De l’Afrique du Sud au Mozambique, ces femmes qui bousculent les codes
World of Women est un média d’inspiration dressant des portraits de femmes aux parcours atypiques à travers un podcast, des articles, des vidéos et une newsletter. Nous sommes Isolde Roumy (étudiante emlyon business school) et Selma Gasc (étudiante ESSEC) et pour la première édition du projet, nous sillonnons actuellement l’Afrique à la rencontre d’une centaine de femmes. Voici nos retours sur deux pays d’Afrique australe : Afrique du Sud et Mozambique !
Les femmes que nous avons rencontrées
Nos retours
Ne pas se limiter aux codes dit « féminins »
En Afrique du Sud, les femmes sont là où on ne les attend pas. Dans la brousse, les Black Mambas risquent leurs vies pour défendre les rhinocéros des braconniers, le tout sans le moindre armement. Même chose pour Michelle Henley à qui on a pourtant martelé qu’une femme ne pouvait pas devenir ranger. Elles ont bien su prouver le contraire ! Michelle Henley le dit : il faut suivre son instinct, croire en ses convictions et se montrer implacable pour les défendre. Et évidemment, savoir se remettre en question dans les situations difficiles.
Dans la sphère familiale la cuisine est souvent l’apanage des femmes alors que dans la sphère professionnelle, elle devient une affaire d’hommes. Chef culinaire et femme, Nompumelelo Mqwebu a réussi le tour de passe de propulser la cuisine sud-africaine sur la scène internationale. Nompumelelo en est convaincue : rien ne peut s’opposer à une passion lorsque le travail est à sa hauteur.
Autre exemple : le monde de la finance est connu pour être dominé par des hommes blancs âgés mais Thabi Leoka a fait sa place. Après plusieurs tables rondes et conférences, elle a su faire entendre sa voix et gagner sa légitimité. Même chose pour l’économiste Miriam Altman que le CEO de Telkom est venu débaucher pour définir la stratégie de l’entreprise dans une phase de déclin rapide.
On place régulièrement les femmes dans des carcans. Traditionnellement, certaines professions se veulent plus « masculines » que « féminines » et vice-versa mais les codes se bousculent. Toutes ces femmes sont autant d’exemples qui réussissent malgré les préjugés. Fini les brimades, fini l’autocensure.
Assumer son ambition
Dans certaines oreilles, « être ambitieuse » peut avoir une connotation péjorative. Trop carriériste, trop compétitive, trop prétentieuse. Pourquoi faire de l’ambition une tare lorsqu’elle est féminine ? En tout cas, les femmes que nous rencontrons prouvent qu’il n’y a pas de honte à être ambitieuse.
Alors que personne n’aurait misé sur elle, Thabiso Malhape est devenue la première femme noire sud-africaine à la tête d’une maison d’édition. Nompumelelo Mqwebu s’est fixée l’objectif audacieux de faire connaître la cuisine sud-africaine sur la scène internationale. Malgré son nom de famille, Melanie Verwoerd a eu le courage de s’engager à l’ANC et faire tomber l’apartheid. Avec le rêve de devenir Présidente de la République, Thabi Leoka s’est finalement tournée vers la finance pour avoir un train de vie confortable. Et elle n’a pas honte de le dire.
Pour elles, ambition rime avec audace, dynamisme, motivation, prise d’initiative, confiance en soi. Soyez fières de vos ambitions.
Les femmes que nous avons rencontrées
Nos retours
Des femmes aux postes de direction : tout un programme
Le Mozambique a une histoire complexe : après des décennies de guerre, beaucoup de mozambicains partis à l’étranger ont décidé de rentrer au pays pour participer à sa reconstruction. Cette ambition habite toutes les femmes que nous avons rencontrées : il est indispensable pour elles d’apporter leur pierre à l’édifice. Et la première étape pour avoir un impact sur leur propre pays a évidemment été de déceler les manques à gagner : Sofia Cassimo, par exemple, s’est lancée dans la fondation de Samsara pour compenser l’inexistence de fonds d’investissement finançant les entreprises sociales dans le pays. Mody Maleiane, quant à elle, s’est donné comme objectif de dynamiser l’entreprenariat féminin avec ICEF Microcrédit, pour offrir de nouvelles opportunités aux femmes du secteur informel, largement laissées pour compte.
Et la tâche n’est pas facile. Car ces femmes cumulent deux ‘faiblesses’ : elles sont femmes et elles sont jeunes. Neusa Marcelino décrit très justement cette problématique en évoquant ses débuts dans le secteur plutôt masculin du transport maritime : pour être prise au sérieux, elle a dû travailler son apparence, se donner des airs plus âgés, pour asseoir sa légitimité. Daniela Santos, après 11 ans dans le secteur bancaire et financier, explique que la meilleure façon de se faire respecter par ses pairs est d’être absolument irréprochable sur ses compétences et ses connaissances : il faut faire dix fois plus et dix fois mieux pour n’avoir rien à se reprocher.
Mais la tendance est à la présence croissante des femmes dans des métiers où elles étaient traditionnellement absentes, notamment grâce au travail d’hommes ayant pris conscience des avantages conséquents de plus de diversité dans les entreprises. Daniela a été poussée par ses deux mentors, qui lui ont appris tout ce qu’ils savaient, et à son tour tente d’aider les femmes à accéder à des postes plus importants. Comme le dit Mody Maleiane, « la réussite ne peut pas être uniquement personnelle : je veux que les autres femmes réussissent ».
Cela signifie également que les femmes ont une responsabilité à ne pas reculer devant les postes de direction et à trouver leur propre style de gestion. On a tendance à avoir une vision très fermée de ce qu’est une femme manager, et il est urgent de se défaire de ces carcans : une femme peut être directe, autoritaire, elle n’est pas obligée d’être empathique et compréhensive. Ces préjugés sont des chaînes qui empêchent les femmes managers de réaliser leurs pleins potentiels.
Du défi de construire une carrière cohérente
Beaucoup de conseils nous ont été dispensés tout au long de ces entretiens. Le premier : nos études ne nous définissent pas. Sofia Cassimo a bien fait des études de médecine, pourtant elle a bifurqué en économie et en finance. « Avec Internet, on est capable d’étudier à Cambridge sans jamais y mettre un pied ». Il suffit d’avoir une vision nette de ce qu’on est capable de faire et y aller au culot. Mody Maleiane, par exemple, est devenue une présentatrice radio en vogue par le seul fait de toquer à la porte d’une chaîne de radio et lui proposer un programme.
Une autre composante pour une carrière cohérente avec ses envies, c’est d’être curieuse dans le choix de ses emplois, et ne pas hésiter à en tester de nombreux pour découvrir ce qui nous anime. Mody avait commencé par ouvrir une chaîne de salons de coiffure, puis une agence de mannequinat, pour enchaîner dans l’événementiel, la radio et enfin lancer une banque de microcrédit.
Neusa nous apprend également qu’il ne faut pas hésiter à accepter des emplois moins côtés, s’ils permettent d’acquérir des connaissances indispensables pour la suite. Descendre l’échelle pour mieux la remonter est une stratégie payante, car notre valeur ajoutée réside dans notre degré de compétences.
La clé pour mettre les différents conseils énumérés en œuvre, c’est d’avoir un plan de carrière clair. Daniela Santos insiste sur l’importance de la construction d’un plan sur 10 ans pour son futur professionnel. Il s’agit de définir ce qu’on veut apprendre, quelle position on veut avoir dans 10 ans, puis établir des étapes-clés à atteindre pour se rapprocher de son but. Si cela a l’air plutôt complexe à mettre en place, c’est la condition sine qua non pour tendre vers une carrière dont on sera fière.