De la chimie pharmaceutique à l’alchimie de l’innovation

Clément Jacquemaire
MATRICE Journal
Published in
9 min readNov 5, 2018

Ou comment des personnes se cristallisent en équipe autour de projets innovants

Le sprint créatif de la Matrice Santé et Numérique s’est déroulé du 22 au 24 octobre 2018 à 42. Il a réuni 25 étudiants et jeunes diplômés. Cinq solutions, fruits d’un mois d’immersion dans le domaine de la santé, ont été présentées devant un jury composé de professionnels venant du laboratoire pharmaceutique Roche, de l’AP-HP, de 42, du DoTank et de la startup Feelae.

Il faut beaucoup d’abnégation pour précipiter des cristaux d’innovation.

Mercredi 24, 17h31, nous y sommes !

François-Xavier Petit aka fxp — directeur général de Matrice — prend la parole dans l’holodeck de 42. Face à lui, assis sur les poufs colorés de cet amphithéâtre futuriste, un public varié composé de professionnels du secteur de la santé et/ou du numérique, et d’étudiants de 42, de strate design, de la faculté de droit de Paris Descartes, de la chaire de Philosophie à l’hôpital.

Tous sont là pour connaître le dénouement de deux jours de créativité, de réflexion et de remise en question. En effet, cinq équipes s’apprêtent à présenter le résultat de leur travail accompli ces dernières 48h lors d’un sprint créatif. Cet événement met également fin à la première phase du programme qu’est l’Immersion et lance la suivante : la Transformation où les équipes s’attacheront à convertir leurs idées en projets et leur groupe en équipe. Le stress est palpable chez quelques-uns des participants. Certaines équipes reviennent de loin.

Mais avant de vous livrer qui de Med’hope, Opteam, QuickFeel, P.R.O et WEGVISIR a remporté le coup de cœur du jury, nous allons revenir sur la transmutation qui s’est opérée en l’espace de 48h.

Réunir les éléments

À l’origine du projet, il y a le laboratoire Roche qui grâce à ses chimistes conçoit depuis plus de 100 ans des médicaments de pointe dans le domaine de la cancérologie ou encore de la virologie. Aujourd’hui, dans l’optique de développer la “médecine individualisée“, Roche s’engage également dans des processus d’open innovation, augmentant la multidisciplinarité des intervenants sur un projet.

Dans le cadre du programme Matrice*Roche Santé et Numérique, depuis début octobre, de jeunes médecins généralistes, des pharmaciens, des juristes, des philosophes, des designers et des développeurs se sont réunis plusieurs fois par semaine pour se confronter aux champs disciplinaires de chacun. Ce brassage permet la rencontre et les échanges de connaissances.

Cédric Villani dans un TEDX de 2012 illustre que cette immersion est une étape indispensable à l’émergence des idées. Bien qu’indispensables, ces éléments que sont les idées, les individus ou les groupes ne sont pas suffisants car encore trop volatiles et doivent être précipités. Pour cela, un sprint créatif (ou Hackathon) est organisé du lundi 22 octobre 14h au mercredi 24 17h.

Agiter la préparation

Lundi 22 octobre, les participants se sont retrouvés à 42 sans trop savoir ce qui les attendait. L’inconnu et l’adaptation sont autant de moyens permettant de les secouer et de stimuler l’innovation qui jaillit de ces contraintes.

L’après-midi commence pour un moment en amphithéâtre où fxp, Simon leur tisseur — coach collectif — et Morgane Com, Innovation manager chez Roche animent un retour sur le mois d’immersion durant lequel les participants ont pu rencontrer des experts scientifiques et médicaux, aller sur le terrain en visitant un service hospitalier, et échanger avec des patients atteints de maladie chronique.

D’ailleurs, quand les participants sont amenés à prendre la parole, des voix féminines s’élèvent et assurent combien ce mois d’immersion a été source de surprise — le monde hospitalier s’ouvre (trop) lentement au numérique -, d’apprentissage social entre les participants et concret aux rencontres des acteurs. Certains n’hésitent pas à employer les termes de “colère” ou de “révolte” face aux conditions de travail des internes. La trentaine de participants a conscience de l’immense tâche à accomplir pour allier Santé et Numérique.

Pour répondre à leurs ultimes questions avant de construire des propositions, une série de tables rondes prend place à 15h30 en E0 de 42, sorte de salle polyvalente bruyante et à la lumière drue.

Mais l’environnement inconfortable n’arrête personne. Chaque table traite d’un thème précis identifié préalablement par les participants :

  1. Professionnels de santé : préservation et optimisation du temps d’échange avec le patient ; optimisation du partage d’informations patient entre professionnels de santé ; intérêt pour l’usage et l’adoption de nouvelles technologies ; maintien de l’expertise scientifique
  2. Patient : facilitation de la compréhension d’une maladie ; relation personnalisée avec le patient lors de la consultation ; rendre acteur le patient dans la prise en charge de sa maladie
  3. Laboratoire : considération continue des attentes et besoins des clients ; co-construction des solutions de santé
  4. Système de santé : accompagnement des nouveaux métiers à l’hôpital ; faciliter le passage ambulatoire ; mise en relation des centres pour une optimisation des compétences et des expertises ; évaluation des centres par les usagers ; gestion des traitements lourds par le pharmacien d’officine

Les experts voient se succéder durant trois heures les participants à l’écoute et très curieux.

“Très agréablement surpris par la qualité des échanges, les personnes n’ont pas de barrière et la discussion se fait très librement et sans limites. Surtout que ces barrières, on se les met sans justification. C’est très stimulant !” — Bertrand de chez Roche qui a choisi de rater son vol pour rester échanger avec les participants

Après trois heures à répondre à des questions, les experts confessent que le quatrième tour de table a été un peu rude surtout que les problématiques sont assez larges, comme celles des professionnels de santé.

Pour reprendre des forces et engager des discussions plus informelles, on entend à partir de 18h45 les bouchons de champagne sauter, le cocktail dînatoire est ouvert.

Mais la journée n’est pas terminée pour nos participants. L’enjeu de la soirée est de former des équipes ! Pour ce faire, après les petits fours salés puis sucrés, les participants sont mis au défi. Deux groupes doivent s’affronter dans une course aux mots autour de la santé !

Course de relais pour agiter les participants

Les participants sont bien agités mais la consigne est, à 20h58, de présenter les problématiques sur lesquelles chacun aimerait travailler. Là devrait commencer la difficile étape de précipitation. Mais, certains sont frustrés de ne pas voir leurs problématiques rencontrer un grand succès. D’autres se réunissent en fonction de leurs atomes crochus sans pour autant cerner un champ d’intervention. Un participant partage son interrogation quant à sa présence dans ces lieux ou ce programme.

Dès 22h, les participants commencent à quitter les lieux avec ou sans équipe. Ce n’est pas grave, on verra demain !

Précipiter la solution

Face à l’errance de la veille, les animateurs ont décidé de reprendre en main la constitution des équipes. Alors que les personnes arrivent au compte-goutte depuis 9h30, dès 9h47, les participants sont réunis en cercle et se voient distribuer des cartes à jouer : “si vous aviez 1 million d’euros, votre solution ressemblerait à quoi ?” ; “en 2050, grâce à votre solution, comment se déroule une consultation ?”.

Le but est par groupe d’exposer leur idée par une petite saynète théâtrale. Moins de trente minutes pour monter cela, place à l’efficacité, finies les questions existentielles.

Les cinq équipes sont amenées à jouer leur scène devant les autres et à écouter leurs feedback. La première équipe est saluée pour son efficacité (saynète très courte), son humour et l’accent du standardiste. La deuxième met en avant une solution humaine par le rôle d’un médiateur. La troisième nous propulse, aussi avec beaucoup d’humour, en 2040 où bardé de capteurs internes qui monitorent le corps et l’esprit, un patient continue de s’interroger sur tous ses symptômes et recherche une assistance médicale. La quatrième équipe aide les patients à soigner leurs pathologies en les mettant en lien avec les essais cliniques correspondants. Enfin, la cinquième équipe tient un journal du patient de façon instinctive.

Cela y est ! Les équipes se sont cristallisées ! Par une succession de petits exercices et de succès, les participants ont trouvé avec qui travailler pour le laps de temps qu’il reste. D’ailleurs, le temps presse. Il est déjà 11h23 et un jury intermédiaire composé de nouveaux experts évalue les projets à 17h !

Les équipes se focalisent sur la manière de rendre intelligible la problématique et surtout sur la réponse qu’ils veulent y apporter. Pendant le déjeuner, les participants reconnaissent tous que ce qui a été le plus dur jusqu’à maintenant a été :

  • trouver une idée
  • constituer une équipe

Mais tous semblent désormais ravis d’avoir un groupe interdisciplinaire et de commencer à construire leur projet.

L’après-midi est très studieux mais la pression est retombée. Les lieux sont appropriés. Certains groupes travaillent sous les rayons automnaux, posés sur les agrès extérieurs de 42.

Peu de stress à l’approche du jury intermédiaire ! En interrogeant les participants à la sortie de ce face à face en huis clos, tous reconnaissent la bienveillance des membres du jury et reconnaissent qu’il reste des points à préciser pour que leurs idées soient comprises. C’est à cette tâche que les groupes s’affairent jusqu’à 22h.

Évaluer la pureté des cristaux

Mercredi matin, dernière journée de travail intense à prévoir. Les animateurs proposent une répétition au pitch à 15h. L'enjeu est d'intégrer les remarques de la veille et de construire un support de communication. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas si simple d'exprimer clairement une idée complexe.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément — Nicolas Boileau-Despréaux (L'Art poétique — 1674)

Les animateurs reçoivent en condition réelle chacune des équipes pour tester leur présentation. Si certaines personnes sont à l'aise à l'oral, on perçoit clairement que certains se sont lancés un réel défi personnel pour s'exprimer devant un auditoire. Même si les retours sont bienveillants, ils demeurent très challengeants ! L'ambition est de convaincre de l'intérêt de son projet et d'accélérer son développement grâce au concours du partenaire Roche.

Nous revoilà, mercredi 17h35, fxp passe la parole à la nouvelle directrice de 42 — Sophie Viger — qui est ravie d’accueillir un événement qui ouvre à la pluridisciplinarité les étudiants de 42 et parle de son parcours protéiforme entre code, biologie, musicologie et enseignement. Les autres membres du jury final sont introduits :

Anne-Laure ROUBAUD (ROCHE)

David FILHOL (ROCHE)

Anne PHILIPPOT (ROCHE)

Anne PANIS LELONG (ROCHE)

Claire DESCHAMPS (ROCHE)

Sophie VIGER (42)

Antoine DEZALAY (le DoTank)

Corinne ISNARD-BAGNIS (APHP)

Alban de CREMIERS (Feelae)

Et c'est parti ! Les équipes ont cinq minutes pour convaincre.

Med'hope ouvre le bal en présentant une solution pour augmenter par le numérique le métier des Attachés de recherche clinique (ARC) dans le contexte des essais cliniques.

Opteam propose une solution pour optimiser le temps de la consultation et l'échange d'informations entre un spécialiste et un patient.

QuickFeel choisit d'illustrer sa solution de journal de bord d'une maladie chronique par une mise en scène théâtralisée.

P.R.O s'attaque au complexe sujet du bien-être du patient en collectant des données sur leurs réactions au traitement.

Wegvizir présente deux solutions au problème des engorgements des urgences : la première une application qui oriente les patients vers le centre de soins le mieux indiqué au regard de leurs symptômes ; la seconde une application de guidage pour les urgentistes afin de se rendre le plus rapidement possible aux Urgences adéquates.

Le jury se retire près de 45 minutes pour évaluer, discuter et choisir son coup de cœur. De retour en holodeck, tout le monde est impatient de connaître le dénouement de ce sprint créatif. Les membres du jury font des retours constructifs pour chacun des projets : certains devront veiller à clarifier leur solution, d'autres à approfondir un petit aspect de leur présentation mais qui présente un fort potentiel, comme le sujet de la prédiction pour Quickfeel ou la navigation pour Wegvizir.

Le coup de cœur du jury est Opteam qui est salué pour le rôle central donné au patient et l'aspect modulaire de leur solution !

La clôture de l'événement se fait autour d'un généreux buffet où les membres du jury continuent d'aller à la rencontre des participants pour exprimer leur avis personnel à chaque équipe. Même s'il y a un coup de cœur, toutes les équipes ont gagné en visibilité et de nombreux acteurs de Roche leur signifient leur intérêt.

La dessinatrice Mai-Lan Tran a sketché avec brio les pitchs et surtout les réactions des participants.

Nul doute que les matrices qui s’annoncent soient aussi riches en apprentissages !

  • Matrice Droit du Travail — 6 novembre 2018 — #LegalTech
  • Matrice Éducation — 12 novembre 2018 — #Edtech
  • Matrice Patrimoine — 6 décembre 2018 — #StéphaneBern

Pour plus d’infos, le site de Matrice ou pour poser vos questions contact@matrice.io

--

--