Innovation Leaders : Grands groupes et nouvelles organisations du travail — que reste-il des initiatives mises en place durant la pandémie ?

Julie Gaspard
Pathfinder
Published in
9 min readJul 1, 2020

L’initiative Innovation Leaders, lancée par Pathfinder en Mai 2020 suite à la pandémie de la Covid-19, réunit une communauté d’une trentaine de représentants Innovation et Stratégie de groupes du CAC 40 et SBF 120 afin de renforcer la place de l’innovation dans les organisations.

En effet, de nombreux Innovation leaders et leurs projets passent au second rang face aux urgences opérationnelles. Pourtant, l’ensemble des citoyens réclame que l’après marque un vrai tournant post-Covid. Cette construction ne pourra se faire qu’en alliant des acteurs de différentes chaînes de valeur ; c’est pourquoi ils se sont rassemblés sous l’égide Innovation Leaders. A travers une série de publications, ils ont décidé d’illustrer de réalisations concrètes la façon dont l’innovation dépasse la crise et d’enjoindre d’autres décideurs à rejoindre les initiatives mises en place.

La première publication d’Innovation Leaders donne des retours d’expérience sur les changements de mode de travail imprimés par la crise. La Covid-19 a en effet obligé l’ensemble des organisations, publiques ou privées à travailler différemment. Alors que la digitalisation des entreprises se faisait petit à petit depuis une dizaine d’années, la Covid-19 a permis de donner un coup de pied dans la fourmilière : en moins de 3 mois le digital s’est imposé dans nos modes de travail et le télétravail est devenu la norme. Bref, la crise a eu une externalité positive : innover concrètement et mettre les outils numériques au service des organisations et des salariés.

Changement radical des modes de travail

Pendant la période de confinement, la règle était plutôt simple : tous les salariés qui en ont la possibilité sont en télétravail. En cette période de déconfinement, les choses se corsent et l’organisation des entreprises est à repenser : qui reprend le travail et quand ? sur quel mode ? quels impacts sur l’organisation des espaces de travail ?

Le télétravail : éviter le risque de clivage entre col blancs et opérationnels

Pour les grands groupes notamment, la reprise du travail de milliers de salariés sur un même site est un véritable casse-tête : concilier respect des règles de distanciation et réintégration des bureaux tient du miracle. Afin d’assurer un retour au travail en toute sécurité, le choix d’une reprise en présentiel progressive a été fait par beaucoup et de nouveaux rituels doivent être intégrés par les salariés.

Chez L’Oréal par exemple, les salariés ont reçu pour consigne de privilégier le télétravail jusqu’à nouvel ordre afin de minimiser le flux de salariés dans les bureaux. Les salariés ont été séparés en équipes A et B afin de pouvoir se rendre alternativement dans les bureaux en toute sécurité dans la limite de 25% des effectifs réels. Les open space ont été aménagés pour garantir la distanciation sociale des volontaires souhaitant retrouver le confort de leur bureau.

Dans le cadre de la continuité des services essentiels (l’eau et les déchets), le Groupe Suez a également mis en place ce système d’alternance des équipes sur le terrain. Le télétravail a été mis en place lorsque cela était possible comme pour le site de la Défense où 100% des salariés étaient en remote.

Pour autant, bien que le télétravail ait été généralisé pendant le confinement pour le le personnel des sièges ce n’est pas le cas pour les opérationnels qui exercent sur sites, notamment au sein des usines.

Comme le témoigne Nathalie Masson, Directrice Innovation chez Unither, “Le retour au travail se révèle être plus compliqué que prévu et des incompréhensions apparaissent entre les opérationnels travaillant au sein des usines en province et les corporates travaillant dans les bureaux parisiens, qui n’ont pas les mêmes problématiques de transport notamment et donc pas les mêmes règles de déconfinement non plus ”.

Cet appel massif au télétravail remet donc sur le devant de la scène un enjeu social majeur au sein des organisations et met en opposition les cols blancs et cols bleus.

En effet, le télétravail n’est accessible que pour le siège, c’est-à-dire les cols blancs, tandis que les opérationnels terrain ont souvent dû rester exposés à plus de risque. Le retour sur site est donc requis également pour les cadres pour ne pas créer de frustration entre ces deux groupes.

Pour Florence Sanson, CEO de CarStudio, l’accélérateur Autotech du groupe Mobivia, “il faut être équitable et solidaire ; revenir en présentiel permet de conserver un rythme mais aussi de conserver une certaine égalité entre les salariés du siège et des magasins.”

De nouveaux rituels nécessaires à la sécurité de tous

Le retour sur site des collaborateurs implique de repenser leur expérience en présentiel afin de garantir la sécurité de tous. Le port du masque, la mise à disposition de gel hydroalcoolique, la diffusion de consignes de distanciation sociale ou encore la mise en place d’un marquage au sol sont les grands classiques d’un retour au travail réussi. Mais, afin d’assurer l’hygiène des moyens de production, des entreprises tech ont imaginé de nouvelles solutions adaptées aux contraintes nouvelles des entreprises.

Les règles de distanciation sociales peuvent être mises à mal lors du retour en entreprise

Les solutions connectées garantissant une distanciation sociale respectée sont en plein boom. Nous retenons surtout la solution BluefoxCount pour les entreprises qui leur permet de garder un oeil sur les effectifs présents sur site : la solution BlueFox informe immédiatement l’équipe sur place lorsque le nombre de personnes sur le lieu de travail dépasse un seuil prédéfini. Les managers reçoivent une alerte SMS en temps réel dès qu’il y a trop de monde sur les sites équipés afin de réguler les flux au plus vite. Autre outil permettant de garantir la distanciation sociale, le boitier connecté CAD.42. C’est un petit dispositif à accrocher sur un porte-clé ou à mettre autour du cou, mais aussi dans un casque de protection, ou bien tout simplement dans une poche qui émet un signal sonore s’il se trouve à moins de 2 mètres d’un autre dispositif allumé. Ainsi, les collaborateurs sont directement informés de leur proximité et peuvent corriger le tir afin de minimiser les risques de transmission du virus.

Au delà de la distanciation sociale, se pose la question de l’hygiène des collaborateurs mais aussi des surfaces. De nombreuses entreprises ont équipé leurs bureaux de distributeurs automatiques et sans contact de gel hydroalcoolique comme ceux proposés par Gel Express mais ce n’est pas tout.

C’est l’intégralité du parcours collaborateurs qu’il faut repenser et agrémenter afin que l’hygiène soit maintenue au fil de leurs déplacements. Pour ce faire, la société Master Tent, spécialisée dans les barnums pliants, s’est adaptée aux exigences qu’impose cette crise sanitaire et a imaginé une cabine de désinfection unique en son genre. Ce tunnel de désinfection pliant est un outil adapté aux exigences de professionnels, permettant la désinfection globale des personnes et des objets en extérieur, avant que les collaborateurs pénètrent au sein des locaux. Ce tunnel constitue aussi une très bonne piste pour un retour au travail en toute sécurité dans les métiers du bâtiment.

La désinfection des surfaces et des objets devient aussi une préoccupation forte pour les entreprises. Dans ce domaine, la start up UVIS se détache avec sa solution de désinfection des surfaces par les UV. La technologie n’est pas nouvelle puisque la désinfection par les UV était déjà largement utilisée dans l’industrie agro-alimentaire et les hôpitaux mais l’apparition de la Covid-19 a donné un nouveau souffle à cette technologie en lui offrant un nouveau terrain applicatif. Développée depuis quelques années déjà pour désinfecter les surfaces dans les transports publics par exemple (ascenseurs, escalators, barres de métro), la start up propose aujourd’hui la désinfection par UV d’open spaces entiers, de machines automatiques ou encore de billets de banque pour assurer, peu importe l’industrie, un niveau d’hygiène maximal. « Avec la pandémie, les entreprises se rendent compte qu’elles ont besoin d’investir dans l’hygiène, pour le bien-être de leurs employés et de leurs clients », souligne la fondatrice d’UVIS, Katharina Obladen.

Des tendances installées pour durer

Le remote working

Pour certaines entreprises, le confinement a eu l’effet d’une révélation et a converti les plus récalcitrants au télétravail.

” Chez Unither nous avions déjà un accord de télétravail mais il était assez peu utilisé; avec la crise sanitaire, force est de constater que le télétravail à 100% pour le siège de Paris a très bien fonctionné : certains collaborateurs aimeraient maintenant pouvoir recourir de manière plus importante au télétravail.“ déclare Nathalie Masson. Cette période a permis aux managers, souvent réticents à la mise en place du télétravail à grande échelle, de constater les bienfaits de ce mode d’organisation avec notamment un maintien de la productivité des salariés, voire même son augmentation ainsi qu’un gain de temps appréciable en supprimant les temps de déplacement

Le télétravail a fait son entrée de manière durable dans le quotidien des français

Selon la dernière enquête “Déconfinement & reprise d’activité” menée par l’ANDRH (Avril 2020), 74 % des DRH prévoient d’ailleurs un développement durable du télétravail après la crise majoritairement avec la mise à jour ou en place d’une charte ou d’un accord en ce sens et 60% des entreprises envisagent d’avoir plus d’un quart de leurs salariés en télétravail avec une moyenne de deux jours par semaine . C’est le cas notamment chez Kiloutou, où Vincent Ranaivoson, Directeur de la Stratégie, accompagne les équipes RH dans la réflexion sur l’avenir du télétravail au sein de l’entreprise signe que ce mode de travail s’est ancré dans le quotidien des collaborateurs. De nouvelles obligations vont ainsi naître côté employeur, comme la résolution de problèmes informatiques à distance ou l’aménagement des postes de télétravail. Pour le Groupe Suez, le télétravail s’inscrit aussi dans la durée avec une réflexion en cours permettant aux salariés de travailler à distance quelques jours par mois.

De nombreuses entreprises ont également expérimenté les réductions de coûts que le télétravail permet. Moins d’employés au bureau nécessite moins de m2 occupés et pourrait permettre de libérer un budget précieux tout en garantissant la satisfaction des salariés. Si coté startups certaines ont d’ores et déjà déclaré passer en full remote, à l’instar de Comet ou Germinal, les grands groupes étudient eux aussi ces modalités pour en faire un élément phare de leur stratégie de transformation — et de relance post covid-19.

Pour autant malgré cet engouement, des craintes s’élèvent sur la mise en place de mécanismes de surveillance à distance du nombre d’heures réellement travaillées. Ces peurs mettent en exergue le besoin de responsabilisation des collaborateurs plus engagés à accomplir leurs tâches qu’à compter les heures. Le changement qui devra donc réellement être opéré sera fortement attendu du côté des managers.

Un regain d’intérêt pour la province

La généralisation du télétravail permet aussi aux entreprises localisées en province de profiter d’une nouvelle attractivité qui pourrait changer la donne dans la compétition à l’embauche. C’est notamment le cas de certains acteurs comme la Macif installée dans à Niort qui note un regain de candidatures, témoignant de la volonté des salariés de se relocaliser en dehors de Paris.

De nombreuses études ont en effet montré qu’une partie des cadres parisiens aspirait à se relocaliser en dehors de Paris où l’immobilier est moins cher et les possibilités d’avoir une propriété avec jardin plus importantes.

Touchless

Enfin, les crises sanitaires sont également appelées à se reproduire plus fréquemment et les sociétés doivent trouver des modèles de résilience incluant des solutions technologiques et le digital pour assurer le risque minimal. Le besoin de traçabilité quant à l’hygiène et la distanciation sociale ont permis un boom du e-commerce, pour les entreprises qui ont pu sauvegarder leur chaîne logistique grâce à des processus sans contact de bout en bout. La robotisation, la technologie blockchain ou encore les moyens web de vente en ligne sont en train de connaître une accélération de leur déploiement encore jamais vue jusqu’ici.

La crise a impacté très négativement notre économie mais la communauté Innovation Leaders souligne les opportunités qui sont nées des changements imprimés en cette période si particulière. La prochaine publication sera dédiée aux opportunités à impact positif qui pourront naître de ces mutations grâce à des actions collaboratives.

Intéressé(e) par cette initiative ? Rendez-vous sur

https://www.innovationleaders.fr/

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