L’éclairage des précurseurs | Réflexions sur l’avenir de la biologie
Le Dr Baher Al Hakim, PDG de Medicus AI, s’est entretenu avec le Dr Jean-Philippe Galhaud, directeur des affaires médicales du groupe Labexa. Pharmacien biologiste ayant 19 ans d’expérience en laboratoire de biologie médicale privée en France, le Dr Jean-Philippe Galhaud partage ses réflexions sur l’avenir de la biologie, l’importance des données biologiques et le futur des biomarqueurs.
Pouvez-vous vous présenter?
Je suis le directeur des affaires médicales du groupe Labexa et je suis également pharmacien biologiste possédant 19 ans d’expérience dans la médecine de laboratoire privée en France.
Quels sont les défis majeurs dans la relation laboratoire-patient?
Notre défi numéro un est d’expliquer le rôle du biologiste médical à nos patients.
Je pense que beaucoup d’entre eux nous considèrent comme de simples fournisseurs de résultats, alors qu’en réalité l’une de nos principales tâches est de les interpréter.
En bref, le défi n’est pas de restituer un tas de chiffres, mais d’éduquer nos patients en leur fournissant des informations qu’ils puissent comprendre.
Quel sont les principaux défis concernant la relation laboratoire-médecins?
En premier lieu, nous voulons être reconnus comme capables de mettre en valeur les résultats ; chez Labexa nous y travaillons déjà depuis un certain temps. Les médecins sont très occupés et la demande d’outils pour trier et prendre en charge les patients le plus rapidement possible est croissante, ce qui représente assurément un défi pour nous. C’est pourquoi nous travaillons la communication des résultats clés qui nécessitent une interprétation au regard du patient, au lieu de simplement délivrer les chiffres bruts à nos médecins. En d’autres termes, notre travail consiste à identifier ce qui est important.
En second lieu, nous voulons participer plus activement à la chaîne de santé. En tant que fournisseur de soins de santé, nous produisons déjà 70 % des données essentielles à la prise de décision d’un médecin, mais nous devons en tirer plus de valeur encore en fournissant également une interprétation personnalisée des résultats du patient.
Dans 5 ans, en quoi pensez-vous que la profession aura changé?
Je pense que l’ancien monde, celui que les biologistes connaissent aujourd’hui, aura disparu.
Je crois fermement qu’il faut libérer le biologiste des tâches routinières, tout ce qui concerne le prélèvement sanguin en lui-même par exemple, pour le recentrer sur son rôle de spécialiste médical de la biologie.
Les biologistes sont de vrais professionnels ayant une formation universitaire de 10 ans en médecine et en pharmacie, ils sont donc particulièrement bien placés pour expliquer les biomarqueurs et gérer leur interprétation clinique.
Je crois donc que, dans 5 ans, l’accent sera mis sur ce que je pense être la vraie définition d’un médecin spécialiste de laboratoire. Nous devrons expliquer de nouvelles analyses, qui deviennent de plus en plus précises et complexes et donc plus difficiles à comprendre sans commentaire. Il ne s’agit plus de renseigner une valeur définie par une donnée unique, mais plutôt par un paramètre composite regroupant plusieurs biomarqueurs. Dans 5 ans, les biologistes devront se concentrer sur cette tâche cruciale d’interprétation médicale et sur d’autres travaux importants où leur expertise pourra vraiment se distinguer.
Lorsque vous pensez à votre entreprise dans cinq ans, qu’est-ce qui aura changé selon vous?
Je suis optimiste, je crois vraiment que beaucoup de choses auront changé dans 5 ans. D’une part, je m’attends à voir davantage d’améliorations et une plus grande précision pour de nombreux biomarqueurs, en particulier en ce qui concerne la mise au point de tests avancés, fondés sur la génétique bio moléculaire.
Parallèlement, je suis convaincu de la diminution de la valeur clinique des biomarqueurs “classiques” ou “normaux”, compte tenu du nombre croissant de biomarqueurs utilisés par les médecins. Cependant, je crois aussi que les prescripteurs ont vraiment besoin d’une évolution et qu’ils apprécieront la valeur clinique des biomarqueurs “intelligents”.
Du côté de l’entreprise, je crois que nos revenus seront moins basés sur la quantité de résultats délivrés que sur leur valeur ajoutée. Selon moi, il est tout à fait logique que tout gouvernement adopte cette approche : aucun remboursement ne devrait être affecté à des services sans valeur ajoutée.
Êtes-vous optimiste quant à l’avenir?
Je suis vraiment optimiste. Je pense que ce sera différent, mais je ne saurais précisément affirmer si ce sera en pire ou en mieux.
Dans tous les cas, les équipes de laboratoire et les biologistes doivent changer de mentalité, adopter de nouvelles règles et s’adapter à un nouvel environnement.
Je crois que l’avenir est prometteur pour la biologie médicale. Je pense que les médecins et les patients veulent des résultats objectifs en regard d’une pathologie. Aujourd’hui, il est très difficile pour un médecin de dire sans résultat ni preuve, “vous avez la maladie X, je vais vous donner un traitement Y”. Nous avons besoin de données plus objectives.
Selon vous, quelle est la plus grande menace pour l’avenir de la biologie?
Il est si difficile pour les gens d’admettre que les choses changent, surtout dans le domaine de la médecine. Pour certains de mes collègues plus expérimentés, la médecine est un art, il leur est donc difficile de comprendre que l’on puisse utiliser des outils comme de nouveaux logiciels et le big data, a fortiori d’admettre que ces outils puissent faire partie intégrante du système de santé.
Pour moi, la plus grande menace pour la biologie, ce sont les biologistes eux-mêmes.
Si les biologistes parviennent à apprivoiser ce changement, il pourrait s’agir d’une grande révolution. J’ai du mal à croire que les choses resteront comme elles sont dans l’avenir.
Comment pensez-vous que les données des patients devraient être utilisées par le laboratoire? Et dans quel but?
Si nous voulons ajouter de la valeur à nos résultats, alors la data est un point clé pour notre avenir. Nous devons la partager et éviter les silos. Le principal défi consiste à raccorder les résultats du laboratoire à l’information clinique, mais aussi à relier d’une façon générale les bases de données entre-elles. Le gouvernement français essaie d’utiliser le DMP pour partager les données entre les patients et les professionnels de santé, mais je ne sais pas si c’est la meilleure façon de faire.
Dans tous les cas, nous devons partager les data et les enrichir de données cliniques et personnelles pour ajouter de la valeur aux résultats de laboratoire et obtenir des informations cliniques pertinentes.
Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez dû faire face en innovant dans votre laboratoire?
Mon défi est de relier tous les acteurs de l’écosystème. Nous avons beaucoup de solutions différentes et nous devons raccorder, normaliser et homogénéiser toutes les informations dont nous disposons.
Nous devons avoir un dispositif intégré qui unifie un certain nombre de systèmes distincts remplissant chacun des fonctions différentes, de la gestion de la qualité à celle des rendez-vous et des résultats.
C’est la raison pour laquelle le groupe Labexa investit autant d’efforts dans la normalisation. Nous avons de multiples laboratoires et différentes filiales, et à ce jour nous essayons de tout relier pour être aussi efficaces que possible.
Quel est votre point de vue sur la biologie délocalisée ? Comment doit-elle être gérée par le biologiste?
La biologie délocalisée fait partie intégrante du laboratoire du futur. Nous concentrons l’essentiel de notre activité sur le laboratoire de biologie médicale, mais nous devons aussi être proches du patient en gardant certains appareils à proximité. Ces périphériques “POC” (Point Of Care) ont besoin d’être connectés. Ce n’est pas facile, mais nous avons une solution informatique pour cela ; elle doit être gérée par le laboratoire pour s’assurer que les résultats soient valides. Ces analyseurs doivent être proches des patients et des centres d’urgence.
Quels nouveaux modèles économiques voyez-vous pour le laboratoire de biologie médicale?
À mon avis, l’avenir sera axé sur des solutions patients qui leur délivreront directement des analyses pour la prévention et le dépistage, sans forcément passer par le médecin.
Dans tous les systèmes de santé du monde, les patients veulent être acteurs de leur santé et avoir les réponses directes à leurs questions.
C’est ce besoin qui les fera payer de leur poche pour leurs tests parce qu’ils auront l’impression d’avoir plus de contrôle sur leur santé. Les modèles économiques montrent que plus tôt vous prévenez les maladies, plus vous économisez d’argent, au bénéfice de la santé ; alors pour moi, il est évident que le modèle orienté patient sera le nouveau modèle économique.
Considérez-vous les outils numériques comme faisant partie du nouveau modèle économique?
Oui, bien sûr. Ce serait formidable de connecter tous les appareils pour obtenir des informations cliniques, et c’est la principale raison pour laquelle le groupe Labexa travaille aujourd’hui avec Medicus. C’est déjà le cas pour le cholestérol, par exemple, on demande au patient s’il fume ou non, et c’est le genre de question à laquelle il peut répondre en toute autonomie. Les outils numériques sont cruciaux pour l’avenir.
Enfin, pourquoi avez-vous choisi de travailler avec Medicus pour apporter de l’innovation à votre laboratoire?
Je crois que nos visions sont très proches et que nous partageons les mêmes valeurs en matière de médecine personnalisée.
Je pense que Medicus est tout à fait prêt à renforcer l’avenir de la biologie.
Nous avons besoin de tels partenaires pour faire face à notre environnement mouvant ; il y a beaucoup de choses à changer dans cette industrie. Nous partageons les mêmes valeurs sur la direction vers laquelle la santé devrait évoluer et les mêmes idées sur ce qui fait sens pour le laboratoire de biologie médicale.
Medicus AI travaille avec Labexa pour soutenir leurs projets d’innovation.
A propos de Labexa
Le groupe LABEXA est un groupe de biologie médicale indépendant, avec une implantation régionale forte (n°1 en Aquitaine) et des valeurs communes.
Nos 3 filiales EXALAB, LBA et SEALAB sont implantées dans le sud ouest de la France et sont accréditées selon la norme NF15189.
Plus de 800 collaborateurs, dont plus de 100 biologistes, pour 80 sites répartis sur l’ensemble du territoire régional sont à votre service.