Être un éditeur indépendant en Occitanie

MéméDansLesOrties
Mémé dans les orties
4 min readOct 11, 2016

Tout ce que vous aviez toujours voulu savoir sur un obscur métier ; reportage en coulisses du Bazar Littéraire, le plus petit des grands salons littéraires, par et pour les éditeurs indépendants.

Être éditeur. Un rêve pour certains, une bizarrerie pour d’autres, un mystère pour tout le monde. Si vous aussi vous vous imaginiez les éditeurs comme des êtres inaccessibles, voire antipathiques, verre de vin blanc dans une main et manuscrit de génie dans l’autre, habitant dans un loft lumineux ambiance parquet qui grince dans un quartier huppé, vous allez être surpris. Bienvenue dans la communauté des éditeurs indépendants, alias les plus petits des grands passionnés du monde du livre.

Crédits photo : La Cave Poésie René Gouzenne

J’en rencontre quelques uns à l’occasion du salon littéraire Chez René, donné à la Cave Poésie les 17 et 18 septembre derniers, à Toulouse. Derrière les cartons de livres, les meubles chinés chez Emmaüs et les tasses de café, je reconnais le stand des Editions Tapuscribe, Anacharsis, Winioux, Amor de mis Amores ou encore Tupi or not Tupi…Un point commun ; une certaine idée de la littérature et de comment la défendre.

“On se veut proches de nos auteurs, on défend la qualité et pas la quantité” me confirme une éditrice.

On me parle de défense, de communauté, d’idées, de combat. La littérature, un combat ? C’est un salon politique ou quoi ?

“Le livre, c’est un objet politique en soi. On est ici pour montrer que le livre peut prendre un autre chemin pour rencontrer son lecteur. Ce qui nous unit, c’est l’amour des mots, pas l’amour du profit.”

Le mot est lâché. Profit. Parlons des sujets qui fâchent. Je glisse au hasard des mots comme argent, factures, diffusion, prix de vente…On me répond en fronçant du nez :

“On a presque tous un boulot à côté. Pour un éditeur indépendant, c’est difficile, voire impossible, de vivre convenablement de son travail. Il faut croire en son projet pour pouvoir le porter à bout de bras en rentrant du bureau. Ça demande des sacrifices de vie privée et de vie de famille, on pose des jours au boulot pour pouvoir bosser pour la maison d’édition, quand d’autres partent en week-end. Comme aujourd’hui.”

Crédits photo : A la Fenêtre — Photographies. Le stand des Editions Tapuscribe au Bazar Littéraire.

Recevoir des manuscrits, les lire, en faire des retours personnalisés aux auteurs, faire des maquettes, défaire des maquettes, refaire des maquettes, corriger, relire, recorriger, refaire des maquettes, et puis imprimer, aller chercher les livres, trouver un diffuseur, développer sa communication, avoir une ardoise chez l’imprimeur car les livres ne se vendent pas, normal, on n’a pas trouvé de distributeur, faire des évènements, rassurer l’auteur, s’improviser comptable…Être éditeur indépendant, ce n’est pas qu’une question d’organisation. Et de jonglage. Et de polyvalence. Et d’autodidactisme.

En fait, c’est surtout une histoire de passion.

“Si on avait perdu le goût de la littérature, de la découverte de talents, on aurait arrêté depuis longtemps. Si vous envisagez de faire ça pour l’argent, ou la gloire, arrêtez tout de suite d’y penser.”

Et alors, pourquoi on devient éditeur indépendant, si ce n’est par masochisme intellectuel ? Je comprends qu’il y a de la passion, évidemment, mais aussi une envie de faire bouger les choses, à son échelle, comme on peut, apporter sa pierre à l’édifice de la littérature qui, doit-on le rappeler, ressemble de plus en plus à un amas de chiffres plutôt qu’un fourmillement de mots. C’est se positionner contre les éditeurs vin-blanc-manuscrit-de-génie-loft-quartier-huppé dont on parlait au début, et se positionner avec les éditeurs café-manuscrit-de-génie-inconnu-ne-touchent-pas-un-rond-avec-leurs-livres.

Crédits photo : A la Fenêtre — Photographies. Le stand des Editions Winioux au Bazar Littéraire.

Être éditeur indépendant, c’est aimer donner sa chance à des manuscrits qui n’auraient pas survécu dans les moissonneuses de la grande édition. C’est aimer partager avec les autres copains éditeurs indépendants, parce qu’on est dimanche et qu’il pleut et qu’il fait froid et qu’on n’a pas de client sur le stand, alors on se réchauffe en buvant des cafés ensemble. C’est aimer découvrir des talents et se laisser transporter par un manuscrit qui nous vient peut être de notre voisin. C’est aimer les évènements peu conventionnels, comme celui-ci, le Bazar Littéraire de Chez René, où les livres se pavanent en objets de déco au milieu des confituriers comme chez Mémé, des canapés très seventies, des tapis orientaux, parce qu’un salon littéraire classique, ça aurait été trop triste pour une communauté qui se bat ensemble en revendiquant l’originalité, le peu-banal, le qui-sort-du-cadre.

Être éditeur indépendant, c’est un peu moins un mystère maintenant.

[Le guide non exhaustif des éditeurs indépendants de l’Occitanie ]

AaOo AmordemisamoresAnacharsisArachnoïdeAz’art atelierCMDEEspaces 34Erès, collection Po&psyF de Phosphène — Feuk magazine — FissileLes Fondeurs de Briques — Le Grand OsGrègesJulieta CartoneraN&BN’a qu’1 Oeil TapuscribeTupi or not TupiUn Thé chez les FousVagabondeWinioux.

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