactus International pour réfléchir à un produit-solution… Ils identifient plusieurs besoins essentiels porteurs mais c’est l’accès à l’eau potable, une problématique encore très présente dans certains villages marocain qui leur semble le plus urgent. Après une étude approfondie de toutes les innovations liées à la filtration et l’épuration, ils redécouvrent une technique traditionnelle : le filtre en céramique. Il s’agit de la fabrication d’un récipient en argile mélangé à de la sciure de bois (ou autre combustible comme du son de riz). Durant la phase de cuisson les particules de bois carbonisent et créent des microporistés qui permettent de retenir juqu’à 99% des agents pathogènes présents dans l’eau. A cela est souvent rajouté un traitement à l’argent colloidal qui permet de neutraliser complètement les bactéries. Durant plusieurs mois, le groupe s’attèle à des recherches techniques et scientifiques pour perfectionner le système et met au point dans les labos de l’école une formule à ajouter à la céramique (gardée secrète)pour rendre le filtre encore plus efficace.

Leçons pour nous ?

1/ Prendre le temps de réfléchir à sa cause, sa mission, la bonne idée ne tombe pas du ciel, il est permis donner le temps pour la rechercher !

2/ On peut innover avec l’ancien !

Avec ce projet, l’équipe remporte la compétion Enactus Maroc et la finale internationale en Chine en Novembre 2014.

Itw de Kaoutar, qui nous parle du projet Vernet Access Water, d’entrepreneuriat social, mais aussi de l’intérêt de l’échec, et du Maroc, à voir !

Fonctionnement du filtre en céramique :

En parallèle des recherches techniques, l’équipe dessine le « Business Plan » du projet : comment vendre les filtres tout en garantissant qu’ils soient accessibles, s’essaiment et finalement bénéficient à un maximum de personnes? Comme le dit l’entrepreneuse : “il faut trouver une solution solution à l’équation « low-cost / effectiveness / robustness ».”

Première idée : Former des femmes à la fabrication des filtres en ne vendant que la petite partie chimique conçue par l’équipe. Ce système permettra en plus de garantir des revenus et sera ainsi plus attractif. Rapidement, ils se lançent dans l’expérimentation dans trois villages au Maroc. Cela semble bien prendre, alors tout de suite, l’ambition de concquérir l’Afrique ! Ils lançent un nouveau test au Burkina Faso.

Finalement, quelques mois plus tard, la plupart des femmes ont abandonné le projet. Pourquoi ? Car cette activité ne peut pas rentrer dans leur vie remplie de nombreuses autres activités, dans leur rôle au sein de la famille, que les clients ne sont pas vraiment au rendez-vous, ou tout simplement qu’on ne s’introduit pas comme ça dans un système social et culturel bien rodé. Au Burkina le problème, ce fut l’épidémie d’Ebola qui perturba le contact avec le village expérimental. Pas si simple d’entreprendre en Afrique… A tout cela vient s’ajouter un autre problème important : le difficle contrôle de la qualité des filtres quand ils sont fabriqués à l’extérieur.

Qu’à cela ne tienne, la motivation est toujours là, “nous n’avons alors qu’à monter une usine de fabrication de filtres qui seront fabriqués en série (donc peu cher) et ensuite les transporter au village ?” Oui, sauf que dès le premier convoyage en camion.. la moitié fûrent brisés!

Il faut de nouveau se remettre en question.

Après l’Ecole, Kaoutar poursuit le projet et commence à travailler en parrallèle pour un grand groupe en marketing international dans lequel elle apprend des « business skills » , en gestion de projet et marketing tout en continuant de parcourir le Maroc pour travailler avec les villages.

Au cours de ses pérégrinations, elle comprend alors 2 choses passées inaperçues jusqu’ici :

1/ Dans les campagnes, une technologie conçue « pour les pauvres » n’est pas attractive. Un objet donné, qui plus est avec un design très traditionnel, n’a pas grande valeur et personne ne souhaite l’acquérir. Et oui, ici, les gens aspirent à la modernité, au même confort et produits neufs qu’en ville…

2/ Quand elle s’arrête dans les villes avant de rejoindre les villages et parle de son projet, une réaction revient régulièremenr « Nous aussi ont en aurait besoin ici, l’eau est polluée aussi.” Kaoutar réalise qu’il y a en fait dans les villes un autre marché, avec un un besoin social et un potentiel financier énormes. Il est bien probable d’ailleurs qu’un jour un concurrent le comprenne, s’y mette et il serait ensuite facile pour lui de décliner une version low-cost de filtre pour les campagnes. Mais la voilà l’idée génie ! Concevoir le même filtre pour les villes et les campagnes. Peut-être même que la marge faite par l’achat en ville pourrait financer une réduction sur ceux vendus en campagne.. ? Sur le modèle du « Buy one, Give one », un modèle de Social Business qui fait ses preuves. Kaoutar pense qu’il pourrait d’ailleurs y avoir une bien meilleure “pénétration de marché” dans le sens ville-campagne plutôt que dans l’autre.

C’est sur cette dernière stratégie que travaille actuellement Kaoutar avec une nouvelle équipe d’ingénieurs et l’aide d’une chercheuse biologiste espagnole. Ils conçoivent un nouveau filtre, plus hi-tech, mais qui pourrait être proposé simultanément aux deux marchés au Maroc (villes et campagnes).

Est-ce que cette stratégie sera la bonne ? L’idée semble en tout cas très prometteuse et c’est tout ce qu’on souhaite à notre chère Kaoutar et son équipe !

N.B : Le projet a également remporaté Unilever Award for Social Entrepreneurs en 2015 et est appuyé par le réseau Ashoka.

Les leçons pour nous ?

3/ Low-tech ne veut pas dire que pour les pauvres ou les villages, il y a bien souvent un intérêt commun avec les villes.

4/ L’idée de départ n’est pas la bonne tant qu’on est pas allé sur le terrain! Parfois il faut attendre.. voir, être flexible et savoir revoir complètement ça stratégie de départ sans se décourager.

Kaoutar est toujours ouverte à de nouvelles opportunités ! Contacts/Financements/Investissements/Expertise technique, ne pas hésiter à la contacter par mail ([email protected]) ou via son compte facebook !

Originally published at medium.com on March 21, 2016. Elaine LE FLOCH

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