L’appel du Monokini

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readApr 5, 2016

À Hvar, le soleil brille plus de 300 jours par année. Il permet ainsi à l’île croate de se glisser au top du palmarès des endroits les plus ensoleillés d’Europe. Les touristes, venus des quatre coins du continent, envahissent les plages de ce petit paradis méditerranéen et font le plein de vitamine D dès les premières lueurs du printemps.

L’eau est bonne, le vent est chaud, l’air sent la lavande, les corps sont bronzés, et les seins sont en liberté.

Oui. Je vous ai bien dit que Hvar était un petit paradis.

Pas de cachettes!

Quand on se retrouve sur une plage européenne, Félix et moi, ça paraît immédiatement qu’on n’est pas de la place. On est plus blêmes que tout le monde, on ne parle pas la langue du coin, on s’écrase directement dans le sable pour éviter de payer pour une chaise longue, et nos serviettes ultra-pliables proviennent de chez Mountain Equipment Coop.

La beauté de la chose, c’est que des touristes, ça attire inévitablement d’autres touristes.

C’est donc ici qu’entre en scène Lisa, une jeune anglaise tatouée, percée et très colorée. Elle s’assoie près de nous et nous raconte la nuit qu’elle a passée sur la plage et combien c’était magnifique. « Why would I pay for a hostel when I can have a perfect night under the stars for free? »

Well. Y’a deux ou trois raisons qui me viennent en tête, mais go on girl. J’aime ta vibe. Parle, parle. Jase, jase. Elle est sweet. On fait connaissance. On lui raconte le traditionnel d’où on vient, ce qu’on fait dans la vie, quels pays on a visités jusqu’à présent, etc. Finalement, la vie sur la plage n’est pas si loin de la vie dans les auberges de jeunesse.

À une différence près. Lisa ne portait pas de haut de maillot. Pendant de longues minutes, elle nous a fait la conversation. Elle mangeait ses fruits, elle gossait dans le sable, elle admirait la mer, et Félix faisait bien attention pour la regarder dans les yeux.

J’étais conquise. Je la trouvais audacieuse et ravissante.

« J’veux le faire moi aussi », que j’ai dit.

Ça ne change pas le monde, sauf que…

Lisa n’était qu’un poisson dans l’océan. Sur les plages, il y avait des seins partout. Des gros, des petits, des blancs, des noirs, des pointus, des jeunes, des vieux… Et tout le monde s’en foutait.

Alors j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai amorcé mon move. J’ai pris le temps de me mettre un peu de crème solaire sous le maillot, puis je l’ai détaché. J’ai commencé par me faire bronzer sur le ventre, tsé, pour m’acclimater à mon nouvel état, puis je me suis retournée.

« Peuple de Hvar, y’a deux nouveaux joueurs dans la course ! »

Pis là bien… y s’est rien passé. La Terre a continué de tourner et le soleil a continué de briller. Y’a peut-être deux ou trois touristes qui m’ont lancé un regard en biais, mais bon, j’avais 23 ans et un bon bonnet. Tant mieux pour eux !

Et tant mieux pour moi, parce que j’ai pris ma liberté en main. Lorsque l’être humain quitte son nid douillet et le confort de ses habitudes, il se permet parfois d’oser davantage. Il se laisse aller. J’suis fière de l’avoir fait et de ne pas avoir contribué à cette manie qu’on a de permettre aux seins des hommes de se promener à l’air libre, mais de percevoir le monokini féminin comme un geste indécent et sexuel.

Merci, Croatie. Tu m’auras ouvert l’esprit et… le maillot.

Note : La fille sur la première photo… ce n’est pas moi.

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