Mort de peur dans un pick-up grec

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readNov 21, 2015

“Defeat the fear of death and you welcome the death of fear.”

- G. Gordon Liddy

À l’été 2015, Midorie et moi sommes partis pendant un mois en Europe de l’Est. Au même moment, à cause d’attentats et de manifestations, il y avait des risques pour les voyageurs désirant se rendre à Istanbul (#nous). Sans farce, on devait regarder les conseils du gouvernement canadien tous les jours par peur de tomber dans un piège ou de mettre notre vie en danger.
Bah moi, j’ai pas besoin de terroristes ou d’explosions pour frôler la mort.

La goutte qui fait déborder le vase

Cette journée-là, on était à Nikiti en Grèce et on se la coulait douce sur la plage pendant quelques jours parce que… Bien parce que c’est aussi ça voyager : ne rien faire. Bref, pour se payer nos petits espressos, nos sandwichs et notre unique bière de la journée, ça prend des euros.

Le truc, c’est qu’à Nikiti, y’a pas d’ATM.

Pas de stress, on est jeunes, on est en forme, on va prendre les vélos de l’auberge et on va parcourir les 5 KM qui séparent notre lit du guichet.

Le truc, c’est qu’à Nikiti, y’a sûrement pas de réparateurs de vélos non plus, parce que mon siège était mobile et ma chaîne était saoule.

Retour à la case départ après 500 mètres de souffrances sur un BMX en mauvais état. En frôlant la chicane de couple sous le soleil cuisant, on essaie de prendre le bus qui faisait probablement la siesta pour finalement se résoudre à faire du pouce. Désolé maman.

Il était une fois un gros cave

Moi, j’ai pas grandi à la campagne, ça fait que des rides de pick-up, ça m’arrivait pas souvent. Du coup, après 20 minutes à tendre le pouce sur le bord de la route dans l’espoir qu’un gentil grec nous amène jusqu’au guichet, un vieux monsieur s’arrête en pick-up. On est tout excité, mais petit bémol, le gars parle pas UN mot anglais, français ou espagnol.

Gros bémol, y’a juste une place dans son pick-up.

L’adrénaline est montée en flèche, j’ai senti mes biceps se gonfler et dans toute ma stupidité de mâle alpha, j’ai dit à Mido :

« Pas de stress honey, ton homme va aller dans boîte. »

J’ai même osé, comme un épais, taper sur le bord du pick-up quand j’étais à peine embarqué pour lui dire de décoller. Grosse erreur. Vois-tu, mon inexpérience des boîtes de pick-up m’a amené à me placer au mauvais endroit, c’est-à-dire à l’opposé de la cabine, sans rien pour me tenir et avec autant de vent dans face qu’un bulldog en parachute.

Évidemment, notre conducteur n’a pas adapté sa conduite au beau blond dans sa valise.

NOPE ! Lui, il a décidé que les limites de vitesse, c’était pour les autres, mais que les deux voies, c’était à lui.

Si j’avais pas été aussi déshydraté, j’aurais probablement fait un ti-pipi nerveux tellement j’avais peur. Le pire là-dedans, c’est que Midorie me voyait depuis la cabine, les cheveux dans le vent, mâle comme jamais, me cramponner à ce que je pouvais, pis elle se disait que j’avais l’air OK.

« OK » !? J’avais l’air « OK » ?

No way que j’étais ok.

Si on ne donnait qu’un petit coup de roue pour éviter une mouffette, moi j’prenais l’champ pis bye bye F-A.

Pas de surprise, je survis

Évidemment, si j’écris cet article, c’est qu’on est arrivés à destination avec tous les morceaux qu’on avait au départ (#pasd’bras). On a trouvé le guichet, j’ai arrêté de trembler comme une feuille au vent et là, ça m’a frappé en pleine face : faut revenir. Vous n’avez jamais vu un « pouceux » aussi picky :

« Lui y’a l’air méchant. Lui y va trop vite. Surtout pas lui, c’t’un pick-up. etc. »

On a eu nos euros, on s’est trouvé un lift sécuritaire et on a pu retourner sur la plage, mais moi, jamais plus je ne serais le même homme, parce que la ride de pick-up grec venait de changer ma vie.

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