Khabib Nurmagomedov sur la balance lors d’une pesée officielle et qui semble souffrir
(Source: MMA Fighting)

L’Approche de la pesée et du “Weight Cutting” par ONE Championship

Une alternative à la pratique dangereuse de la sèche en MMA

Thierry Maout
Published in
9 min readOct 1, 2021

--

Note Février 2023 : Depuis la publication de cet article en 2021, de nombreux galas ONE ont été bousculés par des pesées ratées, malgré le systeme mis en place. Si l’idée semble en surface très bonne, il semble que d’autres éléments soient à considérer, de la culture des combattants jusqu’à l’organisation même de la promotion qui d’après certains serait assez laxiste sur le respect de ses propres règles.

Cet article, s’il est toujours utile pour comprendre les dynamiques de pesée, est donc à prendre avec une pincée de sel, et en mettant à bon usage votre propre sens critique.

Nouvel événement, nouvel accident. Alors qu’Aspen Ladd effectue une pesée très difficile au bord du malaise, la pratique du “weight cutting” (la perte de poids aggressive avant un combat pour être en dessous de la limite autorisée) revient au devant de l’actualité MMA.

Les “weight cut” difficiles font régulièrement la une de l’actualité MMA, et certains des combattants les plus populaires du sport en ont fait les frais:

La liste est longue, on se souvient en particulier de Julija Stoliarenko qui est carrément tombée lors de la pesé à l’UFC Vegas 22 (attention c’est un peu déroutant à voir):

Le sujet a déjà abordé le sujet dans le passé et en général, le constat est toujours le même: “C’est le sport qui est comme ça”, “il faudrait changer les choses”, “peut être créer de nouvelles catégories”… Mais commençons par le commencement: D’où vient le problème?

Dans la plupart des promotions, le processus est relativement simple: les athlètes doivent être sous la limite de leur catégorie pour la pesée officielle -en général la veille du combat- et ce, par tous les moyens.

En conséquence et dans la pratique, la plupart des combattants se battent dans une catégorie de poids largement inférieure à leur poids naturel. Certains rapports témoignent qu’en moyenne, un combattant de l’UFC perd entre 7 et 10 kilos lors des 5 jours précédant sa pesée.

Deux photos de Conor McGregor: L’une en poids plume et l’autre en poids welter, avec une difference visible
(Source: La Sueur)

Mais s’il existait une autre manière de faire les choses? A Singapour, ONE Championship a mis en place une alternative au système de pesée traditionnelle.

Addendum (Novembre 2022) : Malgré le concept très intéressant du système de pesée de ONE, j’ai pu observer depuis l’écriture de cet article qu’il n’est pas non plus prfait, et que de nombreux évènements voient beaucoup d’échecs à la pesée.

Faites vous votre propre avis et prenez les informations avec des pincettes, en gardant à l’esprit que ces organisations ont tout intérêt à “vendre” leur système comme étant le meilleur.

L’origine du système de pesée ONE Championship

Les difficultés liées aux catégories de poids et à la sèche ne sont pas nouvelles et pas uniques au MMA. En boxe, en lutte et dans la plupart des arts martiaux, la pratique est répandue. Mais le MMA étant un sport relativement jeune, les méthodes employées sont souvent encore plus dangereuses et effectuées sans l’aide de nutritionnistes ou professionnels de santé.

Pour ONE Championship, les choses ont pris un tournant dramatique le 11 Décembre 2015, lorsque le combattant poids mouche Yang Jian Bing décède des suites d’insuffisance cardio-pulmonaire durant sa préparation pour l’événement ONE Championship 35.

Il avait 21 ans.

Le combattant Yang Jian Bing lors d’une pesée officielle
(Source: MMA Weekly)

La promotion asiatique a mis la main à la pâte directement et deux semaines plus tard, un nouveau système a été adopté.

La pesée chez ONE Championship: Comment ça marche?

Le principe de base est d’éviter la perte de poids brutale et la déshydratation excessive, en intégrant un système de pesée continue, associé à des tests d’hydratation détectés via l’urine.

Jetons un oeil à la réglementation officielle à ce sujet, tirée du site de ONE Championship:

  1. Les athlètes doivent régulièrement soumettre leur poids “normal” et leur poids d’entraînement. Les athlètes saisiront et suivront leur poids quotidiennement via un portail web dédié. Les athlètes peuvent saisir les données chaque semaine mais doivent inclure les poids quotidiens.
  2. Les athlètes seront affectés à leur catégorie de poids sur la base des données collectées et des contrôles de poids aléatoires. Les athlètes ne sont pas autorisés à changer de catégorie de poids à moins de 8 semaines d’un événement.
  3. Pendant la semaine de combat, les poids sont contrôlés quotidiennement. La gravité spécifique de l’urine sera également vérifiée le jour suivant l’arrivée et 3 heures avant l’événement. Les athlètes doivent peser dans les limites de leur catégorie de poids et réussir les tests d’hydratation par gravité spécifique toute la semaine et jusqu’à 3 heures avant l’événement. Si un athlète tombe en dehors de sa catégorie de poids ou échoue à un test, il est disqualifié. Les médecins peuvent demander des tests supplémentaires.
  4. Les combats “catch weight” (entre deux poids) sont autorisés. Cependant, l’athlète le plus lourd ne doit pas l’être de plus de 105% du poids de son adversaire.
  5. ONE effectuera des contrôles de poids aléatoires sur les athlètes.
  6. Les athlètes peuvent demander à changer de catégorie de poids en dehors de la zone de compétition de 8 semaines et doivent être dans leur nouveau poids souhaité à ce moment-là. En outre, les athlètes doivent passer un test urinaire de gravité spécifique lorsque leur poids se situe dans les limites de la nouvelle catégorie de poids demandée. Les médecins de ONE peuvent demander des tests supplémentaires pour déterminer la quantité de perte de poids autorisée sur une période donnée.
  7. L’utilisation de perfusions à des fins de réhydratation n’est pas autorisée.

Additionnellement, les combattants doivent être dans les clous dans la période des 8 semaines précédant le combat, avec une possibilité de dépassement de poids dans une limite prédéfinie:

  • 3 semaines jusqu’au combat: L’athlète doit être sous la limite du poids de sa classe contractuelle
  • 4 semaines: 1.5% au-dessus du poids maximum
  • 5 semaines: 3%
  • 6 semaines: 4.5%
  • 7 semaines: 6%
  • 8 semaines: +6% au dessus du poids maximum

(Le médecin en chef de ONE peut approuver jusqu’à +/- 0,5 % d’erreur dans tout contrôle hebdomadaire du poids). (Source: Bloody Elbow)

Pour faire court, ONE choisit de prendre une approche qui favorise le poids réel des athlètes. Ces derniers sont forcés de combattre plus proche de leur poids naturel, ce qui éloigne les dangers de la sèche, et égalise le niveau de compétition en mettant de côté les aléas du “weight-cutting”.

Ca parait pas mal en théorie, mais qu’est ce que les combattants en pensent?

Image promotionnelle listant les catégories de poids de la promotion ONE Championship
(Source: ONE Championship)

Le système de pesée chez ONE: L’avis des pros

Est ce que le système marche? Le meilleur moyen d’en savoir plus est d’interroger les premiers concernés, à savoir les combattants et en particulier ceux qui ont fait l’expérience des deux systèmes au plus haut niveau.

Ben Askren et Demetrious “Mighty Mouse” Johnson ont été au centre du premier échange du monde du MMA en 2018, lorsque Johnson a quitté l’UFC pour partir chez ONE, contre Askren qui a fait le chemin inverse. Après sa transition pour ONE, Mighty Mouse a témoigné de sa préférence pour le système de pesée de sa nouvelle promotion:

“Je pèse 63 kilos au quotidien. Maintenant, couper jusqu’à 61 kilos en restant complètement hydraté est assez facile.”

(Source: Asian MMA)

Ben Askren, qui a combattu chez ONE entre 2013 et 2017, expliquait une expérience similaire durant son règne de champion:

“En gros, tout le monde est monté d’une catégorie de poids. Donc, j’étais le champion poids welter et je le suis toujours, c’est juste que la catégorie de poids est différente. (…) C’est fantastique.

La semaine du combat, je commençais normalement à 83 kilos et je descendais à 77, avant de m’hydrater à nouveau. Mais maintenant, je n’ai pas à faire ce processus de réhydratation et je garde exactement la même carrure. C’est beaucoup plus sûr.”

(Source: The Body Lock)

John Lineker est un autre ancien de l’UFC ayant fait la transition vers ONE. Après 7 ans passés entre les poids coq et mouche à l’UFC, le Brésilien s’est exprimé sur les difficultés liées au “weight cutting” pendant sa carrière:

“J’ai été malheureux pendant tout mon temps à l’UFC, même si ce n’était pas de leur faute. J’étais malheureux à chaque fois que je pensais au weight cutting. J’ai tout essayé! Je faisais des régimes extrêmes juste pour ne pas avoir à endurer un sauna ou une baignoire bouillante. (…) Je n’y arrivais tout simplement pas, à tel point que j’ai été écarté de l’UFC (bien que je ne leur en veuille pas) et que j’ai cru que c’était la fin de ma carrière.”

(Source: MMA Junkie)

Les avantages de l’approche prise par ONE ont été partagés par de nombreuses personnalités du MMA, au-delà des combattants eux-mêmes. Joe Rogan, le commentateur historique de l’UFC, en a parlé à plusieurs reprises sur son podcast, faisant les louanges d’un système qu’il considère supérieur.

“C’est la bonne façon de faire. Nous aurions dû le faire il y a longtemps à l’UFC, je le pense vraiment.”

Rogan insiste également sur les conséquences des “weight cut” ratées sur les combattants, leurs performances et leurs carrières:

“Elles gâchent des galas et, plus important encore, je pense ont poussé les combattants à se battre en dessous de leur plein potentiel. Combien de boxeurs ont été frappés alors qu’ils n’auraient pas dû l’être? S’ils n’avaient pas eu à se remettre de leur sèche, qui sait ? Peut-être qu’il y a des coups que vous avez mangé que vous n’auriez pas dû. Surtout pour certains gars qui ont perdu du poids de manière brutale.”

(Source: Joe Rogan MMA Podcast #64 w/Khalil Rountree)

Le consensus semble positif, mais le système n’est pas parfait et il serait naïf de prétendre autrement.

Revers de la médaille et conclusion

Tout n’est pas idéal dans le système adopté par ONE Championship, et certaines zones d’ombre persistent.

Il est important de noter par exemple que la promotion asiatique gère elle-même les pesées des combattants en huis-clos, ainsi que les régulations auxquelles ces derniers doivent faire face. Le tout est organisé de manière beaucoup plus confidentielle qu’avec l’UFC par exemple.

Cette absence de transparence est un point souvent soulevé par les détracteurs de la promotion asiatique, à une époque où le public est habitué avec l’UFC à une communication et des mesures moins opaques depuis plusieurs années: Pesées publiques, tests anti-dopages par l’USADA (;’agence anti-dopage des US), etc.

Le logo de l’agence anti dopage Américaine (USA) avec le logo de l’UFC dans le cadre de leur partenariat
Source: Middle Easy

Niveau prévention et pour les plus sceptiques qui considèrent que la triche existera toujours, on peut aussi considérer que les conséquences d’une pesée “falsifiée” pourraient être encore plus dramatiques dans un système où les combattants peuvent être pesés jusqu’à 3H avant le combat.

En conclusion, le système adopté par ONE n’est peut être pas parfait, et a surement des failles. Mais l’approche est novatrice et mérite d’être suivie de prêt, dans l’optique de toujours faire avancer le MMA avec la santé des athlètes à l’esprit.

--

--

Thierry Maout

Jack of all trades, master of some. Japan-based, I write about tech, business, MMA and education. Mostly in English, but sometimes in French too.