L’étranger

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
2 min readFeb 25, 2016

J’ai toujours pensé qu’il devait être difficile d’être immigrant, d’être étranger. Je porte à ces femmes, ces hommes et ces enfants un respect sans bornes. S’ils quittent souvent la guerre, la peur, la précarité, la famine et mille autres malheurs, s’ils peuvent espérer un avenir meilleur en allant vivre ailleurs, il n’en demeure pas moins difficile de refaire sa vie dans un pays où tout est différent. Or, depuis que je suis au Bénin, j’ai souvent une pensée pour ces étrangers. Parce qu’ici, c’est moi, l’étrangère.

Non, bien sûr, je n’oserais jamais comparer ma situation à celle d’un réfugié syrien fraîchement débarqué au Canada, sans le sou, sans vêtement, sans rien. Mon séjour en sol africain n’est que temporaire. Mon passeport demeure celui d’une Canadienne. Je suis étrangère, mais de passage seulement. J’ai un billet de retour, un chez-moi et des gens qui m’attendent.

Or, j’ose dire que je le comprends un peu mieux maintenant, ce réfugié. Et que je lui lève mon chapeau! Je suis née, j’ai grandi au Québec, dans une société somme toute libérale, émancipée, plutôt égalitaire. Le monde qui m’entoure, les situations que je vis, je les perçois à travers les yeux d’une québécoise, avec les valeurs qu’on m’a enseignées. À 31 ans, mes notions du bien et du mal, du vrai et du faux, sont relativement bien ancrées… Et si elles font sens chez moi, ce n’est pas toujours le cas ailleurs.

Lorsque tu quittes la maison, que tu sors du pays, que tu pars voir ou vivre ailleurs, il faut s’avoir t’adapter. Combien de fois le répète-t-on à l’immigrant qui vient s’installer chez nous? « Tu n’es pas chez toi ici… Tu dois faire comme nous. Tu dois devenir comme nous. » C’est si facile à dire… Comme si on pouvait laisser nos valeurs, nos coutumes, notre culture derrière nous, quelque part dans l’avion, à l’aéroport, sur le tarmac.

On ne devient pas quelqu’un d’autre en franchissant une frontière, un poste de douanes. Je ne connais personne qui accepterait pareil sacrifice. Or, pourquoi le demande-t-on à l’étranger qui vient chez nous? S’adapter, s’intégrer, oui. Mais il faut savoir donner du temps, faire preuve d’un peu de flexibilité, d’amour surtout. Parce que c’est toujours difficile d’être l’étranger.

Même lorsqu’on est simple voyageur, il y a, dans nos bagages, bien plus que des pantalons, des bobettes et des t-shirts… Il y a toutes les normes qu’on a apprises, acquises, assimilées, et ce, depuis tout petits… L’adaptation à un nouveau pays demande temps, patience, humilité. Par moments, je trouve ça terriblement difficile. J’ai l’impression d’avoir atteint mes limites, de ne pas pouvoir les dépasser. Et, bien sûr, je me compare non pas à ceux qui restent dans le confort de leur salon, mais à tous ces grands voyageurs qui réussissent tellement mieux que moi! Dur, dur, d’être étrangère…

Crédits photos : Émilie Bourque-Bélanger (bateau et temple bouddhiste)

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