Les médias millenniaux au coeur du renouveau journalistique

Иicolas BESSON
MEDIAS MILLENIALS
Published in
8 min readOct 3, 2017

À l’occasion des masterclass 2017, les élèves parisiens et bordelais de l’EFJ ont eu l’occasion de découvrir de nouveaux médias engagés dans la transition digitale et de rencontrer les professionnels derrières eux. Entre questionnement économique et réussite dans le paysage journalistique digital, retour sur ces conférences.

Brut, MinuteBuzz, BuzzFeed, Vice, BFM Paris. Vous en avez peut-être déjà entendu parler. Chacun à leur manière ils sont en train de changer les méthodes d’écriture sur le web avec un format : la vidéo. Ces nouveaux médias prennent de plus en plus de place dans la paysage journalistique français. Acteurs et meneurs de la transition vers le numérique, ils se font une place toujours plus grande au fil des ans. En tant que futurs journalistes, il paraît indispensable d’avoir leurs avis et de connaître leurs expériences sur les réseaux sociaux.

Le 28 septembre 2017 les élèves des écoles EFJ ont eu l’occasion d’entrer dans cette évolution digitale en rencontrant quelques-uns de ces médias. Au cours de cette journée dans l’amphithéâtre Abbé Grégoire au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris, les professionnels de l’information web ont échangé sur leurs perceptions de l’avenir de la presse. Data-journalisme, investigations, nouvelles plateformes de diffusion et recherches du bon modèle économique. Des sujets aussi prenant pour les citoyens d’aujourd’hui que pour les élèves de l’EFJ qui contribueront à renouveler le journalisme d’ici quelques années.

Une quête de format et d’argent

Dans un premier temps, Amaury de ROCHEGONDE, Rédacteur en chef de Stratégies et Eric SCHERER, Directeur de la prospective de FranceTV ont introduit les conférences en présentant le futur du journalisme et plus particulièrement l’évolution des médias vers le digital. Aujourd’hui, tous les médias sur internet prennent position dans la vidéo. En effet, c’est le coeur de l’attention audiovisuelle. Il faut alors trouver de nouveaux supports adaptés à la transmission de l’information via la vidéo. Tout deux étaient d’accord pour rappeler que nous sommes aujourd’hui rentré dans une course à l’audience et à la vitesse de réaction. Cela entraîne un phénomène de “copié-collé”, où les informations sont dupliquées pour créer du like et du partage. On assiste à une montée de la plateformisation. Les médias intègrent les plateformes comme Facebook et Twitter pour augmenter leurs audiences. En effet, ces derniers mettent en avant les vidéos importées via leur player, ce qui n’est pas le cas des vidéos importer via Youtube ou Vimeo par exemple. Aujourd’hui, les éditeurs et les plateformes réfléchissent à de nouvelles manières de monétiser les contenus. Ce questionnement est le moteur même de l’émergence d’une volonté de reprise de contrôle de l’information sur le net.

Pour Eric SCHERER, les journalistes de demain font face à cinq grands enjeux. Premièrement, l’usage, c’est à dire le choix d’une plateforme ou d’un format selon le contexte. La découvrabilité, c’est-à-dire essayer d’être trouvé dans le flux permanent des informations sur les réseaux. Viens ensuite la personnalisation, aujourd’hui le citoyen réclame une information personnalisée et ciblée. Que ce soit sur son humeur, son emplacement, ou ses préférences individuelles. Suit l’automatisation, la robotisation. Les robots-journalistes permettent aujourd’hui aux journalistes de s’intéresser et prendre le temps sur d’autres sujets. Des fonctionnalités comme Siri ou Iris vont révolutionner l’information de demain. Que ce soit pour l’analyse ou la veille. Et enfin, le business modèle. Le plus important pour les éditeurs. Ces dernières années, le marché de la publicité numérique a dépassé celui de la publicité télévisée. Seul problème, les Adblock rompent le lien entre auditeurs et éditeurs et il semblerait que la publicité soit un modèle qui ait vécu pour les médias.

À gauche Amaury de ROCHEGONDE & Eric SCHERER à droite.

Mais il ne faut pas désespérer pour autant. Les journalistes ont de nouveaux formats avec lesquels évoluer et intéresser. De nos jours, le mobile s’impose comme un format privilégié pour diffuser l’information. La vidéo est désormais un langage qui s’impose et qui marche très bien. Vidéos verticales, sous-titres, son coupé, ces contenus “snackables” sont faits pour être consommés partout. L’information distribuée via les applications mobiles marchent elle aussi très bien. Pour l’instant, avec cette option, c’est le public qui va chercher l’information et pas l’inverse. Mais cela pourrait bientôt changer avec l’essor des notifications. Enfin, l’immersion est l’un des grands vainqueurs sur les réseaux sociaux. Des médias comme Vice ou BRUT en ont fait leurs chevaux de bataille et on va voir que cela marche très bien.

Des médias de référence

Dix mois d’existence et plus de 600 millions de vues sur leurs vidéos. Ces chiffres, vous ne les connaissez peut-être pas, mais ce sont ceux de Brut, un nouveau média qui a la côte sur Facebook et Twitter. Avec ses vidéos carrées, il vous a peut-être déjà happé par son esthétique et son accroche choc. Roger Coste, co-fondateur de Brut explique que leur objectif est d’intéresser au maximum les millennials, c’est-à-dire les moins de 35 ans. Pour lui, il faut aujourd’hui que les journalistes fédèrent les meilleurs talents du digital autour des médias. Les nouvelles générations ont perdu confiance dans les médias traditionnels et il faut aujourd’hui proposer de nouvelles manières de raconter les histoires. Une vidéo qui marche, c’est une vidéo partagée, aimée et commentée. Et pour l’instant, il faut dire que cela marche plutôt bien. Si bien que Brut est aujourd’hui dans les leaders des médias 100% vidéo en France.

Ce modèle, il vient de l’étranger et de chaîne comme NowThis et AJ+, le nouveau venu 100% digital de la chaine Al-Jazira. On est dans un positionnement plus pure de l’information, on a à l’essentiel tout en étant bref. C’est ce qui fait la force de ces formats. Brut se démocratise maintenant partout dans le monde. Avec des équivalents aux USA, en Angleterre ou en Inde, la marque veut devenir une référence mondiale de l’information. Et elle n’est pas la seule. Ariel Wizman, Directeur de la création de Vice venait lui aussi rendre compte de l’avancée du format vidéo sur internet. Présent dans 36 pays, Vice est désormais valorisé à 5,8 milliards dollars. C’est le lieu de rendez-vous des gens qui veulent un mode de vie alternatif et pour ceux dont la curiosité a changé. Ce nouveau média mondialisé fait partie des maîtres de la sphère digitale. Cependant, A. Wizman rappelle qu’on a tendance à considérer l’information comme une sorte de rebut qu’on consomme sans attention et qu’on absorbe sans curiosité réelle. Elle crée une dépendance tout en étant négligeable dans la vie. Si bien qu’aujourd’hui, elle se démonétise entièrement.

Encore une fois, c’est l’enjeu majeur des grands médias de demain et même de ceux qui ont déjà bien réussi. Buzzfeed fait parti de ceux-là. Cécile DEHESDIN, Rédactrice en chef de BuzzFeed France le montre elle aussi. Aujourd’hui, il faut trouver un contenu partageable mais aussi utile pour le spectateur. Avec une rédaction de quinze employés, BuzzFeed France peut analyser et prendre le temps de traiter l’information. Leur renommée mondiale et plus particulièrement aux USA leur permet de partir enquêter sur des sujets que d’autres n’ont pas le temps d’aborder. Aujourd’hui, il ont même recruté des journaliste d’information qui travaillaient au Washington Post par exemple. À coté de ça, la marque BuzzFeed n’abandonne pas le format des listes, quizz et top qui créent le lien social et permettent aux gens de se sentir représentés. Cependant, en faisant converger les supports ils doivent faire attention à ne pas dépasser la limite entre information et divertissement.

De gauche à droite. Ariel WIZMAN, Maxime BARBIER & Roger COSTE.

Cette limite pourtant, certains l’ont dépassé et le revendique. MinuteBuzz par exemple. Vous les connaissez surement, leurs vidéos sont virales. Musique, animation, images, tout y est pour que vous adoriez la vidéo. Cependant, Maxime BARBIER, fondateur de MinutBuzz confirme qu’aujourd’hui le média fait dans le divertissement et non dans l’information. Leur objectif est de se rapprocher le plus possible des spectateurs. Avec un trafic qui vient à 70% du mobile et à 60% des réseaux sociaux, la marque est très bien implantée sur des réseaux comme Facebook. Leur contenu est hautement virale et les partages affluent. La cause en est que MinuteBuzz mise sur l’attractivité. Le but, toucher l’audience avec un contenu drôle, amusant ou choquant.

Ici, on n’est pas vraiment dans un soucis de traiter de l’information ou d’apprendre des choses à ses abonnés. Il s’agit plus de créer du passage et de la visibilité pour la chaine. Avec le système de native advertising comme rémunération, la marque s’est fortement développé ces dernières années. Le principe est de créer un type de publicité qui par sa forme, son emplacement et son contenu ressemble et s’intègre fortement aux contenus diffusés habituellement par le site support qui la diffuse. Si bien qu’il devient difficile de différencier la publicité de la réelle information. Il permet donc une meilleure efficacité publicitaire et une meilleure monétisation de MinuteBuzz. Pas toujours très convaincant comme méthode.

Google dans la course à l’info

Mais les médias ne sont pas les seuls à s’intéresser à l’information sur le web. David DIEUDONNÉ, Directeur du News Lab de Google en France a présenté Crosscheck, un projet de journalisme collaboratif qui réunit des rédactions de France et de l’étranger pour analyser les affirmations fausses ou prêtant à confusion en ligne. En collaboration avec le Google News Lab, ils ont atteint 1,2 millions de vues sur Facebook pour leurs vidéos qui ont eu un réel succès lors des élections présidentielles françaises de 2017.

David DIEUDONNÉ

Mais ce n’est pas le seul projet du géant de l’internet américain. Avec son Google News Lab, Google collabore avec de nombreux journalistes à travers le monde pour construire le futur du journalisme. Il forme les journalistes au fact-check, étudie l’usage des données et leur utilisation en data-journalisme. Aujourd’hui, Google Trend permet de mesurer les données en temps réel sur son moteur de recherche et on peut savoir ce que les gens cherchent sur leur portables ou leurs ordinateurs pendant que l’on regarde la TV par exemple. Cela permet alors de calculer et d’analyser les réactions. Les campagnes présidentielles américaines et françaises ont d’ailleurs permis d’initier ces nouveaux outils.

Autant d’innovations qui permettent aujourd’hui au journalisme d’évoluer. La transition vers le numérique est aujourd’hui entamée mais il serait peut-être naïf de croire que rien ne peut l’arrêter. Les problèmes de monétisation sont loin d’être réglé même si tous les jours de nouvelles tactiques sont mises en œuvre pour réinventer la manière de vendre l’info sur le net. Certains médias ont tout de même trouvé un refuge pour exercer sur internet. Des innovations ont lieux tous les jours, le progrès est si rapide que l’on peut être sur que le journalisme va encore beaucoup évoluer. Une chose est sûr, le numérique fera partie intégrante de cette évolution.

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Иicolas BESSON
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Journaliste Pluri-médias. Apprenti motion-designer. Passionné de vidéo et de savoirs. Photographe à mes heures. ex @EFJ_Officiel