Créer un CVC, la bonne idée pour les grands groupes ?

Julie Gaspard
Pathfinder
Published in
4 min readOct 14, 2020

Chahuté par le passé, le Corporate Venture Capital (CVC) connaît aujourd’hui un nouvel essor et est en passe de s’imposer comme un acteur incontournable du financement des start ups. Pionnier en France, le fond Suez Ventures a depuis été rejoint par une cinquantaine de concurrents détenus par des grands groupes : Orange Ventures, Sodexo Ventures, Michelin Ventures… C’est tout le CAC 40 qui s’empare du sujet.

Un secteur très dynamique depuis 2015

Véritables véhicules de financement de l’innovation pour les grands groupes, les CVC connaissent un essor mondial sans précédent. Leur nombre ne cesse d’augmenter : 941 fonds corporate actifs ont été dénombrés en 2019 contre 773 en 2018 et 75% des CVC ont aujourd’hui moins de 5 ans. En France où les premiers fonds ont fait leur apparition en 2008, la tendance se confirme puisque 50% d’entre eux ont été créés après 2015(1).

Cette dynamique reflète un besoin fort des entreprises d’investir dans des start ups de manière simple et structurée. En effet, ce type d’investissements est à l’origine un véritable casse-tête pour des grands groupes familiers d’opérations financières de plus grande ampleur avec un risque plus modéré. Constituer un CVC, leur permet de s’extraire des contraintes et rigidités inhérentes à la structure de la grande entreprise et leur fait gagner en agilité. Un indispensable, à l’heure où la prise de participations ou le rachat de start ups remplissent un double objectif financier et stratégique.

Un CVC, oui mais pour quoi faire ?

Les fonds de corporate venture remplissent un objectif financier incarné dans la recherche d’un ROI satisfaisant sans pour autant ignorer leur expertise comme le souligne Rémi Prunier, Investment Manager au sein du CVC du groupe Orange « Chez Orange Ventures, nous avons un objectif avant tout financier mais nous investissons principalement dans les domaines de priorité stratégique du groupe. »

Contrairement aux VC traditionnels, les fonds corporate privilégient souvent des investissements plus late stage comme le souligne l’Investment Manager « Quand le fond a été créé, nos investissements se faisaient principalement en early stage mais avec le temps nous avons évolué et allons maintenant sur des entreprises plus matures. Aujourd’hui nous sommes vraiment positionnés sur du early growth : c’est le moment où l’on a le plus de valeur ajoutée en tant que fond». Investir dans des start ups plus matures permet aux fonds corporate de limiter les risques puisque ces pépites ont, en séries B ou C, déjà fait leurs preuves et apportent souvent avec elles de belles références ou des succès remarquables. Cela fait également plus de sens et permet aux CVC d’apporter de la valeur aux start ups financées dans le cadre de synergies comme c’est le cas chez Orange Ventures où plus de 2/3 des start ups du portefeuille ont développé des synergies fortes avec le groupe comme le fait remarquer Rémi Prunier.

L’intérêt financier n’est donc jamais très loin de l’intérêt stratégique. Nous l’avons compris, pour un grand groupe, lancer son fond de corporate venture répond à un besoin fort d’intimité avec les start ups afin de maximiser les synergies entre le core business et la proposition de valeur de la jeune pousse. L’enjeu pour le groupe est alors de se positionner en réel partenaire et d’accompagner les entrepreneurs dans le développement de leur business grâce à un soutien bien au-delà des aspects financiers.

Côté start up, l’idée d’un financement par des corporates a aussi fait son chemin puisque ces synergies, bien exploitées peuvent mener à de beaux succès. En effet, du point de vue des start ups, être accompagné par de grands groupes soulève deux avantages : pouvoir les compter comme clients ou bien en faire un réel partenaire business voire un canal de distribution privilégié.

La pandémie de la Covid-19, véritable tremplin pour les CVC

Face à la crise, les CVC Français ne ralentissent pas brutalement leur activité et restent à l’écoute de nouvelles opportunités comme le déclarent 63% d’entre eux(1). Après une chute des investissements suite à la mise en place du confinement, l’activité a repris dès le mois d’avril avec plus de 200 millions d’euros d’investis par les fond corporate Français en deux semaines.

Cette tendance se confirme outre-Atlantique où l’année 2020 est florissante pour ces fonds qui malgré la crise ne cessent de mettre de l’argent sur la table : ils ont participé à plus d’un quart des transactions de capital-risque aux États-Unis depuis Janvier. En effet, adossés à des grands groupes, les fonds corporate de capital risque ont bénéficié d’une concurrence moindre des sociétés de venture capital traditionnelles pendant la pandémie ce qui leur a permis d’accéder à un nombre de deals conséquents. C’est notamment le cas de M12 — le fond corporate de Microsoft — qui a participé à 25 deals depuis mars 2020, ce qui en fait l’un des CVC les plus actifs au monde sur la période.

Parfois considérés comme des investisseurs opportunistes et très frileux notamment en situation de crise, les fonds de corporate venture déjouent donc tous les pronostics depuis la pandémie de la Covid 19 et se positionnent comme des investisseurs sérieux et aussi crédibles que des VC classiques.

(1) Baromètre annuel Orange Ventures, Les Corporate Venture Capitalists en France — 2020

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