Chicago, une ville marchande au développement fulgurant

Luc Landrot
A European lost in the Midwest
5 min readJan 24, 2017

Chicago est aujourd’hui la troisième ville des Etats-Unis. Son agglomération rassemble près de 10 millions d’habitants. Elle serait au 20ème rang mondial en PIB si elle était un pays. Et pourtant, en 1833, la ville, ou plutôt le hameau, ne comportait que 350 misérables habitants !

Chicago la plus américaine des villes américaines ?

Checagou, avant-poste de la Frontier

Depuis plus de 10 000 ans, la région était peuplée. Jusqu’à récemment, plusieurs tribus indiennes, les Miamis, les Illinois, les Ottawa et les Potawatomi occupaient ces terres bordant les grands lacs. Ce n’est qu’au 17ème siècle que les premiers Européens foulèrent ce sol.

En 1673, Louis Joliet et le Père Jacques Marquette avaient été envoyés en mission avec leurs guides indiens pour trouver de nouvelles routes commerciales. Descendant du Canada sur le fleuve Mississipi, ils remontèrent ensuite la rivière Illinois jusqu’à arriver au lieu-dit Checagou. C’était le mot indien désignant un oignon sauvage et à l’odeur intense poussant dans les marécages bordant le lac Michigan. Les Français comprennent rapidement la place stratégique de ce site géographique. Partagé entre le lac d’un côté et le Mississippi de l’autre, seuls 15 kilomètres séparent les rivières Chicago et Des Plaines. La route des Grands Lacs au Golfe du Mexique s’ouvre au commerce.

Sans devenir une ville pour autant, le lieu s’impose comme une plaque tournante du commerce de fourrures vers l’Europe. D’abord revendiqué par les Français, la région passe sous contrôle britannique en 1763 puis tombe sous le giron des nouveaux Etats-Unis d’Amérique suite à la victoire de la guerre d’indépendance. En 1795, les Etats-Unis s’emparent de nombreux territoires indiens à l’ouest de Chicago où ils y construisent un fort contre les anglais. L’avant-poste se transforme en village jouant un rôle d’étape pour les pionniers de la Frontier vers l’Ouest. Après une ultime guerre contre l’empire colonial, la ville est officiellement instituée en 1837, forte de 4 000 habitants. Commence alors le véritable développement de la ville.

La Révolution industrielle et le commerce, moteur de la ville

L’ascension devient alors fulgurante. Cette année là, en 1837, le chemin de fer et le télégraphe débarquent dans la ville. Le commerce du bois, des céréales et du calcaire remplace celui des fourrures. Les immigrés européens affluent.
En 1848, vient s’ajouter au noeud ferroviaire l’inauguration du canal permettant aux bateaux de passer des Grands Lacs au Mississippi puis au Golfe du Mexique. Bateaux à vapeur et train transcontinentaux contribuent à l’essor industriel de la ville. Les matières premières et le bétail deviennent des marchandises très échangées. L’industrie lourde de l’acier et les abattoirs poussent rapidement. En 1871, la ville compte 300 000 habitants.

Ville carrefour, terre d’immigration, les entrepreneurs de Chicago inventent tour à tour wagon Pullman, moissonneuse-batteuse, gratte-ciels. Détruite aux deux-tiers par un gigantesque incendie en 1871, ces derniers ont permis de reconstruire la ville plus solide tout en répondant à la demande croissante en bureaux.

Une adaptation au contexte de la mondialisation

Chicago aurait pu comme d’autres villes dont le meilleur exemple est Détroit, sombrer dans l’atrophie à cause de la fuite d’une bonne partie de l’industrie en Asie ou ailleurs sur le continent américain. Mais Chicago a su s’adapter. S’appuyant sur le “Butter and Egg Board” fondé en 1848, ancêtre de la bourse agricole, Chicago a su s’appuyer sur son secteur financier pour prospérer. On lui doit même l’invention des produits dérivés.

Aujourd’hui elle est le siège de nombreuse multinationales américaines comme Kraft Foods, Mondelez Int, Macdonalds ou encore Boeing. Ville d’importance pour le gouvernement fédéral, elle a su développer son secteur tertiaire : administrations et universités contribuent à l’influence de la métropole. Profitant de sa position d’ancienne plaque tournante du commerce, Chicago possède également l’un des plus grands centres de congrès au monde. De nombreux hôtels de luxes gratte-ciels parsèment le centre-ville dont la fameuse Trump Tower.

Les crises économiques, même pas peur

Fourrures, abattoirs, industrie lourde, port, chemin de fer, tous ces moteurs de la croissance de Chicago ont depuis longtemps disparu ou sont devenus insignifiants. Et pourtant, la ville affiche inlassablement un dynamisme à toute épreuve. Le train se démode ? Qu’à cela ne tienne, on construit des autoroutes et un aéroport international. Les abattoirs sont transférés au Kansas ? Développons la vente au détail à distance par courrier. L’industrie lourde est à la peine ? Et bien on va faire de la finance.

Cette résilience de Chicago aux crises, qu’elles soient économiques, sociales ou ethniques est une de ses spécificités. En à peine 200 ans d’existence, la ville a enchaîné les modèles économiques. Rien n’a pu l’arrêter, ni la guerre de Sécession, ni le Grand Incendie, ni la Grande Dépression des années 30, ni la désindustrialisation de la fin du XXème siècle.

Ce versant économique n’est qu’une des facettes de la ville. Dans les prochains articles, on essaiera de comprendre comment l’esprit de la ville s’est forgé, comment sa population a évolué et ce qu’est devenu Chicago en 2017.

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Luc Landrot
A European lost in the Midwest

Auteur de science-fiction, administrateur de l’Union des Fédéralistes Européens — France, ingénieur, Européen dans l’âme et dans la vie. #Subsidiarité