Déléguer, c’est accompagner l’autre dans un voyage

Comment bien déléguer ?

Thomas bart
Management & Life Hacking
8 min readSep 26, 2016

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Déléguer, c’est un acte parmi les plus durs qui soit en management. C’est une action que de nombreux managers font mal. C’est pourtant l’un des piliers fondateur du management.

Déléguer, ce n’est pas refiler la patate chaude, avec le vague espoir que l’autre saura résoudre le problème. Ce n’est pas non plus refaire tout ce qui a été confié. Voir même finir par le faire à sa place. Entre ces deux extrêmes, il y a cette action de management fondamentale.

C’est un acte difficile car il requiert autant de connaissance de soi que de celle des autres. Pourquoi ? Car cette action diffère en fonction de la mission confiée, de la personne à qui on la confie et surtout de notre expérience.

Pourquoi déléguer ? Car c’est un multiplicateur de performance. Si vous améliorez vos performances de 5% par an, votre productivité ne s’améliore que 5%. Si vous aidez plusieurs collaborateurs à s’améliorer de 3%, le gain est multiplié par le nombre de collaborateurs. Autant dire, que le multiple peut être vite important dans une organisation.

Pour bien déléguer, c’est déjà avant tout, bien se connaître soi-même.

Les conditions pour bien déléguer

Déléguer, c’est déjà un acte de confiance

Confier une tâche, c’est transférer de la confiance. On donne une tâche à quelqu’un car nous pensons que cette personne est en mesure de l’accomplir.

Récemment, un manager évoquait des problèmes rencontrés avec l’un de ses collaborateurs. Il n’était pas satisfait du travail effectué par ce dernier. Au cours de notre conversation, il a fini par admettre qu’il n’avait pas confiance dans cette personne. L’objet, ici, n’est pas de discuter du bien fondé de son sentiment. Comment déléguer une mission si la confiance n’est pas là ? Bien évidemment, son jugement et son attitude étaient obscurci par son opinion de base. La moindre erreur devenait une montagne là où pour d’autres, c’était un travail d’accompagnement.

Déléguer, c’est penser que l’autre va réussir. Et son devoir, en tant que manager, c’est d’accompagner l’autre vers la réussite. Donc avant de commencer à transférer certaines tâches, il faut construire l’appareil nécessaire pour réussir ce transfert. C’est le couple compétence / confiance qui permet la réussite. Si avant de commencer, vous doutez de la personne, il est important de soit revoir les tâches que vous souhaitez lui confier, soit de revoir la position de la personne dans votre entreprise. Et si la personne ne possède les compétences nécessaires, alors il faut effectuer un transfert de compétences avant de missionner la personne.

Déléguer, ce n’est pas une chute

Lors de mon stage de fin d’étude, mon boss m’a fait entrer dans une salle de réunion. Il m’a dit : “Je te confie le lancement de ce produit.” Puis il est sorti de la pièce en me disant on se revoit la semaine prochaine pour discuter de ton plan marketing et communication.

Bien évidemment, la semaine suivante, mon plan de communication était merdique. Ce qui ne l’a pas réjouit. Léguer une mission, ce n’est jeter quelqu’un dans le vide en espérant qu’il réussisse. Trop souvent, je rencontre des managers qui se plaignent des résultats de leurs collaborateurs sans se rendre compte qu’ils n’ont pas mis en condition les personnes pour réussir. Il faut apprendre à charger les gens de manière graduelle. C’est justement, cette graduation dans le temps qui permet de construire la confiance. La graduation dépend principalement du niveau de séniorité. Pour certains, cela est très rapide, pour d’autres, c’est plus lent. Il faut s’adapter.

Déléguer, c’est être concerné

L’un des principaux facteurs de réussite pour léguer une tâche est de savoir rester disponible. Il n’est pas rare de voir des managers penser qu’il suffit de donner une tâche et puis de s’en laver les mains. Non, déléguer, c’est penser que l’échec de l’autre sera un double échec :

  1. La mission ne va pas être accomplie avec efficacité, voire même pas du tout. Et cela va poser un problème à l’entreprise.
  2. Le management (petit rappel : le principe est d’aider les autres à réussir) a donc échoué.

Préposer quelqu’un à une tâche, c’est savoir se rendre disponible pour l’aider à réussir. C’est à la fois, être disponible en cas de besoin ou de doute. C’est aussi être capable de donner du temps pour enrichir le projet de sa propre réflexion.

Déléguer, c’est accepter de lâcher prise

L’un de mes premiers boss était un perfectionniste psychorigide. Quand il me confiait la réalisation d’un tableau excel, il refusait de le regarder tant que la forme n’était pas parfaite. Tout devait être aligné, la mise en forme, les header, les footers, … et j’en passe. Même si cela avait du bon (je suis devenu un peu perfectionniste psychorigide depuis), cette situation était comique. Je faisais des allers retours entre son bureau et le mien pour des questions de présentation. Et surtout, il fallait que ce soit présenté comme lui le voulait. Il me disait ta présentation est bien mais on va le faire comme cela. Par contre, ce n’est qu’à partir de la quatrième version que nous parlions du fond.

Déléguer, c’est accepter que l’autre ne fera pas exactement comme nous nous le souhaiterions. Mais l’important, ce n’est pas la manière, c’est le résultat. Préposer quelqu’un à une tâche, c’est le rendre responsable de cette tâche avec ses qualités et ses défauts. Je ne dis pas qu’il faut tout accepter et que tous les moyens sont bons. Surtout quand ils impliquent le mensonge et la manipulation. Mais il faut lâcher prise. Il faut accepter que le chemin itératif nécessaire à presque toute tâche soit sillonner d’allers et venues que nous ne ferions pas si nous faisions cette tâche.

Déléguer, c’est une montée en puissance

Mon premier job de manager s’est construit de lui-même. J’étais seul puis l’équipe s’est agrandie. Et de ce fait, je suis devenu le manager de l’équipe. J’ai donc commencé à transférer certaines tâches. Sauf qu’au départ, j’ai eu du mal à accepter que ma productivité sur les tâches léguées n’était pas un bon indicateur de base. Pour ce qui me prenait 5 minutes, il en fallait 20 aux autres. C’est normal, cela faisait plusieurs mois que je le faisais donc forcément, j’avais gagné en efficacité. Il fallait accepter que le temps fasse son oeuvre pour les autres.

Déléguer, c’est accepter que la tâche, que nous réalisons parfaitement avant, soit moins bien faite ou plus lentement. C’est encore plus vrai lorsque vous travaillez avec des juniors.

Déléguer, c’est prendre en compte l’autre avant la tâche

Récemment, je discutais avec un autre chef d’entreprise qui avait de nombreux “direct report”. Tout le monde était mis au même niveau. Sauf que voilà, avec une équipe très diverse en terme de profils et d’expériences, mettre tout le monde au même niveau, c’est le plantage assuré. Entre un technicien avec une grande expérience de son métier et une jeune chargée de production, on ne peut pas attendre au même niveau.

Désigner une personne pour lui donner une tâche, c’est aussi prendre en compte son expertise, ses compétences et son niveau de maturité.

Déléguer, c’est accepter que l’autre a des besoins non exprimés

J’accompagne une personne qui est manager de plusieurs dizaines de personnes dans son organisation. Unanimement, elle est reconnue, appréciée et efficace. Elle gère tout sans problème. Si bien que son boss la laisse en roue libre sur tous les sujets. Même si elle semble accomplir ses missions avec succès, elle aimerait que son boss soit un peu plus présent pour l’aider et pour la conseiller. Car oui, nous avons tous besoin de feedbacks. L’Homme est ainsi fait. Nous vivons dans une société et nous nous définissons à travers celle-ci en partie.

Il faut toujours être vigilant sur les besoins exprimés et ceux qui ne le sont pas. J’ai pu être témoin de sortie de route pour des projets car, même avec de la maîtrise, le manque de recul peut engendrer des erreurs. C’est justement le recul que vous avez lorsque vous êtes en position de délégation. Alors profitez en. Soyez présent et donnez de la perspective.

Comment bien déléguer ?

Voici les étapes que je m’impose à chaque fois que je souhaite léguer une tâche à quelqu’un.

Etape 1 : Considérer les compétences de celui qui va être mandaté

Est-ce que la personne sera en mesure de réaliser la tâche ? De quelle aide aura t’elle besoin pour l’accomplir ? Et si il y a manquement de compétence ou de savoir être, est-ce que cela va être critique ? C’est une question que l’on oublie souvent de se poser. Une fois de plus, je réitère, le management, c’est aider les autres à réussir. Pas à les conduire à l’échec ou les presser comme des citrons en espérant qu’ils produisent le plus possible. Anticiper sur des potentielles difficultés, c’est prévenir bien des échecs.

Etape 2 : Contextualiser la tâche dans le projet de l’entreprise

Un des premiers piliers de la motivation est de savoir pourquoi l’on travaille. C’est être aligné sur la mission de l’entreprise et ses croyances personnelles. Il est important que le collaborateur comprenne le contexte de la mission qui lui est confiée. Pourquoi cette tâche est importante pour l’entreprise ? En quoi la réussite de cette mission est nécessaire au bon fonctionnement de la société ? Si vous n’êtes pas capable de l’expliquer, peut-être que c’est la tâche qu’il faut questionner et non sa délégation.

Contextualiser les tâches dans le projet plus global de l’entreprise permet de donner du sens aux missions effectuées par les collaborateurs. Et donc de lancer la réalisation de cette tâche dans les meilleures conditions.

Etape 3 : Donner toutes les informations et documents nécessaires

Maintenant que la mission a été contextualisée, il est important de donner toutes les informations nécessaires au bon accomplissement de la mission. Cela peut être très varié :

  • Des documents donnant plus d’infos
  • La mise en relation avec les personnes avec qui travailler
  • Les accès à des services ou des fonctionnalités

Plus le collaborateur aura d’éléments lui permettant d’accomplir sa tâche, plus vous serez en mesure de l’accompagner sur la voie de la réussite.

Etape 4 : Organiser le transfert de responsabilité

La confiance n’empêche pas le contrôle. Au contraire, il le renforce. Transférer une tâche à accomplir, ce n’est pas s’en débarrasser. Maintenant que vous avez transféré la compréhension du dossier, les éléments, vous devez organiser la délégation. N’attendez pas le dernier jour pour vérifier si tout est sur la bonne route.

En fonction des compétences de la personne, de son savoir être et de ses besoins, organiser le suivi dans le temps de la tâche. Plus la personne sera “senior”, moins vous aurez à être présent et à participer à l’organisation. Il faut savoir jauger son niveau d’intervention en fonction des personnes et des besoins. C’est tout un art. Cela peut aller de quelques points à date à des meeting pour structurer le dossier, …

  • Faites des points d’étapes réguliers. Soit au cours de vos one to one, soit en ayant des points particuliers.
  • Créez un système de communication efficace. Il existe de nombreux outils collaboratifs qui fonctionnent à merveille.
  • Concevez des KPIs qui permettront de suivre la bonne progression du projet.

Si vous n’acceptez pas que déléguer, au départ, c’est perdre du temps, vous risquez d’avoir des difficultés. Il faut trouver la bonne formule qui convient à la personne.

Déléguer, c’est un art subtil !

Votre travail en déléguant des tâches est d’être un modèle. Ce n’est plus être un pilote mais un co-pilote. C’est indiquer les bonnes directions sans pour autant avoir les mains sur le volant. Autant dire qu’il faut être droit dans ses bottes. Je remarque que l’exemplarité est un profond sujet de motivation. Et a contrario, le manque de sérieux est une source profonde de démotivation.

Déléguer, c’est profiter de la ressource extrêmement importante dans une entreprise : Les autres. Comment mettre à profit leur temps de cerveau et leur permettre de se développer ? Bref, vous l’aurez compris, c’est une science assez compliquée. Ce qui est vrai pour l’un ne l’est pas forcément vrai pour les autres. Bref, tout un programme.

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Thomas bart
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Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland