Intermittents du spectacle à Toulouse

Lola Dolores
Mémé dans les orties
4 min readDec 6, 2016

Ils sont ingénieur du son, comédiens ou éclairagistes, travaillent souvent de nuit dans l’ombre des évènements culturels, et se posent beaucoup de questions sur leur avenir. Coup d’oeil sur ce statut étrange qu’est l’intermittence.

En France, environ 100 000 personnes bénéficient de ce régime particulier que l’on nomme l’intermittence du spectacle. Ils sont souvent affiliés à des métiers techniques dans le monde de l’audiovisuel et du spectacle, mais peuvent aussi être des professions artistiques et créatrices.

Nicolas est régisseur son depuis deux ans, après une formation en DMA à Nancy. Il a un peu voyagé en France, entre Nancy et Tours, avant de venir s’installer à Toulouse depuis trois mois pour rejoindre sa petite amie. « Ici, ça bouge un peu plus. Tours était trop proches de Paris, toutes les dates s’organisaient avec des prestataires parisiens. » C’est un peu le souci de ce métier, qui marche avant tout au réseau et au contact : la plupart des contrats se signent à Paris. Pas étonnant que plus de la moitié des intermittents du spectacle vivent dans la capitale …

“Il faut avoir du contact pour réussir à vivre en dehors de Paris.”

« C’est plus facile pour un casting d’embaucher un Parisien qui imitera l’accent méridional que de déplacer l’équipe pour faire un casting dans le Sud », nous dit Laura, comédienne et vivant du statut de l’intermittence depuis 5 ans. « Tout se fait sur place à la capitale. Il faut vraiment avoir du contact pour réussir à vivre en dehors de Paris. »

Des contacts, du réseau, autant de manières de trouver des emplois qui passent hors des circuits conventionnels. « Pôle Emploi n’est pas une plateforme adaptée à notre métier », nous dit Nicolas. « Notre savoir faire est trop spécifique, et les algorythmes de Pôle Emploi trop datés. » Un problème de mise à jour, réellement ? Nous avons posé la question au bureau Pôle Emploi de Patte d’Oie.

« Il est vrai que pour les métiers très spécifiques, notre plateforme n’est pas la mieux adaptée, nous répond une conseillère. D’où la nécessité pour les intermittents d’avoir un statut spécifique correspondant à leur besoin. Bien entendu ils pourront toujours trouver des emplois par le biais de nos offres, mais ils ne faut pas qu’ils se reposent sur ce seul outil pour réussir à faire leurs heures. »

“Je connais très peu de personnes qui bénéficient réellement du statut d’intermittence.”

Des heures parfois bien difficiles à trouver, et plus contraignantes qu’il n’y paraît. « Jusqu’à maintenant, je n’ai travaillé qu’en CDD à la journée ou au week-end, nous confie Nicolas, ce qui fait que je n’ai pas pu remplir mes heures. » Le statut d’intermittent du spectacle est souvent remis en question par le Medef et ce statut est débattu chaque année. En effet la caisse est déficitaire, et ils bénéficient d’avantages sociaux non négligeables. Mais la réalité du terrain est toute autre. « Je connais très peu de personnes qui bénéficient réellement du statut, nous dit Laura. Beaucoup de mes amis comédiens signent en réalité des CDI par des associations en étant auto-entrepreneur. Le statut d’intermittent est avantageux à partir du moment où l’on fait beaucoup d’heures, ce qui n’est pas forcément le cas quand on débute ». Nicolas complète : « Pour l’employeur, le CDD est plus avantageux, car le statut d’intermittent à la journée ou au week end a trop de charges. Plus le temps d’intermittence est court, plus les charges sont importantes. Pour des contrats de 8 à 12 heures les employeurs n’en veulent pas. »

Nicolas est en tous cas ravi d’être sur Toulouse. « Cette ville a une grande dynamique culturelle. Beaucoup de projets et d’associations se montent, qui peuvent nous faire vivre en dehors de la capitale. C’est un grand plus de valoriser les initiatives locales. » Peut être la clef de ce grand débat réside t’elle tout simplement là dedans : permettre à des réseaux locaux de survivre en injectant plus de subventions aux régions pour dés-endiguer la main-mise parisienne. Sans intermittents, pas de spectacle, et il serait dommage que la fête s’arrête pour tous ceux qui vivent dans l’ombre.

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