Mettre des images sur la peur

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readJul 15, 2016

« Et tu as peur qu’il y ait des attentats ? »

C’est ce que tout le monde me demandait avant que je parte pour l’Afrique de l’Ouest. Il faut les comprendre : en quelques mois seulement, il y avait eu Paris, Ouagadougou, puis Grand Bassam. Les événements tragiques se multipliaient et Daech continuait d’occuper tout l’espace médiatique.

« Oh, vous savez, je ne peux pas m’enfermer chez moi et espérer que ça passe. Si je fais ça, je vais attendre bien trop longtemps ! »

C’est ce que j’ai dit à mon parrain et à ma marraine alors qu’ils me questionnaient à ce propos le 22 mars dernier. Ils m’ont dit que j’avais bien raison et ils m’ont semée d’être tout de même prudente.

Puis, le lendemain matin, comme tout le reste de la planète, j’ai reçu un coup de masse en pleine face. La Belgique, avait été la cible de deux attentats dégueulasses et barbares. Encore. Encore un attentat. Et Dakar qui était sur la liste noire…

« QUOI?! Tu as une escale à Bruxelles ET tu t’en vas au Sénégal? Shit. Tu pars vraiment, là? Tu ne changes pas d’idée? »

En plein les mots qu’on rêve d’entendre avant un départ.

Bin non, je ne change pas d’idée. Mais je pars en étant beaucoup plus stressée!

C’est un drôle de sentiment que de se dire qu’on se rend sur les lieux d’un grave événement. Je m’en voulais de ne pas avoir choisi Air Maroc au lieu de Brussels Airlines. Dans ma tête, alors que j’attendais mon vol à l’aéroport Pierre Elliott Trudeau, je me dirigeais droit dans la gueule du loup.

« On m’a dit que la Belgique était une passoire… Et si un terroriste se trouvait sur mon vol et décidait de commettre un attentat à l’atterrissage à Dakar? Non mais, ça s’peut! »

J’avais l’imagination plus florissante que Stephan King. Je me torturais littéralement. Avant d’atterrir à Bruxelles, je feelais tout croche. J’voulais juste arriver à Thiès et poser mes valises.

Puis, le commandant s’est exprimé : « Chers passagers, soyez les bienvenues à Bruxelles. Il est présentement 9h05, la météo est clémente avec une température de 16 degrés Celcius et le ciel est dégagé. Nous vous souhaitons un bon séjour à Bruxelles et au plaisir de vous revoir à bord de l’un de nos avions. »

Bien voilà. J’y étais.

Je regardais à travers le hublot. J’essayais de voir je ne sais pas quoi, peut-être une pancarte qui allait me pointer le lieu où s’étaient produits les attentats (#niaiseuse). J’essayais d’apercevoir le brouhaha, les voitures de polices, les enquêteurs… J’sais pas, je tentais de me prouver que j’allais inévitablement être en contact avec la tragédie.

Mais non. Je n’ai rien vu.

Un aéroport, c’est gigantesque. J’ai réalisé, en attendant à ma gate, que s’il y avait eu un attentat dans le hall des départs à ce moment-là, je n’en aurais peut-être même pas eu connaissance. Rien ne m’indiquait qu’une catastrophe avait eu lieu quelques jours auparavant. Le soleil brillait et les Belges se faisaient aller les « s’il vous plait! ». Les employés étaient courtois et souriants. Les enfants pleuraient, les voyageurs discutaient.

Tout était ordinaire. Ça frôlait même la platitude.

Je suis donc montée à bord de mon avion pour Dakar avec confiance. Le Sénégal sera peut-être touché, mais ça ne sert à rien de m’inquiéter. De toute façon, la vie, elle va suivre son chemin. Et la routine sera toujours là pour prendre le relais.

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