La Gaspésie, les homards et l’été

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
2 min readApr 30, 2016

3h du mat. Il fait noir. Il fait frette. Il pleut un peu. Il pourrait aussi bien neiger. C’est le mois d’avril en Gaspésie, t’sais… Il reste de la neige dans le bois. Mais non, je ne suis pas hangover de la veille ou en train de manger une poutine post-cuite. Qu’est-ce que je fais debout? Ben, je suis Gaspésienne et c’est le début de la saison de pêche au homard.

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Photo de Fred Péron[/caption]

Beurk! Tu vas manger du homard si tôt le matin? Ben non, cher — patois local que j’ai adopté avec plaisir, le « cher », que tu glisses partout –, je m’en vais voir les pêcheurs partir. Parce que ton homard, mon ami de la ville, il apparaît pas comme ça, tout seul, par magie, dans ton assiette. Il pousse pas dans l’aquarium de la poissonnerie du Mile End. Il est pêché par du monde, du vrai, qui trime dur, qui se lève tôt. Petite parenthèse socio-politique : oui, c’est saisonnier, oui, c’est du monde sur le chômage l’hiver, mais je te mets au défi de la faire, leur job!

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Photo de Fred Péron[/caption]

Bref… Mon amie passe me chercher, direction la Vieille Usine de l’Anse-à-Beaufils. Personne sur la 132, ça roule! Y’a pas foule non plus sur le quai! Mais, quand même, on est une vingtaine, peut-être même un peu plus, à être venus saluer nos homardiers. Mieux encore, comme chaque année, le curé du coin y est pour célébrer une messe. C’est magnifique de le voir et de l’entendre du haut du balcon de la Vieille Usine. Imaginez : un Africain avec une tuque, des mitaines, un foulard, bien réveillé mais un peu congelé, qui nous sort des paraboles avec des bateaux, des pêcheurs, et tout le tralala. Mais il le fait avec poésie et humour. C’est cool. Puis il descend avec ses branches de sapin et arrose… euh bénit… les équipages.

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Photo de Fred Péron[/caption]

Ça a quelque chose de vieillot, de rustique. Comme si on revenait « dans le bon vieux temps ». Comme s’il y avait un petit bout de chez nous, de la Gaspésie, qui restait artisanal, figé dans le temps. Ici, on vit encore au gré des saisons. Quand les bateaux sortent au printemps, on se dit : « Yes, du homard! » Mais, surtout : « L’été s’en vient! » Et l’été, en Gaspésie, c’est les feux de plage, les festivals, les soirées avec les amis, les sorties chez Pit Caribou, les promenades en forêt. L’été, on revit!

Alors oui, je me lève à 3h du mat pour les homardiers. Pour le déjeuner communautaire de la Vieille Usine. Mais surtout je me lève pour accueillir l’été. Pour lui dire : « Eille, viens-t’en, j’ai hâte! Je me suis ennuyée de toi. »

Note : Les merveilleuses photos qui accompagnent ce texte ont été prises par un talentueux ami photographe, chasseur d’aurores. Merci Fred Péron!

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