Vade Retro, iPhone

Léa Morales-Chanard
Mind Mine
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3 min readNov 3, 2016

Depuis quelques temps, un phénomène me titille et me gêne, un phénomène qui se manifeste principalement sur les réseaux sociaux et qui m’embête, voire me met en colère par moments. Ce phénomène, je l’appellerais la diabolisation des réseaux et des nouvelles technologies. Ce qui a déclenché cet article, c’est la sortie du dernier clip de Moby, « Are you lost in the world like me? » et surtout tous les commentaires qui en ont suivi.

Ce clip dépeint la triste vie d’un personnage qui n’arrive pas à s’intégrer dans un monde habité par des zombies addicts de la technologie qui passent leur temps vissés à leurs téléphones et préfèrent faire des selfies plutôt que de regarder la réalité autour d’eux. Joliment réalisé, ce clip marque un point: la société est obsédée par les réseaux, jusqu’au point d’ignorer complètement le monde lorsqu’il n’est pas traduit par un post. Cela dit, voilà ce qui me gêne: tous ces constats exagérés mènent les gens à une haine et une peur des avancées technologiques qui leur permettent de poster, reposter et partager leur faceswaps et leurs tutoriels make-up youtube.

On diabolise donc ces technologies des réseaux, on diabolise internet, on diabolise l’évolution. Et c’est précisément ce point qui me gêne, surtout quand cette diabolisation vient de ceux-mêmes qui utilisent à outrance et sans vergogne ces inventions. Il est facile de blâmer des avancées technologiques plutôt que soi-même, n’est-ce-pas? Alors que concrètement, le problème n’est pas là, il vient des utilisateurs.

La sortie de la saison 3 de la géniale série techno-apocalyptique « Black Mirror » a également engrangé un sorte de tornade de peur envers la technologie. Black Mirror se positionne en devin éventuel, décrivant un monde futur où certaines avancées semblent franchir des barrières éthiques et morales dangereuses, résultant en une société contrôlée, peuplée d’habitants toujours au bord du précipice, en proie à de multiples dilemmes moraux construits et forcés par l’évolution des réseaux. Mais rappelons-nous du caractère fictionnel de cette série, et quand bien même il semblerai que l’humanité aille dans ce sens, il ne faut pas oublier que c’est la demande qui fait l’avancée, et non le contraire.

Alors cracher sur les applications, sites, objets, et autres fonctions que les technologies apportent jusqu’à notre porte ne résout rien, et qui plus est, ne rime à rien. N’oublions pas que ces réseaux et truchements sont en partie la raison pour laquelle (ou grâce à laquelle) nous sommes tous au courant des dangers que peut comporter leur surconsommation: nous savons bien que certaines informations que nous pourrions divulguer sur la toile pourraient être récupérées par des partis aux mauvaises intentions, nous savons aussi qu’exposer notre vie intime sans pensée pour la sécurité de nos propos pourrait se retourner contre nous, et enfin nous savons que les médias et médiums sont rapides et que nous ne pouvons pas ou peu contrôler la dispersion de certaines informations.

J’utiliserai l’analogie suivante pour resserrer mon propos: les réseaux sont une machine, un outil. Et comme toute machine, ils arrivent avec des recommandations que le bon-sens a rédigé: « use with caution », « don’t operate heavy machinery »…

Alors arrêtons de blâmer les incroyables avancées techniques et technologiques pour pallier à la fragilité de notre propre ego: car comme tout outil, sa fonctionnalité est justement fonction de l’utilisateur. C’est la manipulation excessivement inexpérimentée et inéduquée de ces outils qu’il faut pointer du doigt. La solution est peut-être justement dans une éducation plus importante des dangers liés à l’utilisation automatique et irréfléchie de ces « nouvelles technologies », chose qui n’est malheureusement pour l’instant que peu enseignée. Il s’agirait de donner toutes les cartes de compréhension aux utilisateurs afin qu’ils puissent comprendre qu’ils ont toujours un choix, qui leur est propre et ne doit en aucun cas être motivé par une quelconque pression sociale. Comprendre ces outils, comprendre l’idée de flux, d’information, le concept de toile, ou « web », car cette analogie importante a été oubliée malgré son évidente et juste implication imagée.

L’idée de choix me semble être une notion qui peu à peu s’oublie. Peut-être pour éviter le blâme, peut-être parce qu’il s’agit d’un sentiment disparaissant dans une société qui semble oppresser chacun. Mais il est important de comprendre que l’utilisation des technologies est avant tout un choix et un droit qui n’est pas à prendre à la légère, mais avec responsabilité et caution. Et si chacun y met du sien et du bon-sens, tout ira bien.

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Léa Morales-Chanard
Mind Mine

Graphic designer with a love for weirdness, pop-culture and art.