La couleur verte de l’Université de Liège.

Michel Péters
Michel Peters
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4 min readNov 28, 2021

Vous êtes-vous déjà posé la question de l’origine de la couleur verte de l’épitoge des docteurs honoris causa de l’Université de Liège ?

Comme pour les couleurs des diverses facultés, le folklore estudiantin peut, ici aussi, apporter, si pas une réponse catégorique, des pistes de réflexion.

A l’occasion de la visite du roi Léopold 1er à Liège en 1860, les étudiants adoptent des insignes particuliers. Ceux-ci consistent en une écharpe tricolore portée en bandoulière sur le gilet, et en une petite cocarde verte portée à la boutonnière. Ils se font également confectionner un drapeau « aux couleurs de l’Alma Mater ».

Le 28 octobre, les étudiants se rendent au palais provincial et défilent devant les souverains avant de rejoindre l’Université pour déposer leur étendard entre les mains de l’Administrateur-inspecteur. C’est à ce drapeau, dont on ignore tout sauf la couleur verte, que sera attachée quelques semaines plus tard, la médaille offerte par le Roi aux étudiants en souvenir de cette visite.

En 1883, le Roi « offre » un nouveau drapeau aux étudiants liégeois. Plusieurs documents permettent de donner une description approximative de ce nouvel emblème universitaire : il est de soie verte et porte au centre les armes de la Belgique et à chaque coin les attributs des quatre facultés. La hampe est surmontée d’un perron. Une photographie de 1901 confirme cette description sommaire et permet d’ajouter la présence d’une listel portant l’inscription Universitas Leodiensis.

Pourquoi le vert ?

Même si on considère généralement que Liège doit son université à Guillaume 1er, Roi des Pays-Bas, la première charte universitaire liégeoise est le décret organisant l’Université impériale du 17 mars 1808.

Deux académies verront le jour, l’une à Bruxelles, avec des facultés des Lettres, des Sciences et de Droit, et l’autre à Liège, avec des facultés des Lettres et des Sciences. Celle des Lettres ne sera jamais concrètement organisée.

Les étudiants de 1860 ont-ils voulu rappeler cette création par Napoléon en adoptant le vert impérial, couleur en usage en France au 19e siècle dans le domaine de la décoration et de la mode, et qui est associée à la décoration de style Empire ?

Ont-ils voulu rappeler le passé principautaire de leur cité ? En effet, les armoiries des évêques — également Princes en Principauté épiscopale de Liège — possèdent un chapeau de sinople accompagné d’une cordelière à six houppes de même.

D’autres pensent que ce vert pourrait rappeler la cocarde dite « de Camille Desmoulins », imaginée le 12 juillet 1789, mais l’histoire allant très vite dans ces journées révolutionnaires, dès le lendemain, la cocarde verte est oubliée et le bleu-blanc-rouge s’imposera.

Choisir le vert révolutionnaire en 1860, période d’élan du sentiment national, semble cependant peu probable. Je penche donc plutôt pour une des deux premières hypothèses ci-dessus.

Ce sont donc bel et bien les étudiants qui choisissent la couleur verte et cela ne sera pas sans conséquence sur la couleur de la penne liégeoise à ses débuts…

La première mention de la casquette de l’étudiant date du 24 mars 1860 et sa couleur, le vert, restera la seule du couvre-chef estudiantin jusqu’à la diversification (blanc, noir, vert d’abord, bordeaux ensuite) au plus tard en 1886. Lorsque les étudiants de l’Union, Cercle des étudiants catholiques opteront pour la calotte, vers 1896, c’est encore le vert qu’ils choisissent comme couleur du calot.

Pourquoi le vert est-il resté la couleur de la penne des étudiants en médecine ?

Rappelons-nous le décret organisant l’Université impériale qui désigne Liège comme siège d’une Académie. Son premier recteur, Franz-Antoine Percelat, suggère de créer d’abord une Faculté des sciences. Tant à Bruxelles qu’à Liège, des écoles de médecine déjà actives sont adjointes à ces académies.

Au sein de l’École de Médecine de Liège, les professeurs, tous deux Liégeois, Joseph Nicolas Comhaire (1778–1837) et Nicolas Gabriel Ansiaux (1780–1834), enseignaient déjà l’anatomie, la physiologie et la chirurgie depuis 1806 dans des églises ou des chapelles désaffectées. Leur école ne sera cependant reconnue qu’en 1812.

Les étudiants de 1886 connaissaient-ils cette antériorité liégeoise de l’enseignement de la Médecine sur toutes les autres disciplines ? C’est de nouveau une hypothèse qui, faute de sources contemporaines, pourrait expliquer l’octroi de la couleur verte aux étudiants en Médecine.

C’est en tout cas parce que la couleur originelle de la penne liégeoise est le vert qu’elle fut choisie pour la penne offerte au Roi Philippe le 11 octobre 2013.

La vie estudiantine et son folklore apportent beaucoup à la connaissance de notre ardente université, celle-là même qui a tourné le dos à son folklore estudiantin depuis 50 ans. A force, l’Université de Liège en perdra son âme et s’inventera des « traditions » importées et sans fondement.

Ne devrions-nous pas ouvrir une souscription pour faire composer un nouveau drapeau vert symbole de notre université ? Si le folklore ne le fait pas, je pense que personne d’autre n’y arrivera.

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Michel Péters
Michel Peters

Président du Conseil d'Administration de la Société Wallonne du Logement