Lettre à mon chum qui est resté au Québec

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readJul 21, 2016

Tu m’as dit que même sans y avoir mis les pieds, tu aimais bien l’Afrique.
Oui, je sais que tu l’aimerais profondément si tu la rencontrais.
Et moi, j’aurais vraiment aimé te la présenter.

J’aurais aimé te faire sentir les odeurs de cette grande et belle région.

J’aurais aimé te voir chasser les poulets et nourrir le mouton.

J’aurais aimé te voir marcher dans le sable fin et lourd à la fois.

J’aurais aimé te voir grimacer en buvant du café Touba.

J’aurais aimé t’avoir à mes côtés lorsque j’allais jogger au milieu des baobabs et des palmiers.

J’aurais aimé qu’on partage un bon gros thieuboudien et pourquoi pas un mafé ?

J’aurais aimé te voir discuter de religion, de jeunesse et d’éducation avec Nancy.

J’aurais aimé que tu vives avec moi les grandes chaleurs et les premières pluies.

J’aurais aimé te voir jouer au foot avec les enfants du quartier.

J’aurais aimé qu’on se tanne ensemble du café instantané.

J’aurais aimé que tu te scandalises avec moi devant les déchets et les animaux errants.

J’aurais aimé qu’on pratique ensemble notre wolof et qu’on se décourage en rigolant.

J’aurais aimé te présenter Charlotte la tannante, qui s’esclaffe toujours pour un rien.

J’aurais aimé te voir jaser de politique avec Narcisse avant qu’il parte en mission bien loin.

J’aurais aimé t’amener prendre le thé chez Chantal, Guy et les enfants.

J’aurais aimé qu’on se réveille ensemble lorsque la prière se fait entendre au soleil levant.

Oui, j’aurais aimé t’avoir près de moi.

Tu vois, c’est que je suis convaincue que tu aurais aimé vivre au Sénégal pour quelque temps. Je sais que tu te serais senti à ta place dans cette nation où on salue tout le monde et où même les enfants tendent constamment la main.

Je sais que les voyages en solo apportent leurs lots de bons côtés et qu’ils nous font extrêmement grandir. Chaque jour, en Afrique, je me suis découverte un peu plus et j’ai développé ma confiance en moi. J’ai appris à vivre avec mes peurs et mes faiblesses, mais aussi avec mes forces et mes envies. Seule, j’ai vécu des expériences uniques et bien différentes de celles que j’aurais vécues si j’avais été accompagnée.

Par contre, la solitude amène aussi un peu de morosité, de grisaille et de craintes.

C’est que vois-tu, il y a des choses que je ne peux pas te décrire et des émotions que je n’arrive pas à te partager. Et ce qui est merveilleux et horrible à la fois, c’est que je suis prise avec mes souvenirs. Ils m’appartiennent. Ils me suivront toute ma vie et font dorénavant partie de moi, de la Midorie d’aujourd’hui.

C’est ce qui fait que maintenant, je crois sincèrement qu’il est bien plus satisfaisant de partager des souvenirs communs que de se partager le contenu de nos journaux de voyage.

Certes, on ne peut pas traîner toute notre famille chaque fois qu’on part à l’aventure. On ne peut pas glisser notre meilleur ami dans notre valise, ou encore se faire accompagner par notre grand-mère bien aimée.

Or, on a la chance de pouvoir raconter des histoires.

Alors attache ta tuque mon homme, j’en ai pour les 360 prochains soirs.

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