Sur une route du Newbie

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readAug 24, 2016

Il pleuvait quand je suis partie. Faisait gris et frette. Dehors comme dedans. Ben oui, j’aimerais bien vous dire que je me lançais dans un roadtrip de pur plaisir, dans la joie et l’allégresse, au volant de ma fulgurante Volvo — ben oui, malgré mon côté grano, je reste un peu bourge… Mais non. Je partais pour le boulot. Et j’avais le cœur à l’envers. La tête tout croche. Mais je me suis retrouvée… sur une route du Newbie — le Nouveau-Brunswick, pour les intimes.

Parce que, t’sais, tant qu’à déprimer, aussi bien faire la route Chandler-River-of-the-wolf par le Newbie… Pour un max de pluie, d’orignaux et de blues… Ruminer dans la Vallée ou sur le bord du fleuve, c’est moins pathétique… Qu’est-ce que j’avais à ruminer, tu vas me dire? Bah… Disons simplement que j’ai bien des trucs à gérer. Et à digérer depuis quelques mois. Je fais pas de reflux gastrique, non. Même pas d’insomnie… Cherchez pourquoi…

Parce que oui, depuis avril, j’ai géré : un retour d’Afrique trop rapide, une entrée en poste comme DG d’un nouvel attrait touristique, une séparation, des ressources humaines, des délais trop serrés, une relation amoureuse difficile (ou un potentiel de…), des semaines de 90 heures, et j’en passe.

Mais bref, j’en étais là, à tenter de tout gérer ce qui c’était passé dans les derniers mois, les dernières semaines, les derniers jours. Et parfois, ça pète. Heureusement, au volant de ma bagnole, quelque part au Newbie, je me suis retrouvée. Après m’être tapée la discographie complète de Ian Kelly. Parce que t’sais, Ian… Ben, c’est l’homme de toute situation. Moi, Ian, il me rend toujours heureuse. En plus, il est barbu… Et beau! Bon, d’acc, il est marié avec trois mômes. Mais une fille a le droit de rêver…

Mais je digresse — c’est mon sport préféré! Tout ça pour dire que, quelque part sur une route du Newbie, au milieu des arbres et de fuck all, ben j’ai arrêté de ruminer. J’ai arrêté de pleurer. De stresser. D’angoisser sur ce qui était, ce qui avait été, ce qui allait peut-être être, ce qui ne serait jamais. J’ai dit, haut et fort, dans mon char : « fuck tout ».

Oui, j’ai dit « fuck tout ». Mais surtout, je me suis dit que j’avais le droit d’être heureuse. J’avais le droit d’être en vie, de rêver, de me tromper, de trouver ça drôle, de recommencer. Je me suis dit que je voulais aller en Espagne en décembre. Que je voulais faire le tour de la Gaspésie pour vrai. Prendre mon temps. Aller me perdre dans les Chics-Chocs. Que j’allais faire mon permis de moto. Que j’irais au Pit Pub de Percé plus souvent. Que j’irais m’écraser le cul dans le sable les samedis.

Parce que mon char, c’est comme un tapis de yoga. Moi, perso, rouler trop vite sur une route déserte en chantant trop fort, ça me rend zen. Faudrait bien que je me prévois un p’tit roadtrip. T’sais, pas pour la job. Juste pour le fun. Juste pour me retrouver. Moi, ma tête, mon cœur, mon nombril, pis la vie.

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