Tour du monde des acteurs de l’innovation managériale

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10 min readSep 10, 2019

Cela va bientôt faire 3 mois que nous avons quitté la France pour notre aventure autour du monde. Avec une trentaine d’entreprises visitées et 7 pays traversés nous voilà à la moitié de notre périple. Nous avons parcouru l’Islande, le Danemark, Israël, l’Inde, l’Indonésie et venons de poser nos sacs à Sydney avant de nous envoler dans quelques jours pour la Nouvelle-Zélande.

Cet article est l’occasion de faire un point sur nos découvertes en matière d’innovation managériale, sur notre état d’esprit après 3 mois de voyage, sur nos découvertes culturelles ainsi que sur nos attentes pour la suite du projet.

Le management nordique en Islande et au Danemark

Nous avons commencé notre tour du monde par l’Islande et le Danemark où nous avons pu découvrir le management dit « à la scandinave ». Les pays scandinaves ont une longueur d’avance sur les pays latins dans de nombreux domaines et l’on vante souvent leur management qui combine vie professionnelle et vie de famille à la perfection. Après avoir passé presque un mois dans le Nord de l’Europe, nous avons remarqué de nombreuses similitudes entre l’Islande et le Danemark.

Dans ces deux pays d’Europe du Nord, les équipes sont généralement gérées sur le modèle très scandinave du consensus, dont l’objectif est d’arriver à un accord avec l’ensemble de tous les collaborateurs pour chaque prise de décision.

Les Danois comme les Islandais accordent également une grande importance à la famille. Celle-ci a en effet une place cruciale dans la société islandaise et danoise et a un impact direct sur la vie au travail. Par exemple, au Danemark il n’y a pas de système de nourrices, les parents organisent donc leur emplois du temps en fonction de leurs enfants et il n’est pas rare qu’ils quittent leur travail entre 15h et 17h pour récupérer leurs enfants à l’école. Ainsi, beaucoup d’employés quittent leur lieu de travail relativement tôt, quitte à retravailler le soir de chez eux.

Nous avons également pu remarquer que dans ces pays les horaires de travail étaient très flexibles et que le travail à distance très fréquent. En effet, la flexibilité du travail à domicile est rendue possible en Islande et au Danemark car les employés utilisent énormément les nouvelles technologies pour travailler de chez eux comme Skype for Business ou encore Face Time. Pour que cela fonctionne, la confiance entre les employés et l’employeur est très importante. Dans les organisations islandaises ou danoises, il y a très peu de hiérarchie, on parle de management horizontal, tout employé a son mot à dire, il n’y a pas de tabou, les employés ont beaucoup de libertés basées toujours sur un contrat de confiance entre l’employé et son employeur.

Avec Herdis Pala Palsdottir, dans les locaux de Reiknistofa Bankanna, Reykjavik, Islande

D’autres thématiques sont ressenties des entretiens comme : la transition managériale après la crise de 2008 (notamment pour l’Islande), l’importance de l’égalité des sexes et de la place accordée au corps et au bien-être des employés au sein des organisations.

Israël ou « la startup nation »

Après les pays scandinaves nous nous sommes envolées pour Israël ! Le dépaysement a été total et le choc culturel énorme ! Si Israël est un pays relativement petit avec peu de richesses naturelles et un climat géopolitique complexe, il y a un véritable engouement pour les startups. Tel Aviv est un véritable laboratoire en effervescence : environ 1 000 startups sont créées par an ! Et oui, ce n’est donc pas pour rien que le pays s’est vu attribuer le petit nom de « Startup Nation ».

Les locaux de l’entreprise We Work, Tel Aviv, Israël

A Tel Aviv nous avons eu l’occasion de visiter 3 startups, dont Mayple, notre entreprise coup de cœur en Israël. Mayple est l’une des 6 000 Startups israéliennes dans le secteur de la Tech. Elle se décrit comme « l’agence marketing du futur » car elle connecte des entreprises avec les plus grands experts marketing du marché, et ce à des prix défiants toute concurrence ! Pour garantir une très grande flexibilité et une expertise hors pair Mayple n’emploie que des Freelances ! Mayple considère que l’avenir repose sur l’économie des talents que le monde de demain sera fait « de moins en moins d’employés et de toujours plus de freelances ».

Nous avons compris que la vision israélienne est essentiellement centrée sur le « court-terme », de par l’histoire du pays, de sa petite taille géographique ainsi que par le climat géopolitique qui y règne. Cette vision court termiste du marché et l’environnement culturel riche de Tel Aviv a façonné un monde de startups pétillant. S’il y a un mot à retenir pour décrire le business israéliens c’est « tachless », ce qui signifie « concret » en hébreu. En effet, si les grandes entreprises doivent planifier sur le long terme, les startups israéliennes sont dans l’instantané et sont encouragées à prendre des risques et à entrer dans le vif du sujet rapidement !

Les Israéliens ont aussi un fort tempérament et ce même au travail, on parle de « chutzpah » ou de « culot à l’israélienne », ce qui rend le management israélien très vivant et mouvementé. En Israël il y a très peu de hiérarchie, tout le monde a son mot à dire. Si cela peut avoir des côtés négatifs, cela a aussi de nombreux côtés positifs, c’est extraordinaire pour l’innovation notamment parce que les Israéliens ne s’arrêtent jamais à un constat et sont dans un processus d’amélioration constante !

Lors de nos deux semaines en Israël nous avons également pu nous rendre compte de l’importance du service militaire et du réseau sur le parcours professionnel. Tous les jeunes entre 18 et 21 ans doivent réaliser un service militaire, de 3 ans pour les hommes et 2 ans pour les femmes. Ainsi, il n’est pas rare de voir des jeunes israéliens armés dans les rues. De nombreux jeunes apprennent d’ailleurs à coder durant cette période et créent par la suite des startups dans le domaine de la Tech. La sélection commence très jeune : en effet, au lycée certains jeunes sont repérés grâce à leurs excellents résultats et le gouvernement leur propose alors de rejoindre les unités d’élites israéliennes qui dépendent directement du premier ministre (c’est un peu l’équivalent de Polytechnique en France). Nous avons remarqué que la plupart des startupers sont issus de ces unités : la plupart du temps parce qu’ils ont bénéficié d’une excellente formation en informatique et ont eu accès à un réseau d’anciens extrêmement puissant.

Après deux semaines passées en Israël, nous nous sommes ensuite envolées pour l’Asie où nous avons parcouru l’Inde et l’Indonésie. De nouveau, c’est un choc culturel incroyable ! Notre séjour en Asie a probablement été le plus grand dépaysement culturel depuis le début du tour du monde.

L’Inde ou le monde de la complexité, de la dualité et de la diversité

Nous avons été très agréablement surprises par l’Inde. Alors que beaucoup de nos proches nous avaient mis en garde en nous rappelant qu’en Inde les femmes n’étaient pas forcément bien intégrées à la société, que nous devions faire attention, nous avons fait des rencontres humaines extraordinaires qui nous ont prouvé tout le contraire et ont fait tomber tous les clichés que nous avions pu entendre sur le pays !

Si nous devions retenir une chose de notre voyage en Inde, c’est qu’il n’y a pas une culture indienne mais une multitude de cultures et que le deuxième pays le plus peuplé de la planète est caractérisé par sa dualité, sa complexité et sa riche diversité.

Pour les Indiens le monde est incertain, ils doivent en permanence faire face à l’incertitude : l’Inde -comme l’Indonésie d’ailleurs- est un monde dit VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). Dans un monde VUCA, les projets, priorités et stratégies évoluent et changent rapidement afin de tenter de s’adapter à la volatilité des situations. La visibilité se réduit et au-delà du court terme règnent l’inconnue et l’incertitude. La complexité du monde indien fait du pays un exemple phare d’un monde dit VUCA, les Indiens sont encouragés à sortir en permanence de leur zone de confort et à prendre des risques. Si en Inde tout est incertain , que ce soit sur la route, dans la vie de tous les jours ou dans le management, les Indiens ont développé une très grande capacité d’adaptation.

Nous avons pu remarquer qu’une des clés du management à l’indienne est que chaque employé a la possibilité de pouvoir choisir avec qui il souhaite travailler et faire équipe. En Inde, si les personnes ne s’apprécient pas elles ne travaillent tout simplement pas ensemble. Les Indiens se réunissent notamment en fonction de leurs valeurs, de leurs intérêts, mais aussi de leurs opinions politiques, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans la vie professionnelle. Enfin, nous avons été frappées par la grande entre-aide qui règne au sein des communautés, absolument tout le monde fait attention à autrui, ce qui crée un climat de confiance propice à un management plutôt horizontal dans les organisations que nous avons visité.

Ce qui nous a le plus marqué en Inde c’est l’importance de la connexion humaine dans le management et dans la vie en communauté. Si les Français perçoivent parfois l’Inde comme un pays lointain où tout manque de structure, nous avons ressenti tout le contraire. En effet, en Inde il y a une très grande importance du réseau et de la connexion humaine par rapport au modèle de management plus traditionnel.

Un autre point nous a finalement frappé : le concept de psychologie n’existe pas et cela fait en effet plutôt partie de la culture judéo-chrétienne. Cette question freudienne traite essentiellement du passé, alors que les Indiens ne se préoccupent que du présent et du futur, ainsi au lieu de parler de psychologie, les Indiens parlent plus d’écoute et de conseil. Bref, nous avons plus qu’adoré notre séjour en Inde, il s’agit de notre pays coup de cœur depuis le début du voyage !

Jakarta, le temple de la mondialisation où le management agile vient progressivement transformer le management traditionnel

Après deux semaines à Bangalore, nous avons posé nos valises à Jakarta où nous avons pu découvrir une ville temple de la mondialisation devant faire face à une situation inquiétante.

Si aujourd’hui « l’Indonésie c’est un peu l’Eldorado où tout le monde veut être mais où tout le monde craint d’y être » nous a confié Valery Muyard, directeur de Volvo Group Indonesia, Jakarta rencontre deux problèmes majeurs : la ville s’enfonce sous les eaux et le nombre d’habitants ne cesse d’augmenter.

Jakarta se noie !

Les sols de la mégalopole indonésienne se dérobent sous le poids des constructions pharaoniques, ses fondations sont fragilisées par le pompage des nappes phréatiques et la mer monte ! Selon les experts, au rythme actuel, un tiers de la ville pourrait se retrouver sous l’eau d’ici 2050. C’est l’une des raisons qui pousse le gouvernement indonésien à changer la capitale du pays et à la déplacer sur l’île de Bornéo.

La mégalopole indonésienne doit affronter le problème de l’explosion démographique

L’Indonésie compte environ 280 millions d’habitants, ce qui fait de l’archipel le 4ème pays le plus peuplé au monde. L’Indonésie représente un challenge géographique puisque l’archipel compte environ 2 millions de kilomètres carrés, 17 000 îles et est long de 5 400 km d’est en ouest. Cependant, le développement du pays est très inégal : 70% de l’économie du pays est réalisée sur l’île de Java qui représente environ 50 000 km et 55 millions de personnes. Jakarta est une véritable mégalopole en extension, avec 35 millions d’habitants, elle devrait bientôt atteindre les 38 millions et deviendrait dès lors la plus grosse ville au monde !

Nous comprenons que le fait de déplacer la capitale sur l’île de Bornéo permettrait ainsi de favoriser un développement plus homogène du pays. Sur le long terme cette situation n’est pas durable, et ça le gouvernement l’a bien compris, c’est pourquoi ils essayent de délocaliser au maximum les activités sur les différentes îles. Mais de nouveau, le pays se heurte à un problème logistique majeur : le manque d’infrastructures pour relier toutes les îles du pays.

Comme en Inde, le monde indonésien est VUCA, et les Indonésiens ont un très grand sens de l’entraide et de la famille. Nous avons pu faire 3 belles découvertes dans la capitale indonésienne, véritable poumon économique de cet archipel aux 17 000 îles ! Parmi elles, Ekipa, cette startup indonésienne accompagne les entreprises dans leur transition managériale afin de passer du management traditionnel à la méthode agile. Ekipa a mis en place un système auto-organisé complètement horizontal qui passe par une totale transparence financière et la formation d’équipes inter-fonctionnelles autonomes. L’agilité d’Ekipa implique la capacité de toute l’entreprise à réagir rapidement de manière innovante et créative à l’évolution des conditions du marché.

Depuis le début du tour du monde, nous avons développé un regard de plus en plus aiguisé sur les différences managériales en fonction des cultures sur les 3 continents traversés. Nous avons le sentiment d’apprendre chaque jour un peu plus et notre soif de découverte ne cesse de grandir ! Ce tour du monde nous apprend aussi énormément de jour en jour sur nous-même et nous permet d’avoir un regard toujours plus critique sur les organisations visitées et sur ce terme « d’innovation managériale ». S’il est parfois compliqué de prendre le temps de se poser et que tout s’enchaine très vite, nous essayons le plus possible de nous imprégner de la culture de chaque pays et de profiter pleinement des témoignages des personnes qui prennent le temps de partager leurs expériences avec nous.

Prochaine étape : l’Australie et la Nouvelle Zélande, 2 pays qui s’annoncent riches en découvertes !

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Currently travelling around the world to research and learn from innovative companies that are leading the way in management.