Fabrique à vinyles : les usines MPO
Texte Thomas Schwoerer Photographies et légendes Julien Bourgeois
Presque toute l’industrie florissante du vinyle repose sur leurs vieilles épaules. Les vingt-quatre presses à vinyle de MPO (comme Moulage Plastique de l’Ouest) font ce qu’elles peuvent, en non-stop, manipulées précautionneusement en trois-huit par des ouvriers qualifiés qui ont quasiment l’âge de ces machines, dans un vacarme assourdissant. Si certaines presses d’origine ont été fabriquées par Toolex Alpha, une usine suédoise désormais fermée, d’autres ont fait près de 8000 kilomètres depuis le Venezuela où elles ont été récemment acquises. Depuis la fin des années 80, plus aucune usine au monde ne fabrique ces machines, véritable espèce en voie de disparition, parfois agrémentée de béquilles technologiques, ou simplement aidée par la main de l’homme. Logées au cœur de la campagne, dans une entreprise familiale crée en 1957 par les époux De Poix à Villaines-la-Juhel en Mayenne, elles sont les dernières à fabriquer du vinyle en France, hormis une initiative récente à Rennes. Dans ces quelques salles de travail, l’usine couvre toutes les étapes de la fabrication d’un vinyle, de la réception du master à la galvanoplastie, la fabrication des matrices métalliques ou “négatif” en nickel, jusqu’au pressage du vinyle et à l’impression des pochettes et macarons. Tout est ensuite assemblé, emballé, expédié. Même procédé, techniques inchangées depuis la fin des années 50, et ce malgré une courbe de croissance infernale, amorcée doucement vers 2007, puis exponentielle depuis 2012, avec une étourdissante progression de 30 % par an. Seule ombre au tableau, le coût de la matière première, le vinyle étant directement indexé sur la hausse des prix du pétrole. Ce qui n’empêche pas les machines de tourner à bloc en pressant à tout va : de la comptine pour enfants au metal, en passant par la variété, l’électronique, le rock indépendant, la pop moderne… et évidemment les repressages. En vinyle noir ou en couleur, transparent, fluo ou marbré, chaque disque trouve l’apparence qui lui sied le mieux. Et juste avant l’expédition, une dernière étape : la salle des écoutes, où l’on n’apprécie pas forcément la pureté des accords ou la folie des arrangements mais plutôt la qualité du pressage. Une vérification indispensable avant de quitter ce lieu un peu étrange et totalement isolé, où se matérialise l’histoire de la musique dans son format le plus noble.
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