Vous êtes mon soutien psychologique!

Yaayou Tidiane
Ma vie de Yaayu Tidiane
3 min readMar 19, 2015

Écrire et publier dans ce blog m’ont fait beaucoup de bien. Écrire et partager mon histoire m’ont vraiment soulagé. En écrivant j’ai pu me libérer de cette angoisse qui me compressait durant tout ce temps et que je ressentais comme une boule au niveau de la gorge.

J’ai compris que cette angoisse ne me quittait pas car je n’en parlais pas. Et pourtant durant notre séjour à l’hôpital, je n’ai jamais senti ce besoin d’être écoutée et soutenue. Mon seul soucis était d’accompagner mon fils dans le parcours difficile de la maladie. Je ne parlais jamais de mes sentiments et de mes émotions.

Même pas à mon mari…

Je subissais en silence sans me plaindre. Je me disais que je n’avais pas le droit de me plaindre car c’est Tidiane qui ressentait la souffrance et les traitements quelques fois pénibles. Je ne me donnais pas le droit de craquer devant le personnel soignant ou même devant ma famille.

J’ai eu la chance d’avoir cette aptitude à m’adapter même à cette situation très pénible qui est de faire face à la souffrance de mon enfant. Je dis bien j’ai de la chance car tout le monde n’a pas cette chance. J’ai vu des mamans renoncer à poursuivre le combat pour la survie de leur enfant car disant “c’est sans espoir…”

Ce n’est pas le manque d’espoir qui les amenait à renoncer à soigner leur enfant mais c’est surtout le manque de soutien moral et même quelquefois le manque de soutien financier. Un enfant malade, des ordonnances et analyses qui se succèdent, les gens (le plus souvent des gens de ta famille ou de ton entourage) qui te pointent du doigt et ton couple qui n’existe plus sont le plus souvent des situations qui nous font abdiquer. Il y a toujours une tante, un oncle ou un parent qui est là et qui sert de soutien psychologique. Mais est-ce suffisant surtout pour les parents qui ont des enfants en fin de vie et qui en sont conscients?

Je me rappelle d’une femme que j’avais rencontrée à Albert Royer. Pour garder l’anonymat je vais l’appeler Yaayou Fatou.

Fatou est née aussi avec une maladie cérébrale qui a fait qu’à trois ans elle ne marchait pas ne parlait pas et elle n’était pas consciente de son entourage. Sa mère qui était très croyante l’amenait à l’hôpital à chaque fois qu’elle faisait de la fièvre ou qu’elle était malade. Nous étions devenues amies car elle disait toujours que Fatou est la chérie de Tidiane puisqu’ils ont à peu près la même apparence. Un jour elle me dit en pleurant que son mari refusait de payer la facture de l’hôpital : « le jour où Fatou s’est mise à vomir il a refusé de l’amener à l’hôpital car disait-il: “les frais médicaux sont chers et que depuis qu’elle est née leur situation est de plus en plus difficile. Sa tante dit que tant qu’on continue à l’amener à l’hôpital notre situation ne va pas changer. Elle propose qu’on la laisse mourir à la maison. Et lui il suit les conseils de cette folle”.

Fatou est mon unique enfant et les médecins disent que nos autres enfants auront surement la même maladie et maintenant il s’est mis en tête de prendre une seconde épouse pour avoir des enfants “normaux” car dit-il “mon ventre est trop chaud!”.

Je ne savais pas quoi lui dire et je lui ai conseillé de voir l’assistante sociale pour la prise en charge des frais d’hospitalisation. Elle divorça après le décès de Fatou et elle quitta Dakar pour vivre chez sa sœur à Tamba car, m’a-t-elle dit au téléphone, elle avait fait une dépression nerveuse.

Combien de Yaayou Fatou ont vu leur vie et leur couple détruit à cause d’une mauvaise appropriation de la maladie de leur enfant. Certes les psychologues sont là mais lorsqu’on les voit c’est vraiment parce que l’enfant est en fin de vie. Et je ne parle pas de ces préjugés qui, dans notre société, font que la maman d’un enfant particulier à qui des malformations rendent “typé” ou “bizarre” est la COUPABLE! Ou que lui-même est le mal réincarné. Moi ce jour-là ce que je n’ai pas dit à Yaayou Fatou c’est qu’un jour une femme avait traité Tidiane de “nit Ko Bonne” (l’enfant du mal) car tout simplement il est différent.

Ce n’était pas de la méchanceté, loin de là car c’est une femme qui m’aime bien mais c’était tout simplement culturel.

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