Retour — prise 2

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readApr 4, 2016

Ça fait deux fois, en moins de six mois, que je reviens au pays. Deux fois que je me tape 24h de transit — sans déo, parce que c’est un gel de plus de 100 ml, donc une bombe, t’sais –, l’air en canne des avions, la bouffe congelée, le chaos des aéroports, le stress du carrousel à bagages — parce qu’il faut tout le temps que mes sacs sortent les derniers –, les 10h de char qui me séparent de Montréal à ma Gaspésie. Et ça, c’est juste les p’tits détails techniques. Le retour, c’est un méchant chiard… Et une montagne russe d’émotions.

Oui, je sais, dit comme ça, c’est un peu snobinard… Comme lorsque les voyageurs se plaignent du choc culturel ou de leur 2e intoxication alimentaire en 2 semaines (fait vécu, et je vous assure que dans la catégorie des pires désagréments du voyage, c’est au top de la liste). Bref, tu as voulu voyager, assume. Et, dans mon cas, comme ça fait deux fois en six mois que je rentre au pays : « Ben là, ma chouette, tu devrais savoir ce qui t’attend. » Ok. Mais entre le savoir et le vivre…

D’abord, il y a le bon vieux décalage horaire; la prochaine fois, je prends le bateau. Le corps humain n’est pas fait pour traverser 6 fuseaux en moins de 24h. Tu te réveilles à 5h du mat et tu t’endors dans la face de tout le monde à 8h le soir. Ensuite, parlons du décalage alimentaire… Ça fait 3 mois que tu manges surtout des féculents et des légumes. Et là, bam! Gras, fromage, viande, vin et bière — plus dry martini si ton père en fait des bons! Bonjour le mal de ventre… Finalement, il faut se réinstaller, vider les valises. C’est rien, je sais. Mais j’aime pas les valises. Ça m’angoisse. Comme faire des boîtes. Cherchez l’erreur… Ces trois dernières années, j’ai été partie en voyage plus de 18 mois. Et j’ai vécu dans sept villes différentes en dix ans.

Revenir, c’est reprendre ta routine, ta vie d’avant. Certes, c’est plus facile cette fois-ci. Le printemps s’en vient, je retrouve un chum et un appart, un certain confort qui, soyons honnêtes, m’avait manqué, une sécurité, des normes sociales que je connais, que je comprends. Je ressens un certain soulagement. Parce que oui, 3 mois en Afrique, c’est pas toujours facile; non, en fait, c’est dur — j’en ai bavé et braillé une claque. Je ne regrette pas; j’y retournerai un jour — non, maman, pas tout de suite, promis. Mais là, je suis heureuse de rentrer à la maison. Et, cette fois, j’ai même un beau job qui m’attend… Un truc d’adulte responsable, avec un salaire respectable, un projet très cool, un beau gros défi professionnel.

Ok, oui, ça me stresse un peu… Beaucoup. Et j’ai aussi l’impression que ça m’empêche d’écrire. Même si ça paraît peut-être pas, vite comme ça. Mais on dirait que je ne trouve plus les mots pour les histoires que je n’ai pas eu le temps d’écrire là-bas. Et que j’ai peur de ne plus rien avoir à raconter. Revenir, c’est faire face à l’inconnu, à l’incertitude, à tout ce que tu ne contrôles pas. Papa, tu me fais un dry martini… extra dry!

Ah oui… Et quand tu habites en Gaspésie, revenir en avril, c’est aussi réaliser qu’il y a au moins 6 pieds de neige, qu’il fait encore frette, pis qu’il te reste un bail à patienter avant de penser à peut-être boire une bière sur la terrasse de Pit Caribou à Percé. Mais qu’à cela ne tienne, la crèmerie ouvre vendredi; même si on se gèle le beigne, je ferai la file pour une crème molle!

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