La biologie médicale à l’épreuve du COVID-19 : La gestion des communautés

Les EHPAD sont des établissements particulièrement à risque dans la crise de Covid-19. Ils sont devenus la cible de toutes les attentions.

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Medicus AI France
4 min readApr 17, 2020

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Photo by eberhard grossgasteiger on Unsplash

La France compte 7 200 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Près de 700 000 résidents y résident avec un âge moyen à l’entrée de 85 ans et neuf mois. En 2019, près d’un quart des plus de 85 ans vivaient en EHPAD. Par ailleurs 400 000 personnes travaillent dans ce secteur.

La progression des chiffres de décès dans les EHPAD a très vite évoluée : de 254 décès, le 2 avril, selon Santé publique France, à 2 417 quatre jours plus tard. Les chiffres ont été globalisés sur l’ensemble des Établissements Sociaux et Médico Sociaux (ESMS) en France avec le 08 avril 38703 résidents affectés et 6821 décès.

Dans les régions frappées de plein fouet par l’épidémie, les EHPAD ont été très impactés, de l’ordre de 60 à 70% sont touchés. Mais dans le reste de la France, la situation est bien plus contrastée : 2/3 des EHPAD seraient indemnes.

Selon la doctrine initiale concernant les tests diagnostiques, pour les résidents le dépistage s’arrêtait à partir du troisième cas positif. Au delà cela voulait dire que le virus circulait. On considérait que toutes les personnes qui allaient développer des symptômes étaient contaminées par le Covid-19 et devaient être mis à l’isolement. À l’épreuve du quotidien, ce n’est pas si simple car les personnes âgées ont souvent des symptômes atypiques : diarrhée, chutes, altération de l’état général, grande asthénie inhabituelle,…. Les conséquences de l’isolement tant au point de vue du résident que de la gestion de l’établissement sont importantes avec en particulier un besoin de personnel accru là où l’absentéisme a bondi soit pour des raisons logistiques (garde d’enfants), soit pour des raisons de santé (symptômes). Ceci survient de plus dans un contexte connu de défaut d’équipement de protection individuelle. Pour les soignants, la doctrine était de ne tester que les symptomatiques.

Dépister très tôt et isoler très vite, tout en continuant à bénéficier d’un matériel suffisant pour protéger les résidents semble être la stratégie de choix. L’utilisation des tests chez les résidents et le personnel (soignant ou non) en est donc la pierre angulaire.

Le ministre de la santé, Olivier Veran, a annoncé le lancement d’opérations « massives de dépistage », dans les établissements accueillant les « personnes les plus fragiles », notamment les EHPAD. L’objectif, selon Olivier Véran, est de « tester tous les résidents et tous les professionnels à compter du premier cas confirmé de malade du coronavirus au sein de l’établissement ». Grâce à ce dépistage, il serait possible d’identifier très vite les premiers malades dans un établissement et de les isoler des autres résidents. Cette annonce ministérielle a été largement devancée en Occitanie grâce à une action très volontariste de l’Agence régionale de santé (ARS), et à l’augmentation conséquente des capacités de production des laboratoires. Celles-ci ont été portées à près de 4500 tests/jour sur la région Occitanie, grâce au CHU (1800 tests sur 3 CHU), et aux LBM libéraux, en particulier ceux du groupe INOVIE avec près de 2200 tests/jour au total (1700/jour pour le laboratoire Labosud, et plus de 500 PCR/jour pour le laboratoire toulousain CBM31). Depuis deux semaines cette région a lancé, autour de Montpellier et de Toulouse une vaste opération de dépistage dans les maisons de retraite. L’objectif de cette stratégie renforcée est de faire l’état des lieux au sein de chaque structure des personnels ou des résidents permettant l’éviction des membres du personnel positifs, le confinement des résidents positifs (ou le transfert en hospitalisation MCO ou SSR Covid) et l’organisation des soins pour limiter une propagation de l’épidémie (mise en place de l’unité dédiée au sein de la structure, matériel de protection adapté). Selon le nombre d’évictions et la charge en soins des résidents, la structure, en lien avec la délégation départementale de l’ARS devra pouvoir faire appel à un renfort de personnel.

Il est désormais établi que la biologie médicale est la pierre angulaire de la lutte contre le Covid-19 dans les EHPAD. Cela ne fait aucun doute pour le diagnostic des nouveaux cas que ce soit chez les résidents ou chez les personnels dont les soignants. Des questions restent en suspens : doit-on dépister itérativement les résidents et personnels asymptomatiques afin de “sanctuariser” ces établissements, et si oui, à quel rythme ? Les sérologies ont-elles une place particulière dans la démarche diagnostique à la phase d’infection en complément de la PCR ? Les sérologies ont-elles une place dans la détection de l’immunité résidents / soignants, et si oui, quelle stratégie autour de leur résultat ? Est-il d’autres communautés où la démarche entreprise en EHPAD devrait être copiée (autres ESMS, centres de détention, autres types de communautés (foyers, religieux,…)?

Pour autant la biologie ne fait pas tout : la gestion des personnels, des EPI, des stratégies d’isolement plus humaines ou efficientes doivent impérativement accompagner la démarche de protection des ESMS.

Un grand merci à Thomas Hottier Médecin Biologiste à Montpellier, membre de l’URPS des Biologistes d’Occitanie et membre du Comité de Direction du groupe INOVIE pour sa relecture et ses informations occitanes.

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