Mon hackathon sera différent
Comme une bonne partie de la génération Y, je rêve de monter une start-up. Tout le monde nous y encourage : entre les cours d’entrepreneuriat et les Start Up Week End, ça a même l’air d’être un jeu d’enfant. Mais est-il vraiment facile de créer sa boîte suite à un hackathon ? Comment peut-on, en un temps très limité, favoriser l’émergence de projets entrepreneuriaux pertinents et pérennes ? Après plusieurs expériences de « projets innovants » qui m’ont laissée dubitative, j’ai eu l’occasion de créer moi-même un hackathon. Voici comment j’ai imaginé et organisé le hackathon auquel j’aurais voulu participer.
Depuis quelque temps, j’arrête de cliquer sur « Intéressée » à chaque fois que je vois un Start Up Week End dans ma timeline Facebook. Je sais très bien comment ça va se passer. Au début, on va me mettre dans une équipe, m’installer à une table et me dire : « vas-y, maintenant, trouve une idée ». Comme d’habitude, je n’aurai pas beaucoup d’inspiration. Je me retrouverai encore à imaginer une application de rencontre ou un énième objet connecté, en ayant conscience que ça n’est pas franchement utile. Alors dès le départ, je me dirai que « c’est pour de faux ». Juste un exercice. Un excellent exercice, pour apprendre à faire des études de marché, des business plans, des pitchs : tous les rudiments indispensables pour imaginer créer une start-up. Mais après avoir vu cela plusieurs fois, compris que je voulais me lancer, je fais comment pour trouver LA bonne idée ? Je veux dire, l’idée qui répond à un besoin réel, qui me motive intrinsèquement, sur laquelle je serais prête à bosser nuit et jour pendant les 5 prochaines années ? Non, vraiment, ça ne vaut pas la peine de refaire un hackathon si personne ne m’y aide à la trouver.
En février, j’ai l’opportunité d’organiser un événement avec le célèbre accélérateur NUMA. Le thème de la santé, qui m’attire depuis toujours, résonne parfaitement avec leur nouveau mission statement : « NUMA soutient les entrepreneurs tech qui se donnent pour mission de répondre aux enjeux mondiaux de 2030 ». Je propose donc un hackathon santé. On ne va bien sûr pas découvrir un traitement révolutionnaire en 50 heures top chrono, mais on peut raisonnablement s’atteler à l’amélioration du quotidien à l’hôpital. Et pour cela, on n’a pas forcément besoin de milliards de lignes de code ou de plusieurs années de R&D. Mêmes des petites innovations, du low tech, peuvent transformer le quotidien. Les bases de notre hackathon, baptisé Lowpital, sont posées. Reste à réfléchir au format de hackathon qui palliera les frustrations que j’ai déjà rencontrées dans des événements de ce type. Je dégage deux problématiques essentielles auxquelles je veux m’attaquer :
- Comment aider les participants à avoir une idée vraiment pertinente en seulement quelques jours ?
- Comment les impliquer suffisamment pour qu’ils continuent le projet après le hackathon ?
En parlant de ce projet autour de moi, je rassemble un groupe d’amis motivés par le projet, qui devient le Collectif 3S (pour Sciences, Santé, Start-up). Tous les 6 jeunes diplômés, on évolue dans des milieux différents liés à ces 3 thématiques. On travaille sur le projet en mode collaboratif, avec Nathanaël et Chloé de chez NUMA. On débat, affine, modifie, jusqu’à décider du format final du hackathon. On conclut que ce qu’il nous faut, c’est un ancrage dans le concret. La meilleure source d’inspiration est la réalité du terrain. D’abord identifier des besoins réels, puis réfléchir à une solution : ne serait-ce pas plus efficace que de réfléchir à froid autour d’une table ? En plus, nous espérons que cette approche UX entraînera aussi une meilleure implication des participants. Avoir rencontré les utilisateurs finaux, avoir observé eux-mêmes les difficultés rencontrées, et avoir conscience de l’impact de leur travail devraient fortement jouer sur leur motivation.
On pourrait bien sûr imaginer sourcer les problèmes par de simples échanges avec des personnes concernées (professionnels de santé, patients). C’est vrai, pourquoi ne pas leur demander directement de quoi ils ont besoin ? C’est une méthode efficace, mais nous avons voulu aller un peu plus loin. Les patients acceptent certains désagréments et ne les voient plus : par volonté de guérir, à cause de l’aspect temporaire de leur traitement, ou encore parce qu’ils ne connaissent pas d’alternative. Côté personnel soignant, il y a aussi probablement encore de nombreuses problématiques qu’ils n’ont pas pu identifier à cause du biais induit par leur formation et l’ancrage de leurs habitudes. Nous avons sciemment choisi des gens très peu familiers du monde hospitalier pour réaliser cette immersion. Pour remettre en question des habitudes adoptées depuis toujours, pour remarquer des situations inconfortables ou au moins améliorables, rien de tel que le regard étonné d’un néophyte. Un œil neuf et extérieur est plus à même de questionner les habitudes et présupposés, et donc d’innover.
On tient là le format de Lowpital, en deux phases. D’abord, une phase d’immersion pendant laquelle une partie de nos participants passent 3 jours à l’hôpital. Deux formations encadrent cette immersion pour les accompagner de l’observation du terrain à la formulation d’une problématique. Ensuite, pendant la phase de hackathon, les observateurs deviennent des leaders d’équipe : ils pitchent leurs problématiques, et recrutent ainsi d’autres participants pour réfléchir ensemble à une solution. Les équipes doivent être les plus pluridisciplinaires possibles, pour tirer profit de la diversité des expertises et des points de vue : professionnels de santé, designers, développeurs, commerciaux, ingénieurs, spécialistes des sciences sociales… Nous rassemblons des profils extrêmement variés et complémentaires. Nos mentors sont présents tout au long du week-end pour les accompagner et les conseiller sur de nombreux sujets. A partir de là… c’est à eux de jouer !
A l’heure où j’écris cet article, nous avons 100 participants inscrits pour le hackathon. Ils sont de tous âges et de tous horizons, mais ont en commun une très forte motivation. 16 d’entre eux ont participé à la phase d’immersion entre le 29 mai et le 9 juin 2017. Ils ont été accueillis dans 4 hôpitaux de l’AP-HP et à l’hôpital Foch de Suresnes. Ils ont découvert des services de chirurgie plastique, gériatrie, diabétologie, unité de soins pré-opératoires. Ils ont soulevé 8 problématiques qui altèrent le quotidien à l’hôpital. Et ils se préparent à travailler sur des solutions low tech, pendant le week-end du 16 au 18 juin, dans les locaux de NUMA*. Et après ? Nous offrirons aux équipes les plus prometteuses un accompagnement dans la création de leur start-up. Les liens solides créés avec les hôpitaux d’accueil pendant l’immersion doivent aussi permettre de tester les prototypes et itérer la démarche. Les participants auront ainsi toutes les cartes en main pour concrétiser leurs projets.
Finalement, nous avons créé ce hackathon en suivant exactement la même démarche que nous proposons à nos participants. Elle s’inspire des 5 étapes du design thinking telles que définies par la D-School de Stanford : observation, définition du problème, idéation, mise en oeuvre, test. En partant de nos propres expériences des hackathons, nous avons pu définir 2 défis à relever. Une réflexion collective nous a alors permis d’imaginer un nouveau concept. Nous lui avons donné vie, et maintenant, avec cette première édition, nous le testons. Si nous espérons sincèrement que Lowpital fera émerger des projets pertinents et pérennes, qui amélioreront réellement le quotidien à l’hôpital, nous n’avons pas la prétention d’avoir optimisé tous les paramètres. Grâce aux feedbacks de nos participants et partenaires, nous pourrons y retravailler et proposer une version 2.0 de Lowpital. Et qui sait, peut-être qu’après quelques itérations, nous organiserons le hackathon parfait ?
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*Cet événement n’aurait pas pu avoir lieu sans le soutien de nos partenaires : NUMA, Lilly France, l’AP-HP, l’hôpital Foch, UseConcept, l’Institut de l’expérience patient, Enactus France, l’ISEFRE, Start the f*** up, My Hospi Friends, le Laptop, Start in Saclay, Blue Factory, Gyrolift, l’UVSQ, IESF, XMP Entrepreneurs et XMP Biotech.