Petit train va loin

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
2 min readDec 30, 2015

Il est méconnu et un peu délaissé. Pourtant, plusieurs fois par semaine, il se remplit de passagers et parcourt des centaines de kilomètres d’Est en Ouest. Il s’arrête dans les gares fantômes des municipalités de Clova, Parent, Sanmaur ou Ferguson, pour ne nommer que celles-là. Je vous parle ici du train qui relie Montréal et Senneterre en Abitibi.

Je n’oserais pas dire qu’il sillonne le Nord du Québec. Ce serait une insulte pour le Nunavik. N’empêche, il s’aventure là où les cellulaires ne captent aucun signal, là où le paysage est blanc bien longtemps.

À son bord, des visages jeunes et moins jeunes : des familles en habit de neige, des personnes âgées qui grignotent leurs petits sandwichs, des étudiants qui retournent chez eux pour les Fêtes et aussi, toujours les mêmes employés — ou presque. Des hommes et des femmes qui arborent l’uniforme de Via Rail et qui ont vu neigé, qui ont connu les fameuses pannes de la locomotive et qui ont subi les longues heures de retard du train, perdus dans les forêts de conifères de l’Abitibi et de la Mauricie.

Parce que oui, il y en a eu des heures de retard et des bris. Tellement, que ce trajet est probablement l’un des plus coûteux pour la société nationale. Peu rentable, il continu tout de même ses opérations, reliant des communautés autochtones, des territoires de chasse et des pourvoiries au reste de la province. D’ailleurs, il n’est pas rare de voir des passagers traîner des cannes à pêche ou bien des raquettes en babiches.

C’est ce qui le rend authentique. Pas de fla-fla et de talons hauts dans ce wagon. On brave le climat des régions, on se laisse porter par la puissance de la locomotive et la constance des rails.

Au départ de Montréal, il faut compter plus de onze heures pour atteindre Senneterre. Au fil du trajet, des amateurs de VTT et de fervents chasseurs montent et descendent à des arrêts qui nous semblent improvisés, mais qui sont bien connus des vieux routiers.

Pour moi, c’est l’un des meilleurs moyens de rentrer chez moi. Pour de nombreux Québécois, c’est aussi l’un des meilleurs moyens de voyager dans une zone éloignée des réseaux Wi-Fi et des cellulaires.

Ce trajet mythique prouve que nous n’avons pas besoin de traverser l’océan pour s’épater devant des paysages étrangers, pour faire de belles rencontre et donc, pour voyager. Au final, il s’agit d’une demi-journée qui nous permet de synchroniser notre cerveau au rythme du train : un rythme qui fait vraiment du bien.

Photos : Midorie Villeneuve Chassé

--

--