Ma musique

Kigali, 3 mars 2016

La musique. Celle qui fait tellement du bien quand on a les blues. Celle qu’on écoute dans la voiture, au bureau, avec des amis, en allant faire son jogging. Oui, oui, celle-là même que tu écoutes en lisant ses lignes et en te demandant quel peut bien être le lien de ce texte avec le Voyage. Ou peut-être sais-tu pertinemment que la musique a tout à faire avec les voyages, parce qu’elle-même voyage partout. La preuve, quand je dis que je suis Québécoise, au Rwanda, on me répond automatiquement avec l’onomatopée suivante « celinedion ». L’autre preuve, quand j’entends la musique de Corneille passer dans un bar, je deviens excitée comme une puce et j’annonce fièrement à qui veut bien l’entendre qu’il est aussi Québécois que Rwandais.

J’étais avec un ami, hier soir, et on jouait au Skip-bo en écoutant Jean Leloup. Je lui ai fait écouter la chanson Le Dôme et il m’a lancé un regard démontrant un curieux scepticisme intéressé envers l’univers onirique de mon chouchou #1. Pour le convaincre de son talent infini, on a ensuite écouté l’album La vallée des réputations au complet pour nous rendre compte que grosso modo presque chaque toune sur cet album nous racontait une histoire. L’histoire du mec qui va en prison et qui attend sa blonde, l’histoire d’un road-trip, l’histoire d’un mec qui se promène avec des idées noires dans sa tête, l’histoire du capitaine dans l’armée qui regrette toutes les morts qu’il a provoquées. Puis, je me suis rendu compte qu’à force d’avoir écouté ces chansons, elles racontaient aussi mon histoire. C’est ça, aussi, les voyages, partager notre musique, celle qui nous fait du bien quand on s’ennuie de notre belle rue St-Jean.

Quand j’écoute Of Monsters and Men, comme en ce moment, je pense à cette fois-là où, avec Marie, Alex et Yonas, on a traversé une partie de l’Éthiopie dans une voiture en laissant l’album tourner en boucle pendant au moins cinq bonnes heures. Je me rappelle ce magnifique coucher de soleil sur la plaine, je me rappelle cette expédition dans le parc national d’Awash où nous avons vu cette tortue géante qui devait bien être âgée de mille ans, je me rappelle ces incessant arrêts-pipi sur le côté d’une route sans buissons. Je me rappelle aussi cette discussion pendant laquelle mon nouvel ami Yonas m’a raconté qu’il était un berger quand il était petit. Je me rappelle surtout comment j’avais été émue par son histoire, me racontant dans un anglais parfait qu’il avait finalement réussi à convaincre ses parents à l’âge de 17 ans d’aller à l’école, 10 ans plus tôt, et qu’après lui, toute la fratrie avait été autorisée à s’y inscrire. Quand j’écoute Of Monsters and Men, comme en ce moment, je me dis que je n’en aurai jamais assez, de cette vie où chaque personne possède une musique pour raconter son histoire.

Moi, c’est Jean Leloup et Harmonium que je fais écouter aux personnes que je rencontre en voyage pour leur raconter le Québec. Et toi?

P.S. Oui, mon ami burundais a adoré “La vallée des réputations”.