Alexandra Zervas
MASTER DMC : Digital Médias Cinéma
5 min readJan 11, 2018

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Les nouveaux moyens d’accéder aux contenus et de les consommer :

la fin d’une époque pour la télévision?

Si l’avènement de la télévision en couleur a constitué une vraie révolution, force est de constater de nos jours que nous sommes au cœur d’une révolution des usages et même d’une rupture générationnelle, puisque ce sont désormais les enfants qui apprennent à leurs parents les nouveaux modes de diffusion et de consommation des médias. En effet, jusqu’à une époque récente, les parents emmenaient leurs enfants au cinéma, leur montraient comment ils pouvaient avoir accès à leurs émissions préférées à la télévision, ou comment fonctionnait un ordinateur. Maintenant au contraire, c’est aux enfants d’expliquer à leurs parents le fonctionnement d’une tablette, d’un smartphone, et ils doivent les guider lorsqu’il s’agit de consommer du contenu en ligne, que ce soit sur YouTube ou sur Netflix. L’explosion technologique de notre monde actuel, d’une ampleur rarement égalée dans l’histoire de l’humanité (elle a été comparée au feu et à la roue), a donc façonné nos habitudes et notre quotidien comme jamais auparavant, et elle nous concerne tous, toutes générations confondues. Elle nous est devenue intime puisqu’elle nous suit dans tous nos faits et gestes : communications, déplacements, voyages, achats, informations, santé, sport, etc., et le défi aujourd’hui est de garantir à tous un accès équitable au Web et à ses services.

Parmi les nouveaux services faisant partie de notre quotidien figure en bonne place celui de la télévision. Les nouvelles technologies ont amélioré la manière de consommer les programmes de télévision et nous allons dans cet article, en prenant l’exemple de la France, nous concentrer plus particulièrement sur le modèle de la chaine de télévision payante, une chaine dont l’accès passe par un abonnement (un bouquet de chaines thématiques) ou par le paiement à la séance (pay-per-view).

En France, sur 25,2 millions de foyers équipés d’un poste de télévision, 8,5 millions bénéficient d’une offre payante, soit 34% de la population. Tous les abonnés à une offre multiservice sont considérés comme des abonnés à une offre payante de télévision, et c’est par l’abonnement qu’ils accèdent principalement à la télévision. Le modèle d’affaire de la télévision payante repose donc sur la disponibilité des téléspectateurs à payer et non sur le principe de la maximisation des revenus publicitaires convertie en taille d’audience, à l’instar des chaines commerciales. Comme le dit Pauline Dauvin, directrice des programmes et des acquisitions chez Disney France : « ce sont deux mondes irréconciliables ». Les chaines payantes doivent donc offrir des services comprenant des programmes exclusifs et attrayants, qui sont généralement axés sur le sport ou le cinéma. Or, l’indicateur d’audience n’est que secondaire, le client principal est le téléspectateur abonné. Dans ce cas, comment vendre ces programmes exclusifs lorsque le milieu de l’audiovisuel est en forte mutation en raison de l’arrivée des nouvelles technologies ?

Depuis 2008, la plateforme ADSL est considérée comme le principal vecteur de croissance de la télévision payante et reste l’une des principales technologies pour accéder au réseau internet à haut débit. Par ailleurs, la consommation s’effectue à travers plusieurs supports : la télévision, l’ordinateur, le portable ou la tablette. Cette variété de schémas joue un très grand rôle dans la vente à l’international et constitue un élément qui ne peut être que bénéfique pour les chaines de télévision payantes. D’autre part, ces chaines ont été profondément modifiées par l’arrivée de nouveaux entrants, les opérateurs FAI ainsi que YouTube et l’OTT (Over The Top). Le futur de la télévision payante serait donc de passer au « direct to consumer », un modèle de distribution directe sans points de vente, dans des domaines où le consommateur passe habituellement par la distribution. Nous nous trouvons donc dans un univers concurrentiel en perpétuel changement. Les chaines de télévision (payantes ou non) doivent désormais s’adapter aux usages, et non pas le contraire. Et c’est cette forte mutation qui va induire une recomposition de ce paysage concurrentiel.

Reed Hastings, le PDG de Netflix, disait il y a trois ans : « Television is dead ». Cependant, en France, nous avons encore une relation très forte avec la télévision. Selon un sondage, 52% des Français pensent que la télévision a encore de l’avenir. Mais le service qu’ils préfèrent, et qui est gratuit, c’est le Replay : 75% le pratiquent en 2017. De plus, avec l’OTT, ils peuvent avoir accès à une offre de télévision sans passer par un abonnement, en passant « au-dessus » de nos opérateurs. Il faut également signaler ici que de plus en plus de personnes en France, et surtout les millenials (de 18 à 35 ans), n’utilisent plus les écrans de télévision afin d’accéder à leurs programmes favoris. Un public de moins en moins nombreux consomme la télévision linéaire. Les gens sont attirés par la possibilité de voir et revoir leurs émissions ou leurs séries préférées au moment de la journée qui les arrange le plus. Et non seulement ils peuvent regarder ces émissions en fonction de leur disponibilité, mais ils en profitent dans n’importe quel lieu de leur maison via leur ordinateur, leur tablette ou leur smartphone. Avec tous ces nouveaux modes de consommation, on pourrait s’attendre à ce qu’il y ait une rupture générationnelle. Pourtant, selon Médiametrie, sur toute la population française qui regarde en replay des émissions sur le site des chaines, 28% ont plus de 60 ans. Et pour le visionnage de la télévision en direct via le site, ils représentent 25%. Cela nous prouve que l’arrivée du numérique dans les foyers ne concerne pas seulement les « millenials ».

Consommer du contenu audiovisuel n’a donc jamais été aussi facile ni aussi répandu qu’aujourd’hui. La télévision payante mise sur ces nombreux changements afin d’améliorer sa façon de diffuser. À présent, toutes les chaines de télévision payantes ont une offre de replay et de streaming. Certaines nous donnent même la possibilité de télécharger leur application sur Apple Store ou Google Play, comme par exemple Disney Channel et Canal +. Par ailleurs, le consommateur occupe plus que jamais une place de premier plan dans la création de contenu audiovisuel. Les entreprises sont donc amenées à personnaliser leur relation avec lui, et c’est par le biais du Big Data que sont mises en place des conditions qui suscitent l’émotion et la reconnaissance individuelle chez le consommateur. C’est ainsi que ce dernier peut accéder plus rapidement aux contenus qui l’intéressent et qui sont dans la continuité de ce qu’il recherche dans son offre quotidiennement. Dans ces conditions, la télévision payante se dirige-t-elle vers une nouvelle forme de plateforme SVOD ? Et finalement, les nouvelles technologies viennent-elles améliorer la façon dont est consommée la télévision, ou en marquent-elles la fin ? L’interrogation reste ouverte.

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