Denver, îlot entre grandes plaines vides et rocheuses sauvages

Luc Landrot
A European lost in the Midwest
5 min readApr 27, 2017

Après des heures à rouler dans les grandes plaines du Kansas, et une étape salutaire à discuter avec un de ses habitants, les voilà enfin. Je ne les aperçois que tardivement dans la brume de beau temps ce jour-là. Dans la circulation déjà dense de la banlieue de Denver, elles sont là, elles me font face plein Ouest : les Rocheuses.

Pénétrer dans Denver quand on a roulé pendant huit heures dans les grandes plaines, c’est comme trouver une oasis après de longs jours passés dans le désert. On a le sentiment de retrouver la civilisation.

Denver est un îlot de prospérité en plein centre du continent. Fondée en 1858, nommée par le General William Larimer en faveur de James W. Denver alors gouverneur du territoire du Kansas administrant la zone, la ville est rapidement devenue le principal point de ralliement des nombreuses mines du Colorado découvertes lors de la ruée vers l’or. Ruée qui, comme toutes les ruées vers l’or, ne dura que quelques années avant d’être remplacée par une exploitation industrielle, seule capable d’extraire l’or restant des profondeurs de la terre. Reliée au réseau ferré transcontinental en 1870, la ville s’installa durablement dans le paysage urbain de la conquête de l’Ouest.

Depuis les années 1990, la ville connaît un boom démographique, passant de 467 000 habitants à 693 000 en 2016. Elle est de toute évidence un point de passage important des amateurs de sports d’hiver en transit vers les stations situées à moins de deux heures de route vers l’ouest.

Piste cyclable aménagée en contre-bas d’une avenue

On ressent cette atmosphère de grande ville connectée à la montagne, comme à Lyon où une grande partie de ses habitants aime passer du temps dans les étendues sauvages été comme hiver.

Denver est l’une des deux villes américaines que je connais, avec Boston, qui semble posséder un esprit européen autant qu’américain. Son Downtown, ressemblant de prime abord à tous les centres d’affaires des villes américaines avec ses gratte-ciels de bureaux, est en fait sensiblement différent. Le soir, ses rues ne sont pas désertées mais au contraire animées grâce aux nombreux bars, restaurants et micro-brasseries. Ceux-ci se trouvent notamment sur l’artère principale de la ville 16th street, interdite aux voitures sur une grande partie de sa longueur et équipée d’une ligne de bus gratuite et efficace. Elle relie l’Union Station (l’une des rares du centre du pays à accueillir toujours des trains) au Capitol.

Le vélo semble y être utilisé davantage que la moyenne des villes américaines et bien entendu, la ville possède son système de location type Velo’v.

La première Union Station que je vois encore utilisée aujourd’hui pour les trains (avec Chicago ?)

Ce quartier autour de Union Station et de la rivière Platte River est particulièrement en ébullition . De nombreux immeubles en construction s’y élèvent. Ce sont des condominium de luxe, parfois avec piscine, témoignant du véritable engouement renaissant des américains pour les centre-villes.

Savez-vous pourquoi malgré la taille de la métropole (près de 3 millions habitants), la ville ne possède pas de très hauts gratte-ciels ?

En raison de la combinaison de deux raisons. La première c’est que le vent souffle fréquemment et puissamment au pied des Rocheuses. Les fondations doivent donc être profondes et solidement ancrées dans le sol pour y résister. Hors le sol de la région est très rocailleux et il est très difficile de creuser des fondations profondes. La ville est donc condamnée à accueillir des tours limitées en hauteur.

De chaque côté de la brasserie Coors (en gris au milieu), les deux Table Mountains. En arrière plan, Denver.

Le site topographique de Denver est magnifique. Le Downtown est logé à la limite du plateau et des premières collines qui s’élèvent rapidement vers l’ouest, offrant des panoramas à couper le souffle sur la métropole. Les deux “Table Mountains” sont deux mamelons en forme de plateaux logés entre le pied des rocheuses et la ville. A ses pieds, la petite ville minière de Golden abrite une usine de la marque de bière Coors, l’une des plus connues aux Etats-Unis, et une école des mines.

C’est une caractéristique de la région. Denver possède des villes satellites qui ont gardé leur âme et leur centre historique datant du 19ème siècle : Golden, Arvada, Boulder… Cette dernière est particulièrement connue pour être un foyer de progressisme et abrite l’université du Colorado qui a joué un rôle important dans le mouvement hippies dans les années 60–70.

Un réseau de transports en commun reliant ces différents foyers se développe, ce qui tend à renforcer le style de vie européen de la métropole.

C’est quand on grimpe (en voiture bien sûr) au point de vue panoramique de Look Out Mountain qu’on prend conscience de l’incroyable position géographique de la métropole.

En direction de Boulder, elle-même nichée au pied des montagnes comme Golden

Malgré la dureté de la pente, nombreux sont les cyclistes courageux qui s’attaquent à ces hauteurs. Cette ville est sportive. Sommes-nous toujours aux Etats-Unis ?

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Luc Landrot
A European lost in the Midwest

Auteur de science-fiction, administrateur de l’Union des Fédéralistes Européens — France, ingénieur, Européen dans l’âme et dans la vie. #Subsidiarité