Maia Mater: Labor omnia vincit improbus đȘ
Un programme dâaccompagnement pour les guerriers Ă la rue.
Je faisais lâintro de Maia Mater dans mon dernier article âStartup Jungle: la foire aux accompagnementsâ. Aujourdâhui je vais plus loin: immersion de quatre mois dans le camp de vacâŠdâentrepreneuriat!
La gĂ©nĂšse đ¶đ»
Il faut le reconnaĂźtre, Quentin Adam a une grande gueule. Mais bien sâen faut, il porte quand mĂȘme la grande conviction dâaider les (primo-) entrepreneurs Ă se dĂ©velopper. Câest avec Francky Trichet (adjoint au numĂ©rique Ă Nantes) quâil dĂ©cide de crĂ©er Maia Mater, cet ovni dans la sphĂšre des structures dâaccompagnement.
Maia Mater se déroule sur trois ans:
- PremiÚre année (A1) : le débutant-entrepreneur est logé et nourri pendant quatre mois, du Web2Day à la Nantes Digital Week
- Rebelote lâannĂ©e dâaprĂšs pendant un mois Ă Saint-Nazaire en juillet
- TroisiĂšme annĂ©e, les âanciensâ, forts de leur expĂ©rience, donnent de leur temps en office hours (OH) pour conseiller les A1
Le programme est simple:
- Pas de prise de participation
- Pas de cash
- Des bureaux
- Des office hours avec des entrepreneurs Ă succĂšs
- Des perks
- One big party
Euh.. ok mais qui finance tout ça ? Ăa sert Ă quoi ?
Les villes de Nantes et de Saint-Nazaire sont les principaux sponsors (et un peu de privĂ© quand mĂȘme). LâidĂ©e nâest pas de construire une Ă©niĂšme structure dâaccompagnement cherchant des subventions et accessoirement de proposer des services connexes (pour payer ses salariĂ©s) ou de prendre des parts dans des entreprises. Le vĂ©ritable objet câest dâaider ceux qui nâont rien Ă perdre et de crĂ©er une communautĂ© dâentrepreneurs.
Les entrepreneurs prĂ©sents en office hours font ça de leur plein grĂ©, sur leur temps sans contre-partie non plus : ils donnent Ă la communautĂ© parce quâils savent que la communautĂ© le leur rendra bien un jour.
On se retrouve dans un environnement hyper agrĂ©able pour travailler (non non, pas de babyfoot, juste un punching ball pour se dĂ©fouler aprĂšs un entretien client), avec une vingtaine de personnes qui travaillent sur une dizaine de projets, allant du sport aux stages Ă lâĂ©tranger en passant par la vente de bronzes africains.
Lâobjectif nâest pas de sĂ©lectionner sur lâidĂ©e ou le projet (ou du moins pas entiĂšrement) mais surtout sur lâĂ©quipe. CrĂ©er une start-up demande une motivation hors norme, et mĂȘme si vous avez lâidĂ©e du siĂšcle, si vous nâavez pas les Ă©paules pour la porter, personne ne le fera pour vous. De toute façon, les idĂ©es Ă©voluent tellement vite que personne ne retrouve son produit tel quâil lâavait imaginĂ© au dĂ©part.
Take a step backââ lessons learned
Je vais commencer par les mythes qui traversent le monde de lâentrepreneuriat. Je prĂ©cise dâemblĂ©e: mes remarques sont des remarques pre-product market fit (product market fit).
Mythes
- âLe problĂšme, câest la techâ. Faux faux faux, archi-faux. Ă 99% du temps, la tech nâest quâun moyen dâaccĂ©lĂ©rer votre business. Mettez-vous bien dans le crĂąne quâil nây a quâElon Musk qui ait vraiment des problĂšmes de tech.
- âJe ne peux pas me lancer sans CTOâ. Oui ⊠et non. Oui parce quâun CTO va vous permettre dâaller plus vite sur beaucoup dâaspects. Non, car la myriade de solutions permettant de crĂ©er un produit sans vraiment dĂ©velopper vous permet de construire avec des briques sans avoir forcĂ©ment besoin dâun dĂ©veloppeur Ă temps plein, du moins au dĂ©but. Ă termes, bien sĂ»r avoir un CTO est inĂ©vitable.
- âDu coup tu as Ă©crit ton business plan sur trois ans ?â. Yep. But âŠnope. Je lâai fait (comitĂ© de sĂ©lection en incubation oblige!), ça me sert de temps en temps de repĂšre, mais de toute façon je ne sais pas vraiment ce que je vais faire dans 3 mois. Il faut quand mĂȘme un minimum de traction et de cash qui rentre pour faire un BP.
- âJâai besoin dâinnoverâ. DĂ©formation professionnelle oblige (ingĂ©nieur), jâaurais tendance Ă dire oui. Cependant le concept mĂȘme dâinnovation est tellement flou quâil ne sâagit pas de sâattarder dessus. Dâune part car une innovation est souvent perçue comme une innovation technique, alors quâil ya mille façons dâinnover: dans les processus, le produit etc. Le terme est trop souvent liĂ© Ă une perception biaisĂ©e du problĂšme đ
- âJâai pas dâidĂ©eâ ou âTon idĂ©e est gĂ©nialeâ. Oui, mais non. Une idĂ©e ça ne fera pas dĂ©coller votre business, surtout si tout le monde se fiche bien du problĂšme que vous souhaitez rĂ©soudre.
Erreurs
Au-delĂ des mythes, il y a toutes ces choses quâon apprend sur le tas, en faisant des erreurs:
- Visez des business âsimplesâ. CrĂ©er une entreprise est dĂ©jĂ assez compliquĂ© comme ça, ne vous lancez pas dans un concept difficilement comprĂ©hensible nĂ©cessitant un niveau dâabstraction Ă©levĂ© (surtout si vous ciblez des grands comptes). Si votre business est trop compliquĂ© Ă expliquer, posez-vous des questions.
- âFake it until you make itâ. Encore aujourdâhui jâai du mal avec cette notion (dĂ©formation dâingĂ©nieur oblige) mais câest probablement lâun des meilleurs conseils dâOussama Ammar. Ne construisez pas un produit sans vous assurer de lâintĂ©rĂȘt des utilisateurs potentiels. Je vous parle bien de rĂ©colter le mail dâun prospect chaud, pas de demander Ă vos amis sâils sont prĂȘts Ă acheter. Encore une fois, aucune excuse du type âje sais pas coder" nâest valable.
- Si vous ĂȘtes primo-entrepreneur sans background, ne ciblez pas des grands comptes comme premiers clients. Vous aurez Ă©normĂ©ment de mal Ă vendre, sans compter les cycles de vente interminables (compter 6 mois Ă 1 ans en moyenne). Dâailleurs, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale essayez dâĂ©viter cette cible, sauf si votre produit propose un ROI immĂ©diat (je pense Ă Take A Desk ou Clustree par exemple qui parviennent Ă rĂ©duire les signatures Ă quelques mois) ou que votre cash le permet
- Ne pitchez pas (ok, sauf pour lever des fonds)
- Soyez radical et focus. Nâayez pas peur de recommencer Ă zĂ©ro. Chez Captain Data ça nous est arrivĂ©, plus dâune fois, on a pleurĂ© notre abandon et on sâest relevĂ©, pour le meilleur comme pour le pire. Fixez-vous des objectifs Ă la semaine, dĂ©finissez des mĂ©triques de suivi de votre business et remettez-vous constamment en cause en analysant votre croissance (on peut vous aider, faites-nous un petit coucou sur hello@captaindata.co)
- Ne payez jamais pour une intro. Si vous voulez une intro, vous demandez Ă quelquâun qui saura vous mettre en relation parce quâil sait que vous en valez la peine, et in fine, ça aidera son karma :) (voir Introductions and the forward intro email)
- âJâai besoin de crĂ©er mes statuts". Non catĂ©gorique : ça fera juste plaisir Ă votre avocat. Ok seulement si vous faites du chiffre. Et encore, ça dĂ©pend : vous pouvez trĂšs bien commencer par la micro-entreprise pendant un temps. Ăa vous facilitera la vie, et de loin.
- âJâai pris un stagiaireâ. Seriously ? Donc si je comprends bien : tu ne te paies pas, tu sais pas vraiment ce que tu fais et oĂč tu vas, mais tu es prĂȘt Ă perdre ton temps avec un stagiaire sur deux mois (ben oui tu as pas dâargent) ?
- âParticiper Ă des salons et des confĂ©rences techâ ⊠pour Ă©couter les confĂ©rences : vous nâavez pas autre chose Ă faire ? Les salons reprĂ©sentent parfois un moyen incroyable de faire du business (surtout sur le long terme), cependant il faut ĂȘtre trĂšs bien prĂ©parĂ©, avoir une feuille de route, et si vous voulez networker vous avez intĂ©rĂȘt Ă pouvoir vous faire introduire sur place.
What I need, as an entrepreneur
On dĂ©crit souvent lâentrepreneur comme un Ă©nervĂ© bouillonnant dâĂ©nergie. Et câest en partie vrai. Mais aussi bizarre que cela puisse paraĂźtre, un entrepreneur a besoin de stabilitĂ© dans sa vie.
DĂ©jĂ que tout fou le camp dans sa vie professionnelle et que câest avant tout un passionnĂ©, la ligne entre vie pro et perso est dure Ă trancher, et on a vite fait de passer sa vie Ă bosser. Un des gros avantages de Maia Mater, câest lâapport de cette stabilitĂ©. Vous nâĂȘtes pas tout seul, le soir vous pouvez parler sereinement autour dâune biĂšre, voir prendre une cuite ensemble, il paraĂźt que ça marche bien pour tisser des liens (et cerise sur le gĂąteau, comme lâhĂ©bergement est prĂ©vu Ă Maia Mater, pas de problĂšme pour rentrer dormir!).
Et puis jâai besoin quâon mâaiguille. Ce nâest pas parce que vous nâavez pas de N+1 que vous allez faire nâimporte quoi nâimporte comment. Vous allez faire des erreurs et apprendre de ces erreurs. Le mieux placĂ© pour vous mettre face Ă cette rĂ©alitĂ©, câest un autre entrepreneur. Ce qui est motivant dans le programme, outre les office-hours, câest le fait dâannoncer dĂšs le dĂ©but que le programme dure trois ans et que les petits nouveaux donneront des conseils la troisiĂšme annĂ©e. Et franchement, quâon se le dise, qui nâaime pas donner des conseils ?
Saint Graal ?
Je ne dis pas que Maia Mater va changer votre vie du jour au lendemain et faire marcher votre entreprise, loin de lĂ .
Ce que je trouve intĂ©ressant, et câest une des raisons qui mâa poussĂ© Ă faire le programme quand jâai rencontrĂ© Terence Desclain la premiĂšre fois, câest lâesprit quâil y a derriĂšre. Cette volontĂ© de casser les codes et proposer quelque chose de nouveau, certes imparfait dĂ» Ă la jeunesse du programme, mais comme on dit souvent en entrepreneuriat : âBetter done than perfectâ.
Finalement, pourquoi Maia Mater ne pourrait pas devenir la rĂšgle et non lâexception ? JâespĂšre que lâinitiative poussera dâautres collectivitĂ©s et dâautres entreprises Ă crĂ©er des programmes similaires : des programmes sans contre partie.
Si tout cela te parle, que tu as des cojones (au sens figurĂ© hein) et un problĂšme qui tâempĂȘche de dormir tous les soirs, peut importe que tu habites Ă Nantes ou ailleurs, jette un oeil Ă Maia Mater lâannĂ©e prochaine http://maiamater.camp/ ou contacte Terence!