Plongée dans le monde de la régie publicitaire

Jasminedmt
MASTER DMC : Digital Médias Cinéma
6 min readJan 6, 2018

« Carglass répare, Carglass remplace », « Gifi des idées de génie », « Haribo : C’est beau la vie, pour les grands et les petits ! ».
Tu les connais par cœur. Elles rythment les coupures publicitaires de tes programmes préférés, défilent sous tes doigts quand tu feuillètes discrètement les pages du dernier Paris Match dans la salle d’attente de ton dentiste. Elles viennent même s’incruster sur l’écran de ton smartphone en pleine session stalk sur les réseaux sociaux de ton ex.
Les publicités sont partout. Créées par des agences, elles sont diffusées quotidiennement à la télévision, la radio, dans les journaux et sur internet. Mais comment leur diffusion s’organise-t-elle ? Quels sont aujourd’hui les grands enjeux pour les médias dont une grande partie des revenus provient de la publicité ?

Rencontre avec Laurence Pera, Directrice adjointe aux projets transverses chez TF1 Publicité.

UNE REGIE PUBLICITAIRE, C’EST QUOI ? COMMENT S’ORGANISE-T-ELLE ?

« Une régie publicitaire, c’est une société en charge de commercialiser des espaces publicitaires mis à disposition par un éditeur tel qu’une chaine de télévision, un titre de presse ou encore une radio locale. Très souvent, les grands éditeurs internationalisent cette fonction et la régie devient alors une filiale voire une direction du groupe concerné.
À titre illustratif, TF1 Publicité vend les espaces des chaînes du groupe et de MyTF1 mais également de partenaires tels que Discovery ou Eurosport qu’elle a “pris en régie”.
Du mass media à l’ultra-ciblage, TF1 Publicité offre aux annonceurs une gamme de communication complète.

Contrairement aux Etats-Unis, où le ton est donné par les upfront avec l’annonce des nouveaux programmes à la fin du printemps, l’année publicitaire française est lancée en même temps que la rentrée scolaire. Avec “Les Rencontres de l’UDECAM” les régies présentent de manière très macro leurs stratégies, puis avec la divulgation des CGV (Conditions Générales de Vente), elles déclinent leurs stratégies en offres.

Par la suite et en parallèle de ces dispositifs, toutes les grandes annonces sur les programmes viennent aussi rythmer la vie de la grille, des annonces sur lesquelles les régies s’appuient pour vendre leurs offres ».

2017, QUELS SONT LES ENJEUX ACTUELS POUR UNE REGIE PUBLICITAIRE ?

« L’enjeu principal pour tout type de régie est bien évidemment de maximiser son chiffre d’affaires au sein d’un environnement concurrentiel en pleine transformation. Une transformation illustrée par la toute puissance des GAFA.
Google et Facebook sont des concurrents redoutables et posent en effet la problématique de capter la quasi totalité de la croissance du marché digital et de ses revenus. Ils ont également su imposer des standards de marché en matière de ciblage et d’analytics qui doivent nécessairement inspirer toutes les régies historiques pour rester compétitive sur leur média traditionnel et leur déclinaison digitale. C’est le cas de TF1 Publicité en ce qui concerne les chaines en clair, son site et MyTF1.

En télévision, il est déterminant pour une régie d’associer à la puissance de leurs médias des techniques de ciblage et de tracking de la performance. À ce titre, TF1 a développé une offre, la GRP Data, basée sur des panels (Kantar) pour cibler les consommateurs dans le cadre d’une campagne. À partir de ces analyses, TF1 Publicité peut émettre des préconisations en conseillant les annonceurs sur leur media planning en précisant notamment les meilleurs écrans (mix entre un programme et un horaire) à privilégier en terme de profils consommateurs.
Toujours pour la télévision, les régies développent aussi des analytics pour mesurer l’impact de leurs campagnes sur le web (nombre des visites incrémentales, de clics…).

En ce qui concerne l’univers du digital, l’enjeu est de proposer des ciblages au travers de cibles affinitaires et comportementales, des ciblages tout aussi pertinents que ceux développés par Google et Facebook qui bénéficient d’un avantage certain grâce aux données renseignées par les utilisateurs eux-mêmes sur leurs profils utilisateurs ou en likant des pages par exemple.

Un dernier enjeu, en télévision comme en digital, est de prouver l’efficacité des campagnes et de ROI (return on investment) généré ».

QUELLES NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LA PUBLICITÉ ?

« Avec la télévision segmentée, de nouvelles perspectives s’offrent aux régies notamment en terme des typologies de ciblage. Une fois que la réglementation le permettra, il s’agira d’isoler certains écrans publicitaires suivant un type de critères pour adresser à certaines personnes des publicités différentes.

Ainsi, Liebig, en fonction de la météo, pourra faire une pub pour une soupe aux légumes d’automne dans le nord et pour du gaspacho à la tomate à Marseille. À long terme, il est tout à fait possible d’envisager que les publicités soient même ciblées par typologie de foyers selon la localisation ou les comportements d’achat par exemple. Une famille qui possède un chien se verra adresser une publicité pour les dernières croquettes mises en vente sur le marché alors qu’un couple de plus de 60 ans visionnera un spot pour une assurance retraite.
Comme toujours quand on parle de ciblage, deux questions se posent : la fiabilité et la confidentialité de l’exploitation de la Data ».

NOUVEAUX USAGES ET NOUVELLES ECRITURES PUBLICITAIRES. ENTRE ADAPTATION OU ANTICIPATION DES REGIES ?

« Tout d’abord, au niveau de l’usage, de la consommation de contenus délinéarisés, il s’agit de s’intéresser à comment les éditeurs proposent des offres adaptées. Pour TF1 cela passe bien entendu par MyTF1.
Pour une régie, l’enjeu est donc de vendre aussi bien les espaces sur ces plateformes qu’en télévision classique. Pour résumer, nous devons être capables de vendre aussi bien les espaces publicitaires de The Voice lors des diffusions en prime sur TF1 que pour le replay sur MyTF1.

Dans l’univers du digital, la commercialisation de la catch-up et du replay se fait via pre-roll (avant la vidéo), mid-roll (pendant la vidéo) et post-roll (après la vidéo) en tant que coupures publicitaires.
La réflexion se fait aussi autour des formats innovants avec l’émergence de nouvelles modalités de lecture publicitaire. Autour de ces réflexions, la question de la tolérance publicitaire se pose plus que jamais. Éditeurs et régies doivent en permanence mesurer le degré de tolérance publicitaire et adapter la pression et les formats publicitaires à celle-ci. Cette tolérance est d’ailleurs variable en fonction des écrans. En télévision, la tolérance est plus large dans la mesure où les coupures publicitaires sont davantage ancrées dans l’esprit des téléspectateurs contrairement au mobile par exemple où la consommation est beaucoup plus instantanée.

Enfin, TF1 Publicité travaille aussi sur des offres de brand content. C’est notamment un axe qu’elle développe avec “Minutes Buzz” en matière de stratégie bi-media et de social content ».

DIGITAL CHEZ TF1 PUBLICITE, QUELLE STRATEGIE, QUELLE COLLABORATION POSSIBLE AVEC LES GAFA ?

« Avant toute chose, il est important de rappeler qu’aujourd’hui nous assistons à un déplacement massif sur le digital des investissements publicitaires des médias historiques, et plus particulièrement en presse.
Toutefois, le poids du digital est quelque peu difficile à quantifier de manière extrêmement précise car si les médias traditionnels ont décidé, par consensus de marché, de déclarer leurs investissements publicitaires à l’IREP (Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires) via le SRI (Syndicat des Régies Internet), rien ne contraint les grands acteurs du digital à le faire.

Des discussions ont régulièrement lieu entre les GAFA et TF1 : soit sur la mise à disposition de contenus, soit sur la syndication qui consiste à confier à un acteur comme Google ou Facebook des inventaires publicitaires en tant que sous régie. Actuellement, le deuxième point est peu privilégié par les régies car il implique des coûts ».

EBX, EUROPEAN BROADCASTER EXCHANGE, QUELLES SOLUTIONS POUR LES REGIES EUROPEENNES HISTORIQUES ?

« Dans un contexte d’internationalisation du marché où les cinq plus grosses agences de pub représentent 80% à 90% des revenus publicitaires sur le marché, où les annonceurs ont des sièges à l’étranger et où Google et Facebook nouent des accords au niveau international, les décisions se prennent au niveau mondial. Il est donc déterminant pour les régies historiques européennes d’être en capacité de proposer une offre consolidée européenne pour les acteurs mondiaux afin de capter au mieux les budgets des groupes négociés au niveau mondial avec une segmentation par territoire où l’Europe constitue souvent un grand ensemble.

Côté éditeur et digital, le groupe TF1 a également intégré Studio71, un MCN afin de développer le pôle dit “social” au niveau européen ».

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