Va chercher!

Léa Morales-Chanard
Mind Mine
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4 min readNov 4, 2015

On dit souvent que lorsqu’on ne cherche plus, on trouve (ses clefs de voiture, un appartement, l’amour…) Mais c’est aujourd’hui précisément de plus en plus difficile de ne pas chercher. Alors que nous sommes sans cesse « connectés » à un réseau, sautant de truchement en truchement à la recherche de quelque chose d’imprécis, l’idiome semble dur à appliquer.
Je me rends compte que je cherche sans cesse, à la moindre petite question qui traverse mon esprit ou celui des personnes autour de moi:

« Je mangerais bien des raviolis chinois.
- Attends je vais chercher une recette pour voir.
»,

« En objet de mail pour qu’il le lise je vais mettre un truc du genre « Chaton et petite poule »
- Oh attends je vais voir si y’a des photos! Je tape quoi? Cat + chicken.
»

(Citations issues de vraies conversations)

Comment y résister? La recherche est tellement facile, je peux tout chercher, indulger mes idées les plus idiotes, découvrir le monde qui m’intéresse, ou ne m’intéresse pas particulièrement, pendant une seconde, et oublier l’information en suivant. Je peux tout chercher et rien trouver, ne rien chercher et tout trouver instantanément, simultanément, inconditionnellement. J’ai à ma disposition une bibliothèque grande comme le monde pleine d’informations inutiles ET vitales. La pratique est alors devenue réflexe, et je cherche.

Plusieurs questions se posent alors: que fais-je des résultats de ces recherches? Que se passe-t-il quand je ne trouve pas? Comment arrêter de chercher?

Premièrement, il m’est impossible de stocker où que ce soit tous les résultats de mes investigations, qu’elles aient été courtes et « dans le mille » ou longues et pavées de liens. Je ne sais comment s’opère le tri effectué par ma mémoire quant il s’agit de se souvenir de la onzième page web visitée et à moitié lue ou de celle qui m’a fait voir de superbes photos de chats portant des bonnets en forme de poulets. Pour être honnête, il me semble un peu aléatoire. Car bien que je saute d’information en information pour arriver au but, j’assimile chaque pas que j’effectue pour y arriver. Et lorsqu’arrive le résultat ultime de la recherche, mon cerveau est déjà plein d’infos à moitié digérées que je dois expulser afin de faire place au saint graal de cette aventure enquêtante et entêtante.

Et si je ne trouve pas? Et si après tout ce chemin je n’en vois toujours pas le bout? C’est une situation qui me hante et me fait perdre mes moyens: je refuse de m’arrêter de chercher, et j’assimile page après page des choses inutiles qui m’encombrent et ne m’aident pas. Peu à peu, ces truchements deviennent des parasites, alors je retourne en arrière. Je recommence différemment, et je n’arrive toujours pas au bon résultat. Si l’on considère ma recherche comme un acte linéaire Recherche->…->Résultat parfait, et qu’on la compare à une route, on pourrait l’expliquer ainsi: Je marche avec une destination en tête. Je m’arrête pour demander mon chemin, on m’indique un lieu intermédiaire. Je m’y rends, c’est un carrefour. Je prend une de ses routes, je demande à nouveau mon chemin. On me recommande un bar où aller enquêter. Là, on me dit de suivre un panneau, mais le chemin s’arrête. Je rebrousse chemin et me retrouve au premier carrefour. Je prend une autre route, je retombe sur le bar. Je reviens au carrefour, je demande mon chemin. On me dit de prendre à droite, puis à gauche. Le chemin s’arrête. Je reviens à mon point de départ. Je redemande mon chemin…

Comment est-ce possible? Personne n’aurait la réponse? Je me sens trahie et frustrée au plus haut point, et malgré tout, je continue de chercher. Il m’est impensable que dans ce tout infernal d’informations inutiles, je ne puisse pas trouver celle que je cherche activement, alors que j’en ai assimilé tellement en chemin sans même y avoir pensé.

Alors comment s’arrêter de chercher? Comment mettre fin à ce cercle infernal de pages? Pour moi, c’est la colère qui y met fin. C’est ce que j’appelle le « moment sable-mouvant », où l’on s’enlise dans une recherche qui n’a que trop de fois changé de but, qui m’oblige à arrêter. C’est ce mal de tête qui survient après en avoir trop vu, trop lu, trop cherché, sans succès. Un moment où tout espoir semble perdu.

Je n’irai pas jusqu’à à affirmer que l’idiome « lorsque l’on ne cherche plus, on trouve » soit applicable en pratique, car il invoque majoritairement le hasard, bien entendu, mais j’ai découvert que d’arrêter de chercher et de se débarrasser d’un but était souvent révélateur, libérateur et porteur de nouveaux angles à explorer. Cet état d’esprit “sans but” m’intrigue et semble, peut-être, être une alternative à la recherche active…?

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Léa Morales-Chanard
Mind Mine

Graphic designer with a love for weirdness, pop-culture and art.