Interopérabilité : une clé pour le futur de la biologie

Pour préparer l’événement du Biologiste Augmenté, Medicus AI a recueilli le témoignage de Sylvie Cormont, biologiste à l’APHP, cheffe de projet en charge de la construction, la maintenance et la diffusion du référentiel sémantique de biologie. Elle partage sa vision de l’avenir de la biologie et plus précisément de l’interopérabilité.

Medicus AI
Medicus AI France
4 min readDec 13, 2019

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Selon vous, quel est le défi principal dans la relation biologistes-patients?

Selon moi, les patients veulent leurs résultats, ainsi qu’une réelle transparence de ces derniers. Ils ne veulent pas de résultats tronqués. Ils veulent une interprétation la plus facile et la plus compréhensible pour eux.

Quel est selon vous le défi principal dans la relation biologistes-médecins?

Le gros souci que l’on a entre les biologistes et médecins est le manque d’informations cliniques. Les biologistes en ont besoin pour interpréter les résultats, et actuellement ce sont des données qui manquent. C’est un constat au niveau des laboratoires, nous pleurons pour obtenir des informations cliniques.

Quel est selon vous aujourd’hui les points bloquants au niveau de l’adoption d’une nouvelle technologie dans une organisation?

Pour moi, c’est la conduite du changement. L’adaptabilité n’est pas encore rentrée dans les mœurs. L’utilisation de l’informatique est depuis quelques années communément admise de tous les utilisateurs. Par contre, il en va tout autrement du changement. Chacun reste très concentré sur son activité et a du mal à échanger avec les autres. Tout changement est un réel bouleversement.

A quoi pourrait ressembler selon vous la biologie médicale dans 5 ans?

Je pense que la transformation, l’hyper automatisation, l’hyper rapidité, a déjà débuté. On arrive dans un système très automatisé, et je pense que ça augmentera dans l’avenir. Pour tout ce qui est urgent, on va se passer progressivement du biologiste puisqu’il y a énormément de biologie délocalisée qui s’installe dans les services cliniques. Même si les biologistes sont responsables de l’automate, les résultats ne passent plus par lui. De plus, il existe maintenant des outils d’aide à la validation biologique… je pense que ce mouvement va prendre de l’ampleur. C’est une menace pour les laboratoires mais il va rester la biologie hyper spécialisée qui, je pense, aura tendance à devenir le nouveau métier des biologistes.

En quoi pensez-vous que l’interopérabilité et, plus précisément, la codification LOINC est important?

J’ai la charge de cette codification LOINC pour la France. Nous avons choisi cette codification car c’est celle qui est la plus diffusée et utilisée au niveau mondial. C’est une codification robuste et maintenue. Concernant l’interopérabilité, nous sommes dans une époque où il y a de plus en plus d’échanges entre les professionnels de santé, et il nous faut donc un langage et un codage unique pour faire passer ces informations, pour les interpréter aussi d’ailleurs.

Enfin, il faut pouvoir récupérer ces données dans de véritables entrepôts des données de santé qui reçoivent des millions d’informations. Si elles sont codées d’une façon différente, nous ne pouvons pas les récupérer et les interpréter, ce qui est une perte de valeur énorme.

Comment accélérer la codification de ces données pour des laboratoires?

La transcodification des données n’est pas simple. Elle est nécessaire pour que tout le monde parle le même langage. Les laboratoires ont à disposition grâce à l’Asip-santé des outils, c’est-à-dire des jeux de valeur qui sont compréhensibles par les biologistes afin qu’ils arrivent à réaliser cette transcodification.

Evidemment, si nous avions des outils informatiques qui nous aide au niveau de ce travail, la transcodification au niveau de la France serait réalisée plus rapidement qu’actuellement. Aujourd’hui, cette problématique est selon moi, l’un des gros points bloquants de l’évolution de notre système de santé, et peu de choses bougeront tant que ce travail n’est pas effectué.

Le Biologiste Augmenté est une initiative et étude menée par Medicus AI, en partenariat avec les principaux acteurs de l’industrie afin de mieux comprendre les défis et les besoins de la communauté des biologistes en France. Futur de la biologie médicale, révolution de la donnée de santé, nouvelles relations biologistes-patients, tous ces thèmes et bien plus sont traités dans ce enquête, gratuit d’accès pour tous.

Sylvie Cormont est praticien attaché à la direction des système d’information de l’AP-HP, en charge du référentiel de biologie et de la nomenclature LOINC au niveau national

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