La route du choc culturel

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readApr 26, 2016

Mon choc culturel sénégalais, je le vis un peu chaque jour. Or, il n’a rien à voir avec la langue ou les poissons entiers qui se retrouvent dans mon assiette. Je ne le vis absolument pas à la maison, bien que je doive parfois chasser les poulets de ma chambre ou les sortir de la salle de bain. Mon choc culturel ne se pointe pas non plus sous l’eau froide de la douche ou au gré des appels à la prière. Non.

Je le vis plutôt sur le chemin vers le boulot, soit lorsque j’emprunte à pied la fameuse route nationale du Sénégal. Disons qu’à elle seule, elle est assez puissante pour déstabiliser n’importe quel occidental !

Loin de la Sainte-Catherine !

Cette fameuse route nationale relie Thiès à plusieurs autres villes importantes du pays, dont Dakar et Saint-Louis. Elle est pavée, large et bien entretenue. Des milliers de gens l’empruntent donc chaque jour. Lors des weekends, elle devient un véritable enfer !

Et moi, eh bien je dois la suivre pour me rendre au travail. Et c’est pas de tout repos.

Un cocktail d’éléments

Le matin, je m’en sors plutôt bien. Il ne fait pas encore très chaud et les Thiessois sont relativement calmes. La ville se réveille tranquillement.

C’est plutôt au retour, vers 17h30, que ça explose.

J’ai alors ma journée dans le corps et je dois littéralement me battre contre la force des éléments.

Il y a d’abord le sable.

Le sable, il est partout. L’Harmattan, ce vent chaud et sec, le soulève du sol et le dépose systématiquement dans tous mes orifices. Mes yeux se mettent alors à piquer et mon nez se met à couler. À lui seul, le sable, il serait peut-être tolérable. Or, lorsqu’il s’allie avec les déchets, l’odeur des voitures et les moustiques, il devient une arme suprême. D’après moi, c’est ce cocktail qui a servi à forger l’anneau de Sauron. J’dis ça d’même.

Ensuite, il y a le bruit.

Le bruit, il est causé par les klaxons — qui défilent à une vitesse de 800 coups par minutes, les moteurs, les sabots des chevaux et la musique des motocyclettes. Parce que oui, les mobylettes de ce monde se mettent sur hautparleurs et divertissent la rue au complet.

Puis, il y a la proximité.

La proximité des voitures, des vendeurs, des chiens, des enfants, des joggeurs, des vélos, des autobus, des camions de transport, des mendiants… Si mon copain me voyait marcher sur cette route, j’vous jure, il me dirait de changer de chemin.

Finalement, il y a l’humain. L’Homme avec un grand H. Oui. J’ose.

Dans toute ça splendeur, il me lance des « bonjour ma chérie ! » ou des « donne-moi 500 francs » ou encore des « Hey, Toubab, tu vas où comme ça ?! ».

Parfois je souris et parfois j’évite le regard de tous ceux que je croise. J’ai aussi souvent une forte envie de leur balancer ma bouteille d’eau à la figure ou encore de passer inaperçue quelque temps et de renier ma peau blanche et terne.

Or, au final, je m’en sors toujours. Je reviens à la maison, je saute sous la douche froide et lorsque j’aperçois Alfred le poulet glisser dans une flaque d’eau, je souris et je me rappelle que l’Afrique peut nous déranger, mais elle peut aussi nous charmer.

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