Grands voyageurs, je vous déteste

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readJan 2, 2016

Dans votre entourage, vous avez assurément deux ou trois personnes qui sont toujours en mouvement. Du genre de celles qui vont faire une session d’étude à Barcelone, pis qui décident de rester plus longtemps et pourquoi pas, choisissent d’étendre leur voyage sur un an, de façon à faire le tour de l’Europe pis de passer par l’Indonésie au retour. Screw le reste de leurs engagements, elles font un petit détour, toé.

Bien ces gens-là, je les déteste. Ces gens-là, ils me font du mal, parce qu’ils osent et font ce que moi, je n’ose pas faire.

La philosophie de Monsieur & Madame Tout-le-monde

Sur notre blogue, on se donne la mission de respecter tous les types de voyages et tous les profils de voyageurs. On encourage les gens à partir pour n’importe quelle période, tant que ça fait leur affaire! Moi, aujourd’hui, je choisis de me questionner à propos des nomades endurcis.

Quand l’envie frôle la folie

J’ai choisi de me diriger vers le marché du travail après mes études. Certains diront que ça va de soi, eh bien je suis d’avis que non, justement. Les grands voyageurs dont je vous parle, eux, ils se sont envolée pour Melbourne ou Santiago à la fin de leur baccalauréat.

Moi, j’ai commencé à vivre de façon autonome il y a quelques mois. Papa et maman ne m’aident plus. Je travaille à temps plein, j’habite dans un appartement très modeste et je ne vis pas dans l’excès. Je n’ai pas le câble, pas d’auto, et mon timide iPhone 4 est tout brisé. Pourtant, malgré tout ça, j’arrive serré.

Et là, tout le monde me parle de sécurité financière (et c’est bien correct, là) : on me dit que je devrais penser à m’acheter une voiture ou à mettre des sous de côté pour une peut-être future maison, alors qu’à la fin de chaque mois j’arrive bien flush. As-tu un CELI? Fuck. J’ai pas de CELI.

Si j’ose dire que ce dont je rêve, c’est d’aller m’établir au Panama pendant quelque temps pour voir ce que c’est que de faire pousser des avocats dans mon jardin, on me regarde comme si j’étais folle. Et au fond, je dois bien l’être, folle. Je frise littéralement la folie, peu importe où je me place. Si je refuse de vivre dès maintenant une routine d’adulte, on m’observe et on chuchote que ça va passer, que ça n’a pas de sens, que c’est très imprudent. Or, si j’accepte de le faire et de suivre le cours “normal” des choses, c’est moi qui va virer folle.

Mon avenir est tracé dans le domaine de la folie, c’est toujours bien ça. :P

N’empêche, je la vis, là, la vie de sédentaire. J’ai accepté une formule, pis c’est pas facile. Par contre, voulez-vous bien me dire pourquoi ce serait plus facile en Thaïlande? J’ai de la difficulté à y croire.

Utopique, le tour du monde prolongé?

Sérieusement. Avouez-le. Quand on regarde les photos de ces gens qui voyagent à la Bruno Blanchet, nos pensées défilent à la vitesse de la lumière. On est assis bien pénards dans notre lazy-boy et on analyse leur vie de A à Z : où trouvent-ils leur argent? Ils n’ont pas de job? Ils doivent s’ennuyer de leur famille. Ils n’ont pas peur de déprimer à leur retour? Ça va clairement leur retomber dans la face. Qui peut sérieusement voyager comme ça?

La vérité, c’est que des gens l’adoptent, ce mode de vie. Oui, certains s’en sortent même très bien. Eh bien à ces gens là, je lance un cri du cœur. Parlez-nous du vrai. Le beau, on le voit sur Facebook et sur Instagram. Le vrai, lui, on en parle moins. Et nous, Monsieur ou Madame Tout-le-monde, qui sommes peut-être un peu plus hésitants ou trop prudents, c’est ça qu’on veut. Parce que quelque chose qui semble trop parfait, ça fait vraiment peur. On se dit : il doit bien y avoir une « crosse quelque part ».

J’ai donc menti.
Je ne vous déteste pas, grands voyageurs. Je vous envie. Mais au fond, je ne sais pas trop pourquoi, car votre train de vie semble si loin de la réalité. L’est-il réellement?

Photos : StockSnap

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