Je reviens de voyage, pis ça va moyen…

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readAug 6, 2016

Passer plusieurs mois à l’étranger, ça ne change pas le monde, mais ô que ça te brasse le dedans.

Quand tu te retrouves à la fois face à toi même et face à une autre partie du monde, t’en vis des affaires. T’apprends à te faire confiance et à faire confiance. T’apprends à te respecter et à écouter tes besoins. Tu deviens un peu plus proche de ton humanité et de l’humanité dans son ensemble. Tu te rapproches de tes émotions, tu replaces tes priorités et tu réévalues l’ensemble de tes valeurs.

J’dis pas que mon séjour en Afrique de l’Ouest m’a transformée du tout au tout, mais il a certainement chamboulé certains trucs en moi.

C’est comme si mes souvenirs, mes points de repères et mes émotions avaient tous subi une bonne séance de Feng shui. C’est beau, c’est positif et ce sera probablement merveilleux et confortable pour mon avenir, mais pour l’instant, j’ai bien de la difficulté à m’habituer à toute cette belle et nouvelle énergie.

Et mon entourage aussi. J’pense.

J’pense, parce qu’on n’en parle pas. Ou à peine. Ou probablement moins que j’aurais voulu…

On m’a dit que le retour serait difficile. On m’a dit que j’allais vivre un choc en revenant au Québec. Que j’allais me sentir déconnectée, que j’allais avoir du mal à reprendre mon rythme de vie, que mon entourage n’allait peut-être pas bien saisir toute la complexité et la richesse de mon expérience…

Oui. Oui. Oui et oui.

J’suis bien. J’suis contente de revoir ma belle province, de plonger dans les eaux de la rivière Saint-Maurice, de boire une bonne bière sur une terrasse, de faire mon yoga avec le bruissement des feuilles en background

Mais j’suis déconnectée, c’est vrai.

Lorsque j’ai de belles discussions avec mes amis, j’ai toujours envie de renchérir sur le sujet en disant : « Ça me fait penser au Sénégal! Saviez-vous que… ». Ou j’ai envie de leur parler de ma famille sénégalaise, de ma grande sœur, de mon voisin, de la petite Marie-Sylvie, de cette fois où j’suis allée au marché avec ma maman… Ou de cette fois où j’ai assisté au sacrifice d’une chèvre. Ou du jour où j’ai vu le plus beau des baobabs.

Mais je me tais. Je me fais violence pour ne pas embêter les gens avec mes histoires, parce qu’ils ne posent pas tellement de questions, parce que ça les intéresse moins (et c’est normal!) que ce qui se passe ici, maintenant, dans un monde et un décor qu’ils connaissent. Je me tais, parce que je veux me prouver que je suis capable de revenir. Je ne veux pas être coincée quelque part entre ici et l’Afrique de l’Ouest. Je me tais, parce que je pourrais parler de mon expérience pendant des heures, et ce serait beaucoup trop pénible tout le monde.

Je me tais, mais il y a quelque chose de frustrant et de bizarre dans le fait de ne pas parler des trois derniers mois. C’est étrange de faire comme s’ils n’existaient pas. Pourtant, c’est un peu ce que mon entourage ressent. « C’est comme si tu étais partie hier! », qu’on me dit.

Peut-être que ça donne cette impression, c’est vrai.

Mais vous n’avez pas idée comme je le sais que j’ai été partie 100 jours. Je revois mes matinées, mes journées au travail, mes repas, mes tâches quotidiennes. Je revois la chaleur, le sable, le soleil, les arbres. Je peux encore entendre les appels à la prière, les animaux, les enfants, le wolof…

Mais maintenant, toutes ces images se mélangent à celles du Québec.

C’est beau, mais le clash est immense.

Pardonnez-moi si j’ai parfois l’air perdu.

Pardonnez-moi si je ne suis pas toujours présente à 100 %.

Pardonnez-moi si je vous parle souvent du Sénégal.

C’est qu’il fait partie de moi maintenant…

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