On m’a trop bien préparée pour l’Afrique

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
4 min readMay 11, 2016

Mon stage au Sénégal est le fruit de plusieurs mois de préparation.

Lors de mes formations avec Mer et Monde, on a discuté du choc culturel, de la culture sénégalaise, du climat, de l’adaptation, de la communication interculturelle, du retour… Puis, un médecin m’a prescrit de tout, depuis le médicament contre la malaria, jusqu’au Gastrolyte. Il m’a même donné un cours 101 sur comment retirer un scorpion de mes chaussures.

Résultat, j’suis arrivée ici comme Gandalf à la bataille de la Terre du Milieu : prête à affronter les états d’âmes les plus complexes et les créatures les plus monstrueuses.

Là, j’commence à revenir sur terre.

Ça va la paranoïa !

Au Canada, on voit l’Afrique comme un continent rude, difficile, aride et infesté de grands malheurs humains et naturels. Sècheresse, pollution, malnutrition, insectes, serpents, guerres civiles, maladies… Oui. Tout ça existe. Mais faut pas charrier.

D’abord, l’Afrique est gigantesque. On ne parle pas du Togo comme on parle du Kenya. La situation au Gabon est loin de celle de la Somalie. Le climat du Mali n’est pas le même que celui du Rwanda. Il faut donc relativiser et traiter de l’Afrique un pays à la fois, une région à la fois.

Et même à l’intérieur des frontières du Sénégal, il y a d’importantes nuances. Un expatrié en brousse ne vivra pas la même expérience qu’un toubab (blanc) à Thiès. La saison sèche diffère de la saison humide. Dakar diffère de St-Louis. La Casamance est bien plus verte que le reste du pays. Bref, ce que je cherche à exprimer ici, c’est posez-vous les bonnes questions avant de partir en Afrique et sachez faire la part des choses, selon VOTRE contexte.

J’ai fait ma formation Mer et Monde avec des stagiaires qui partaient dans des villages. Mine de rien, elles ont influencé ma préparation. Elles ont dû prévoir leurs pastilles désinfectantes pour l’eau, leurs médicaments et leurs petites rations de skittles, car les sucreries sont difficiles à trouver en brousse. Dès sa première nuit chez sa famille, une des stagiaires a raconté avoir vu plusieurs araignées dans sa chambre et quelques souris.

Alors quand j’ai su tout ça, je me suis préparée en conséquence. Et on m’a bien encouragée à le faire ! #medecinparano

J’ai rempli la moitié de ma valise avec des médicaments et des bonbons. Avant mon départ, j’ai fait plusieurs squats pour me muscler avant de visiter les toilettes turques. Je me suis conditionnée mentalement à prendre ma douche avec un sceau. J’ai dit adieu à mes fruits bien aimés et à nos laitues très vertes. Dès mon arrivée dans ma chambre au Sénégal, j’ai scruté tous les murs pour repérer les araignées. Bref, j’tais un peu stressée.

De surprise en surprises !

Je n’ai vu aucune coquerelle jusqu’à présent et j’ai une toilette bien normale. Juste à côté de ma maison d’accueil, il y a une petite boutique où on vend entre autres du coca, des bonbons, de l’eau, du savon et des biscuits. Ma douche est comme toutes les autres douches — sauf qu’elle est accessible par dehors et que l’eau est froide. Je n’ai vu que quelques moustique dans ma chambre, une araignée de grosseur moyenne et des fourmis. J’ai aussi rencontré une dame qui a eu huit fois la malaria et qui vit très bien. J’ai mangé plusieurs fois de la salade depuis mon arrivée, en plus de quelques bananes, d’un bon morceau de melon d’eau, de plusieurs concombres et d’une quantité incroyable de tomates.

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Ma maison et la boutique.[/caption]

Alors là, on se calme.

J’ai peut-être eu de la chance de tomber dans une famille aussi « facile », mais n’empêche, c’pas l’Afrique au complet qui mange des brindilles pour survivre.

Oui, il faut prendre les précautions nécessaires. La malaria, ça peut être très grave. Les araignées, elles existent. Les mendiants, ils sont réels. La pauvreté est bien là. En village, les fruits sont rares. Mais on peut aussi se calmer le pompon.

J’suis là à guetter les insectes et à surveiller mon humeur parce qu’inévitablement, je devrais être sur le point de brailler ma vie. J’suis là à me demander quand est-ce que le choc culturel va m’assommer, quand est-ce que j’vais avoir envie de faire mes valises pour rentrer. J’suis là à anticiper chaque caca et à craindre chaque visite à la douche de peur d’y voir surgir un insecte pas commode.

La vérité, c’est que tout ça peut arriver demain. Mais il se peut aussi que ça n’arrive jamais.

Alors, à toi qui quitteras bientôt pour l’Afrique, prépare-toi bien… mais de grâce, vas-y molo. ;)

L’Afrique surprend pour des raisons bien différentes de celles qu’on s’imagine avant notre départ !

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