3 bonnes raisons d’innover par le design (et c’est un ingénieur qui vous le dit)

Ex-opérateur agroalimentaire, je me suis formé à l’ingénierie et au Lean pour soutenir les métiers industriels du dur labeur. J’explore désormais les champs du Design afin de concevoir un futur où l’être humain est au centre de la réflexion.

Andy Bruneteau
Meaningful Stories
5 min readSep 30, 2019

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Depuis l’émergence du numérique, nombreux sont les nouveaux acteurs venus bousculer les secteurs d’activités et leurs entreprises historiques. Pour intégrer un marché et le transformer, ces nouveaux entrants captent l’intérêt des utilisateurs finaux en tentant de comprendre les problèmes et les opportunités d’un modèle actuel et d’y apporter une solution. On évoque souvent ces entreprises comme centrées utilisateur, orientées à comprendre les personnes qu’elles souhaitent adresser.

À cette effet, j’ai acquis une conviction : il est aujourd’hui impératif d’innover par l’accompagnement du design, discipline que j’ai découvert lors d’une recherche de pratiques professionnelles, moins technique et plus orientées vers la compréhension de l’humain. J’y ai constaté les multiples facettes du métier de designer, que j’ai longtemps perçu comme exclusivement esthétique et explorant la définition du beau. Ces deux dernières années, j’ai eu l’opportunité d’approfondir ma recherche et de travailler avec plusieurs designers. La polyvalence de cette discipline m’a permis de lancer avec succès un nouveau service d’accompagnement à la vente immobilière et une application numérique pour superviser la production d’une grande maison de champagne.

Dans cet article, Je souhaite donc vous présenter trois aspects méthodologiques du design qui font de cette discipline l’acteur indispensable pour innover.

1. Innover par le design, c’est activer son esprit critique.

Au fond, innover, c’est remettre en cause un modèle existant. Cette volonté implique de ne pas partir tête baissée dans la conception d’une solution, mais de prendre le temps de questionner pour converger vers la bonne problématique, fondation de tout projet d’innovation. À cet effet, un des fondamentaux majeurs du design est l’esprit critique. Au départ du projet, les designers travaillent à re-questionner le problème posé, à approfondir les points difficiles lorsqu’ils se présentent, en cherchant à comprendre l’environnement et à porter un regard neuf sur l’entreprise et son secteur d’activité.

Donner son regard sur un sujet

Cet esprit critique est essentiel en matière d’innovation*. Les réponses obtenues permettent de s’extraire des premières idées et réflexions pour proposer une nouvelle direction. Elle est portée par une problématique ancrée dans une compréhension fine du contexte d’usage et des enjeux socio-économiques. Du fait de leur vision transverse, les designers seront à même de guider une entreprise en dehors de son champ d’expertise, de ses habitudes pour sortir des chemins balisés et prendre des risques, facteur indissociable de l’innovation. Une posture nécessaire pour accompagner la transition vers les nouveaux outils ou modèles économiques qu’impose le numérique.

2. Innover par le design, c’est s’immerger dans la vraie vie.

En mettant l’humain au centre, le design a la réalité pour point de départ. Les designers ont toujours à cœur de rencontrer ceux qui vivent la situation, d’échanger avec les utilisateurs, d’observer les faits de la vraie vie et de comprendre tous les aspects de leurs expériences, les bons côtés comme les frustrations. Appréhender la réalité peut prendre une multitude de formes : observer les gestes, les usages, les interactions et l’environnement, interviewer des personnes mûrement sélectionnées, réaliser soi-même l’expérience ou tester le produit / le service. Cette démarche immersive peut-être combinée à une veille ou des interviews d’experts, mais aussi enrichie par une immersion plus créative dans d’autres domaines pour en rapporter des sources d’inspiration (modèles économiques, matériaux, technologies).

L’idée derrière tout cela n’est pas de réaliser une étude quantitative résultant d’un nombre important de données et d’une analyse poussée. Les designers réalisent des études qualitatives permettant de relever jusqu’à des petits gestes du quotidien, parfois anodins, mais ayant un impact sur l’expérience. Ces études permettent de mettre en lumière les facteurs qui, du point de vue de l’humain, posent des problématiques d’utilisation, de compréhension, de charge cognitive et auxquelles il est nécessaire de trouver une réponse.

Questionner et comprendre les détails d’un quotidien

Étant donné qu’une grande partie de l’équipe n’aura pas pris part à ce travail immersif, la restitution de l’observation est un élément clé pour la suite du projet. Les designers en choisissent généralement le format avec beaucoup d’attention. L’objectif de cette rencontre est double :

  • d’une part révéler les enseignements appris sur le terrain, permettre à l’équipe de se les approprier et initier cette conviction que l’humain doit être au centre ;
  • d’autre part, introduire de nouvelles questions que l’on souhaite apporter à l’équipe, agrémentant la réflexion d’innovation.

3. Innover par le design, c’est apprendre en faisant

La restitution de l’observation faite, il est temps de concevoir une ou des solutions qui répondent aux besoins des personnes que l’on souhaite adresser. L’élément central de cette phase consiste à poser une par une chaque hypothèse, obtenir des réponses, apprendre continuellement, afin de réduire le risque introduit par l’innovation. Tout comme le format de la restitution des observations est délibérément choisi, les designers vont œuvrer à concevoir des objets, des prototypes qui questionnent et qui apportent des réponses à chaque hypothèse. Bien entendu, ces réponses ne vont pas apparaître d’elles-mêmes et les designers vont, à des moments clés, retourner sur le terrain et tester le prototype. Ces nouveaux apprentissages permettent de prendre de nouvelles décisions, de retourner à la table de travail, d’itérer et de converger vers une solution finale.

Tester rapidement et simplement afin d’apprendre

La conception d’une innovation oblige aussi à penser les futurs usages et à s’assurer que le tout soit le plus simple d’utilisation, sans ambiguïté et viable. Ce sont précisément les champs d’expertise du design. Mais le design ne s’arrête pas à cette dimension fonctionnelle comme l’a évoqué Mauro Porcini, Chief Design Officer chez PepsiCo lors d’une conférence d’AIGA** :

This is what we do as designers : we design the functional benefit ; we design the emotional connection that people have with products (emotional benefit); we design the stories that those products and those brands are telling about people to the rest of the world (semiotic benefit).

Mauro Porcini — Chief Design Officer chez PepsiCo

Les designers auront ainsi à cœur de travailler également les bénéfices émotionnels apportés par la solution et la construction d’une histoire autour d’un produit, éléments importants de toutes nouvelles innovations.

C’est par ces trois aspects méthodologiques, que le design permet de remettre en cause un modèle existant, de comprendre les problématiques, ainsi que les opportunités et proposer une solution centrée sur l’humain. De plus, le design centré sur l’humain permet de lancer une solution qui répond aux attentes identifiées sur le terrain et ainsi de se différencier auprès du marché. Finalement, c’est aussi tout au long du processus que réside la valeur du design en apportant des enseignements et des apprentissages, permettant à l’équipe de mieux appréhender l’incertitude de l’innovation et de prendre les bonnes décisions. Pour le succès de votre prochain projet d’innovation, n’hésitez plus et incluez les designers dans la réflexion !

Thanks to Marine Rouit-Leduc & Eric Villemin

*Conférence du CNAM: Ingénieur et designer, un mariage forcé ?

**Mauro Porcini — Why the (Business) World Needs Design More than Ever

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Andy Bruneteau
Meaningful Stories

Design Strategist | Innovation by Design | Entrepreneuriat | Chef de projet innovation