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Première lettre à ma blonde qui part en Afrique

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readFeb 25, 2016

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Hier, on est allé à la clinique pour tu que reçoives tes vaccins. 4 piqûres pour peut-être te prémunir contre quelques-unes des menaces auxquelles ton corps pourrait faire face dans un mois en Afrique.

Assis devant l’infirmière qui alternait entre les petits documents colorés pour te parler de malaria, de rage, de scorpions et d’araignées, j’ai soudainement eu la chienne.

J’ai eu la chienne de ne pas être là pour te sauver en héros devant la horde d’insectes piqueurs qui veulent s’attaquer à ta peau douce. Ok, oui, un peu, je l’avoue, j’ai peur de manquer une occasion de te prouver ma virilité.

Sérieusement, j’ai surtout la chienne de ne pas être là quand tu seras malade et que l’on ne saura pas pourquoi. La chienne de ne pas pouvoir te serrer contre moi quand tu vas morver, renifler, pleurer et t’arracher les cheveux en cherchant ce qui te cloue au lit.

Le pire dans tout ça, c’est qu’on sait que l’on aurait tous les deux envie d’être ensemble, mais la réalité, c’est qu’on ne peut pas. Règles administratives, financières, temporelles et astrophysiques obligent, je reste derrière. Moi qui t’aie promis que mers et monde ne pourraient me séparer de toi… ils le feront littéralement.

Pis c’est correct.

C’est bin correct même.

Parce que c’est ton expérience. Ton voyage. Ta life-changing experience.

Même si dans un mois, je devrai me faire violence pour te laisser traverser de l’autre côté de la sécurité à l’aéroport, y’a une toute petite partie de moi qui va réussir à me planter les pieds ici. Je vais jeter l’ancre au Québec le temps de te laisser t’envoler vers l’Afrique, toute seule, avec ton gros sac à dos, tes yeux pétillants pis ton carnet de voyage.

Je serai ton phare ici, celui qui te tiendra au courant de mon petit quotidien québécois, du retour des Expos et de la démission de Charles Lafortune comme nouveau Premier ministre. Je t’encouragerai à distance, te réconforterai comme je peux à l’aide de Skype et d’un paquet d’emojis pis j’t’écrirai que je t’aime à tous les jours sur les Internets.

Je vais m’inquiéter, être jaloux, m’ennuyer et tenter de vivre ton absence du mieux que je pourrai.

Je vais faire ça comme ces milliers d’autres avant moi parce que je t’aime. Je m’inspirerai de ceux qui sont restés sur le quai, à la gare, à l’aéroport ou même sur Terre pendant que leur tendre moitié partait à l’aventure. Certains diront que « la distance, c’est pas si mal », que « nos fuseaux horaires adonnent pas pire » ou bien même que « 3 mois, c’est vraiment pas long ! », mais toi et moi, les comparaisons, ça ne nous intéresse pas.

On s’est même pas posé des questions sur notre couple. On sait qu’on passera au travers haut la main.

La question… c’est surtout si individuellement on va s’en sortir pas trop amoché.

Parce qu’on le sait, tes trois mois là-bas vont changer ta vie, tandis qu’ici, p’tête que rien n’aura changé pour moi.

La même routine, les mêmes projets, les mêmes lunettes et sûrement les mêmes bobettes. J’ai beau vouloir en profiter pour réaliser mes projets d’entrepreneurs, d’écriture et de remise en forme… ça ne sera en rien comparable à ce que tu vas vivre dans une ONG, en Afrique, avec une nouvelle étampe dans ton passeport.

On le sait, pis c’est correct.

C’est bin correct.

Parce qu’on sait que quand tu vas revenir, tu seras peut-être devenue une humaniste hippie pis moi un auteur-douchebag avec un six packs, mais on va s’aimer pareil comme avant.

C’est justement ça qui me permet de rester derrière.

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