MM RADIO — DES PETITES CONVERSATIONS : “PROBLEMES DE VOISINAGE : AU-DELA DE L’HUMAIN, L’HABITAT” AVEC HELENE L’HEUILLET

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11 min readJul 4, 2022
Toutes les photos du plateau ont été prises avec les iPhone Pro Max — © MasterMINDER Entertainment

Le voisinage, c’est le laboratoire de la fluidité sociale.”

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Le programme court DES PETITES CONVERTSATIONS conclut sa Saison 1 sur MM Radio avec un nouveau chapitre orienté vers un sujet de société qui touche la grande majorité des personnes qui vivent sous un toit et sous une forme de mitoyenneté : le voisinage.
Après la santé mentale et le harcèlement, Angela Peauty met sur la table les troubles de voisinage — qu’ils soient personnels comme professionnels — et plus spécifiquement, une des sources causant ces frictions humaines trop peu considérées, l’habitat.

“Chacun a des expériences pénibles de voisinage.”

L’expert sur le thème de ce 3ème épisode intitulé “Problèmes de Voisinage : Au-delà de l’Humain, l’Habitat” que MM Radio est allé rencontrer dans son cabinet de thérapeute afin d’apporter un point de vue d’ensemble, partager des conseils d’éthique de voisinage ainsi que son expérience, est Hélène L’Heuillet — philosophe-psychanalyste, maître de conférence, enseignante-chercheuse à Université Paris-Sorbonne et auteure de “Du Voisinage : Réflexions Sur la Coexistence Humaine” (Albin Michel) et de “Tu Haïras Ton Prochain Comme Toi-Même” (Albin Michel).

Mais d’abord, qu’est-ce qu’un voisin et qu’est-ce que le voisinage ? “Le voisin, on peut dire que c’est la relation d’un point et d’une ligne — je m’exprime en géométrie. Le point, c’est la maison. […] Donc le voisin, c’est celui dont la maison est proche de la nôtre mais séparé par une ligne qui n’est pas toujours visible, qui n’est pas toujours un mûr, qui n’est pas toujours une barrière mais qui est cette espèce de frontière invisible qui peut varier selon les cultures. […] On voit aussi que le voisinage, c’est une question d’échelle. On peut être voisins de palier — les plus proches, ou ici, voisins de cour, mais on peut aussi être voisins de ville — la ville voisine, on peut être voisin de pays — les pays voisins, etc. […] Et évidemment, au niveau personnel comme au niveau professionnel, les relations de voisinage sont très importantes à penser, même si elles ont fait un peu figure de parent pauvre de la philosophie par exemple, parce que ce n’est pas la relation des citoyens entre eux, dans l’Etat. On n’a pas besoin d’être voisins pour être concitoyens. Ce n’est pas non plus la relation amicale — on n’est pas obligé d’être ami avec ses voisins. Très bien si ça se passe. On peut avoir de belles relations de voisinage sans pour autant être amis. Ce n’est pas non plus la famille parce que la famille, on ne la choisit pas non plus. […] Le voisinage est un lien faible.”

“La spécificité de l’habitat, c’est ce que l’on a en commun, c’est un lien par le lieu que le lien de voisinage et le rapport au lieu est très important, on l’a bien vu pendant la pandémie.”

Quand la violence se déroule sous le même toit, pas vraiment sous son propre toit. “La crainte du voisinage et la méfiance à l’égard de l’autre, ça va ensemble. Et là, on voit très bien que la situation de zone pavillonnaire — qui est un problème majeur de l’habitat aujourd’hui, on s’en rend compte — est venue de ce que les gens ont fui les voisins, ont voulu une maison individuelle, pas de mitoyenneté pour ne pas avoir de voisins. Or, ne pas avoir de voisins, c’est impossible, ça a toujours été impossible mais ça allait particulièrement à notre époque où il y a même plus d’intervalles entre les parties du genre humain. De toute façon, combien même nous aurions une haie pour nous protéger, combien même on se cacherait derrière les murs, il y a toujours des voisins. […] Une tolérance qui s’invente, c’est ça qui est passionnant dans le voisinage, il y a quelques grandes règles qui encadrent au niveau de l’Etat et de la loi, sinon, pour le reste, ça se joue dans les relations inter particulières. On ne peut jamais savoir qui est notre voisin, s’il va avoir un mauvais caractère ou au contraire, être bien disposé à notre égard. Donc, c’est un doigté, à chaque fois.”

“Les relations de racisme empoisonnent le voisinage, “tous ces gens-là” on entend, “eux”, “ils ne sont pas comme nous”, on a vraiment une relation aussi trop fondée sur le regard avec l’autre.”

Quand le racisme crée des troubles de voisinage ou quand les troubles du voisinage poussent au racisme ? “On a toujours tendance à intérioriser malheureusement. On voit aussi en Pologne, où il n’y a pratiquement plus de juifs mais il y a toujours autant d’antisémitisme. Il n’y a pas besoin que l’autre soit présent pour être haï et bien souvent, on attend de l’autre aussi qu’il se conforme aux préjugés que l’on a à son égard. Vous allez, en tant que noirs, ne pas parler fort pour ne pas gêner et puis, on va vous entendre fort parce que si vous tombez sur un raciste, il va entendre que vous, donc il montera le son de son oreille, en quelque sorte. Il n’y a pas de recette contre le racisme. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire attention à l’autre, comme vous le disiez selon son voisinage, si j’ai un voisin qui se lève très tôt le matin, je vais faire attention effectivement, peut-être à ne pas avoir de la musique trop tard le soir, je vais faire attention à ne pas conforter ces préjugés mais il faut aussi faire attention à cette attitude un peu auto culpabilisatrice qui a fait beaucoup de mal. Il faut aussi respecter un peu les coutumes des pays. On se conforme parce qu’on sait qu’on n’est pas seul au monde et qu’on vit dans une collectivité mais, trop de conformité n’empêche pas, malheureusement. Il n’y a pas de recette, malheureusement, contre le racisme sinon un travail personnel contre les préjugés.”

“Il y a des gens qui déménagent parfois à cause des voisins parce qu’il y a des voisins qui peuvent pourrir la vie en faisant trop de bruit mais parfois, en en faisant pas assez.”

Le bruit des autres, poison des relations de voisinage, poison de son bien-être privé. “Aujourd’hui, dans l’habitat de grande proximité — qui est celui de la majorité des gens — c’est le bruit qui est l’objet de toutes les plaintes. Et là, on voit très bien que les règlements ne suffisent pas parce que qui ne supporte pas chez les autres la moindre musique, même à 20h, même le week-end. On voit très bien qu’il y a deux façons d’être seul au monde, le fait de faire du bruit en ignorant ses voisins ou bien, le fait de ne pas supporter du tout le bruit chez ses voisins. C’est l’envers l’un de l’autre. Je suis seul au monde, je fais comme si les autres n’existaient pas ou bien, je fais la morale à tout le monde, mais ça signifie bien aussi que ce calme que je veux, c’est aussi ce que Kant appelle la paix des cimetières et que le voisinage ne peut pas être la paix des cimetières.”

Regardez l’extrait MM TV de l’épisode “Harcèlement : Comment l’Identifier et Eviter d’en Devenir Victime” avec Cédric Bienfait.

Ecoutez l’interview de l’émission DES PETITES CONVERSATIONS sur MM Radio.

“On ne se réjouit plus assez de la présence de l’autre et je trouve que l’on est dans des sociétés de mauvaise humeur ou de plainte.”

Quand rien ne passe plus, alors la justice ? “Le voisinage, oui, oui, ça peut être tout à fait sérieux mais, je dirais quand même, avant d’en arriver aux grands moyens — d’aller porter plainte et de placer une main courante, il faut savoir qu’il y a des échelons intermédiaires. Aller sonner chez son voisin, ce n’est pas forcément non plus la bonne solution parce que ça peut déclencher des choses extrêmement violentes, mais on peut avoir affaire à, d’abord, les gardiens des immeubles, les propriétaires, les syndics et puis, de ces professions qui se généralisent à juste titre dans nos sociétés, qui sont les médiateurs.”
– Découvrez la 3ème édition du “Guide Des Troubles de Voisinage”, co-écrit par Frédéric Bérenger — avocat spécialisé en droit immobilier et rural.

“Dans beaucoup de villes de province, parisien = envahisseur. Il ne faut pas idéaliser les petites villes.”

La coexistence humaine, meilleure ailleurs ? “Dans les villages ou dans les petites villes de province, on peut aussi y cultiver un entre soi qui est tout à fait, aussi, un terrain d’éclosion du racisme. Là, on sort des élections législatives en France, on voit bien qu’il y a beaucoup de villes de province qui ont été touchées par ce phénomène, où dans la ruralité. C’est-à-dire que le fait d’habiter dans un petit village, dans une ville moyenne, ne donne pas forcément de bonnes relations de voisinage. Ça peut aussi faire que l’on cultive l’entre soi, le désir d’être pareil. Mais plus on désire être pareil, plus on n’en désigne un qui n’est pas comme nous et on n’en trouvera toujours un à bannir.”

“Entre les années 70 et maintenant, il y a eu des transformations, aussi dans les techniques d’isolation sonore, thermique, les aides de l’État, des doubles vitrages, qui ont rendu l’habitat beaucoup plus confortable du point de vue sonore. Avant les années 70, c’est catastrophique, mais c’est très coûteux.”

Veiller sur les constructions immobilières agréées pour prévenir les problèmes de voisinage, tout en pensant au bien-vivre des habitants. “C’est ça. On fait des économies, la rentabilité de l’habitat. Quand vous cherchez à investir de l’argent, on vous propose d’investir dans l’habitat. Après ça, on a intérêt à avoir le plus grand taux de rentabilité possible, c’est-à-dire que l’on fasse des économies sur les matériaux en voyant à court terme, sans penser à trouver cette bonne distance qui représente le voisinage : ni trop près — en gardant une forme de réserve, ni trop éloigné — comme si on était des atomes les uns à côté des autres. Eh bien, pour trouver cette bonne distance, il faut pouvoir ne pas trop se gêner, il faut savoir qu’on peut, chez soi, faire un peu de bruit sans gêner les autres, on n’est pas obligé d’avoir nos fenêtres en vis-à-vis parce que l’œil est attiré […], les balcons en oblique qui ne soient pas directement les uns en face des autres. Il y a énormément de choses possibles en matière d’habitat mais on ne résoudra jamais ce problème inter humains qui fait aussi la chance du voisinage. Quand tout cela est fait, il faut aussi que chacun prenne suffisamment conscience de l’autre pour savoir que le voisin, c’est le premier autre, donc il est notre chance de ne pas être seulement enfermé sur nous-mêmes.”

“Le voisin, c’est un inconnu et ça reste un inconnu, et c’est pour ça qu’il est objet de fantasmes, en même temps, il est cet inconnu qu’on côtoie sans cesse.”

Dans le même ton, regardez l’extrait MM TV “L’Empathie, le Temps et Les Questions Contre Les Conflits ?” avec Olivier Maillot.

Ecoutez l’interview intégrale dans l’émission LECTURE sur MM Radio.

Hélène L’Heuillet raconte la raison derrière ces ouvrages sociologiques “Du Voisinage : Réflexions Sur la Coexistence Humaine” et “Tu Haïras Ton Prochain Comme Toi-Même”. “Il faut revenir au livre d’avant. J’ai commencé à travailler sur la police. J’ai fait ma thèse de doctorat en philosophie sur la police, d’un point de vue philosophique et historique, et ensuite j’ai travaillé sur le terrorisme sur les nouvelles formes de guerre (“Aux Sources du Terrorisme”, Fayard) et donc, ça m’a amené à “Tu Haïras Ton Prochain Comme Toi-Même”, l’interrogation sur les nouvelles formes de radicalité dans la jeunesse. Il s’agissait, à la fois, du terrorisme, du djihadisme mais aussi, des populismes qui peuvent être très violents. Le procès du Capitole nous montre bien à quel point le populisme peut aussi être violent. Mais ces radicalités m’ont aussi conduit à mettre l’accent sur le rapport à l’autre parce qu’aussi bien la police — qui a affaire à tout ce qui se passe dans la société, à la cohabitation, à la coexistence humaine, là où la coexistence humaine ne va pas de soi — que les nouvelles formes de guerre qui sont des guerres de voisinage, justement. Les guerres ne sont plus seulement des guerres d’État à État. […] Donc tout ça m’a amené, effectivement, à réfléchir aux voisins. Je suis partie un peu du haut pour arriver là, au concret, à ces relations à l’autre, au plus proche.”

“Prendre conscience du voisinage, c’est une forme de responsabilité parce que c’est aussi une installation dans le temps, le voisinage.”

Poursuivons la conversation de ce 3ème et dernier épisode de la Saison, et partagez vos expériences, solutions ainsi que vos questions, via nos réseaux sociaux @masterminderent !

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DES PETITES CONVERSATIONS de MM RADIO est une émission de sujets de société, trimestrielle cette saison 2021/22, disponible sur SPOTIFY, AMAZON MUSIC et DEEZER, en plus d’APPLE PODCASTS, TUNEIN, ACAST, STITCHER ET GOOGLE PODCASTS ! #DesPetitesConversations

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