Mon insight dans un Institut de Microfinance

Lucie François
makerstories
Published in
6 min readNov 20, 2019

Etant passionnée d’entrepreneuriat, je suis toujours à l’affût d’opportunités enrichissantes qui me permettront, un jour, de me lancer dans cette aventure. Ainsi, quand j’entends parler d’une « solution miracle à la pauvreté », qu’on appelle aussi microfinance, j’en fait vite l’objet de mes lectures. L’auteur qui en a sûrement le plus parlé, Muhammed Yunus, est celui qui me pousse à vouloir en saisir le fonctionnement étonnant. Pourtant, à la lecture de Vers un Nouveau Capitalisme, je reste un peu sur ma faim car je découvre des concepts mais j’ai un désir d’exemples de réussite. Cela m’a cependant d’autant plus donné envie de moi-même saisir les mécanismes de ce système bancaire disruptif.

En mars 2019, l’occasion de concrétiser cette volonté s’offre à moi, à travers les Missions Microfinance proposées par le NOISE emlyon. Le projet : 4 semaines pour mener une mission de conseil auprès d’un institut de microfinance. Cette année, 4 IMF accueillaient des étudiants : ASHI aux Philippines, SHARE au Guatemala, VietEd au Vietnam et la MEC FADEC Njambur au Sénégal — mission pour laquelle je postule. La MEC FADEC est un institut de microfinance (IMF) et une mutuelle de 7 agences. La cible principale de l’IMF sont les femmes, pour favoriser leur inclusion dans la société via l’entrepreneuriat. Ma curiosité pour l’Afrique de l’Ouest ainsi qu’un aspect clé de la mission, à savoir laisser de côté nos idées préconçues du bon fonctionnement d’une organisation ont largement porté ma motivation pour cette MiMi. J’aimais l’idée que j’allais tout déconstruire pour reconstruire : « unmake and remake ».

Je passe donc les entretiens, et peu de temps après je suis ravie d’apprendre que je pars avec Maher Neffati, responsable de la mission, Olivier Moor, et Anne Kmety, tous étudiants à emlyon.

Des premiers appels par Skype avec Louis-Emile Ndione, notre intermédiaire privilégié à la MEC FADEC Njambur apportent de premiers éclairages sur ce qui nous attend. En outre, le NOISE organise des formations, dispensées par Entrepreneurs du Monde, Kalyta (deux cabinets d’experts en microfinance), l’ADIE (association pour le droit à l’initiative économique) et YCE Partners (cabinet de conseil spécialisé en protection sociale, qui est venu nous parler de la posture du conseiller ainsi que d’interculturalité). Ces formations nous permettent d’avoir le bagage nécessaire pour mener à bien les missions de conseil auprès des IMF.

Ainsi, nous nous familiarisons avec certains outils de travail, et évoquons l’évolution du secteur de la microfinance depuis son émergence en 1970. La situation du Sénégal est intéressante : 97% des créations d’emplois sont issues du secteur informel, et l’intérêt des IMF ne se situe absolument pas dans la résorption de ce secteur. Le micro-crédit est un réel pansement social. Le taux d’alphabétisation qui se situe à 65% pour les hommes, tombe à 40% pour les femmes, mais cela n’impacte en rien les qualités d’entrepreneurs des analphabètes. Une fois sur le terrain, j’ai trouvé particulièrement éclairant ce que nous avions appris lors de ces formations.

Nos premières journées à Kébémer (Sénégal) sont riches et bien remplies. Nous sommes particulièrement émerveillés par la curiosité des enfants, la proximité entre les habitants, leur sourire infatigable. L’équipe de la MEC FADEC est ravie que nous soyons là, et nous accueille chaleureusement. Ils nous font un portrait assez détaillé et a priori transparent de l’état de la mutuelle. Plusieurs missions se dessinent alors, et l’IMF nous laisse décider de la priorité de leur traitement. L’étude qui nous est apparue comme la plus urgente et formatrice porte sur les prêts non remboursés. Pourquoi le taux des impayés de l’IMF est-il trois fois plus élevé que la moyenne de la zone de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine ?

Nous nous rendons vite compte que l’une des principales recommandations de l’équipe d’emlyon partie l’an dernier a été mise en place : au niveau de chaque agence, un ou une collectrice d’épargne se déplace désormais tous les jours pour récupérer 1000 francs chez les clients souhaitant épargner. La somme étant petite, et la collecte quotidienne, cette forme d’épargne est très appréciée des clients. Ce nouveau produit est un succès depuis sa mise en place et cela explique peut-être en partie le climat de confiance qui règne dès le début entre l’institut et nous. L’enthousiasme avec lequel ils accueillent nos propositions nous surprend presque, c’est un vrai plaisir étant donné que c’est notre première expérience concrète en conseil.

Dès la première semaine, nous adaptons nos méthodes de travail et nos questionnaires. C’est en menant des entretiens sur de petits puis de gros retards voire des absences de remboursement, que notre analyse et nos recommandations évoluent particulièrement. Les questionnaires avec le personnel étaient aussi pertinents que challengeants. Ils ne considéraient pas comme clefs certaines informations qui pour nous, et notre étude, l’étaient.

Au terme de notre mission, nous sommes arrivés à étudier le rôle des assurances dans le remboursement. En effet, une grande partie des impayés s’explique par l’absence de souscription des clients à une mutuelle de santé, et par un coût des soins de fait trop important. Lors de la présentation du rapport final, la tristesse que ce soit déjà fini se mêle avec la sensation de n’avoir pas laissé assez de recommandations « clefs en main ». Quatre semaines s’achèvent sur l’impression que l’on pourrait encore avoir tant à faire !

Après une semaine de plus dédiée à la découverte de du Sénégal, nous quittons le pays de la teranga et nos nouveaux amis. Difficile de s’imaginer que la société que je quitte s’inscrit dans le même temps que celle que je retrouve. Là-bas, pas d’urgence climatique, peu de béton, peu de plainte, une solidarité extraordinaire. Et une différence de conception du temps, que Cheikh Hamidou Kane, auteur Sénégalais, souligne bien en décrivant la France : « La consécution [des événements] encombre le temps, comme les objets encombrent la rue. Le temps est obstrué par leur enchevêtrement mécanique. On ne perçoit pas le fond du temps et son cours lent. »

Je tiens particulièrement à remercier au nom de toute l’équipe du Noise emlyon le cabinet de conseil Yce Partners, sans qui nous ne pourrions pas faire partir de plus en plus d’étudiants chaque année pour mettre en pratique leurs compétences acquises en école auprès d’Institutions de microfinance ! Yce partage les valeurs des missions microfinance et finance les logements des étudiants dans les pays où ils sont envoyés. Nous retrouvons d’ailleurs le cabinet le 21 novembre prochain à l’occasion d’un challenge qu’il organise pour penser le futur de la protection sociale, auquel je suis, avec d’autres membres du Noise, ravie de participer.

Lucie François

--

--

Lucie François
makerstories

I am deeply convinced that tomorrow should be and will be more social and united. I am deeply attracted by innovative projets and entrepreneurial adventures.