Dernière lettre à ma blonde qui est en Afrique

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readJul 2, 2016

Hey ma Louve,

J’avais besoin de t’écrire parce qu’après bientôt trois mois sans toi, j’capote.
Big time. J’suis plus capable. C’est trop dur.

J’m’excuse, mais j’abandonne.

J’abandonne ces promesses folles qu’on s’était faites d’attendre. C’est impossible anyway. Tu le sais, je le sais. On sait tous les deux que malgré tout l’amour qu’on se portait, on ne pouvait pas continuer comme ça.

La distance, ça ne nous fait pas.

Ça fait que… j’m’en viens.

Oui. T’as bien lu mon ange.

J’m’en viens.

Par contre, à défaut d’avoir tous les vaccins nécessaires pour le Sénégal (que t’as reçus comme une boss by the way) on doit se rejoindre au Portugal.

Je me doute fort bien que tu vas détester être obligée d’endurer les plages, la mer, le bon vin et le bon temps ! Par contre, blague à part, c’est intense de vivre sans toi. Ça fait que… j’risque d’être changé.

Pas du tout au tout, mais juste un peu. On a bien beau se le répéter pendant 102 jours pour nous convaincre, mais 102 jours… c’est éternel. J’ai calculé l’autre fois, pis du haut de mes 24 ans, ça fera 8855 jours que je suis sur Terre quand on se reverra. Tsé que ça veut dire que t’es partie pendant 1,15 % de ma vie ? Ok, j’t’ai juste rencontré après 7077 jours sur notre planète, mais ça fait quand même 1503 jours qu’on sort ensemble ! Pis y’avait comme une tendance durant ses 1500 derniers jours à ne pas trop trop nous séparer pour plus d’une semaine ou deux.

Ça fait que là là, 102 jours, c’est long.

Trop long.

Trop long pour moi. Court pour un autre peut-être. À chaque voyageur sa manière de voir les distances et surtout, de les vivre.

Anyway, peu importe les jours, tout ça c’est relatif. Pis parlant de relativité, autant bien citer Einstein dans ma dernière lettre :

“When you are courting a nice girl an hour seems like a second. When you sit on a red-hot cinder a second seems like an hour. That’s relativity.” (voir b.d.p. pour trad.)

- Albert Einstein

Tu vois, c’est ça le problème ma Louve. Ça m’a semblé éternel et court à la fois. Comme si, je m’étais réfugié dans le travail pour fuir l’ennui. Ça n’a pas fonctionné, parce que 100 jours plus tard, le travail m’ennuie et l’ennui me travaille. Je pars là, mais ça m’a tenté d’y aller avant !

Oh que ça m’a tenté. Sérieux, imagine ta face si un matin, en te levant d’en-dessous de ton filet, tu m’avais vu rentrer dans ta chambre avec un café Baileys, un muffin double-chocolat, des nouveaux bas pis du linge propre en chantant Journée d’Amérique de Richard Séguin. On s’entend, t’aurais capoté avec raison (#WTF?), mais après ta crise d’asthme, toi aussi t’aurais été contente.

Je sais mon chat… On s’était dit que non. On n’avait pas le droit anyway.

Puis, après tout, il doit bien y avoir des milliards de couple avant nous qui sont passés au travers eux aussi !

Mais quand j’avais personne à qui parler de mes dilemmes moraux le soir, personne sur qui me coller la nuit quand j’rêve à des zombies, personne à gosser le matin avec mes 65 nouveaux projets d’affaires et mes 3 résolutions de vie, personne à qui dire “je t’aime”… j’avais le goût d’remplir mon backpack pis d’faire f*ck les règles.

M’a te le dire, les règles, c’est poche.

J’aime pu ça les règles.

J’aime pu ça attendre.

J’aime pas ça vivre sans toi.

Mais toé j’t’aime. Big time.

Ça fait que drop tes 3 tonnes de médicaments dans une ONG pis bourre ta valise de paréos. On s’rejoint à Lisbonne.

J’vais arriver d’avance pour la finale de l’Euro pis pour apprendre 2–3 phrases en portugais question de faire mon show-off.

Non… j’ai pas changé ;) T’inquiète pas, rien n’a changé.

On aura encore l’air de ça. Attends-moi, j’arrive.

1. « Placez votre main sur un poêle une minute et ça vous semble durer une heure. Asseyez-vous auprès d’une jolie fille une heure et ça vous semble durer une minute. C’est ça la relativité. » (trad.)

2. crédit photo en-tête : Felix Russell-Saw

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