Toilettes turques ou viser dans le mille

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
4 min readApr 2, 2016

Ma première expérience avec les toilettes turques remonte à 2013 alors que Midorie et moi étions en visite au Parc national des lacs de Plitvice en Croatie. On avait roulé en bus un bon 3 heures le matin afin de se rendre au parc et disons simplement que mon petit café avait actionné mon système digestif.

Du coup, après l’achat de nos billets d’entrée, je dis à Mido de m’attendre quelques minutes. En fait, on a un petit code pour préserver le romantisme et plutôt que de se dire : « babe, j’reviens, j’vais chier » on opte pour « Milady, pardonnez-moi un instant, j’ai un meeting. »

Mon “meeting” ce matin-là en Croatie n’allait pas se faire du tout comme à la maison.

Y’a pas de siège ?

Bon, pour ceux qui ont pratiqué la survie en forêt ou qui ont bourlingué pas mal à travers le monde, vous devez avoir vu une grande diversité de toilettes ou de latrines.

Moi, j’en étais à mes premières étampes dans mon passeport, du coup, j’avais pas pensé qu’un des chocs culturels auquel je devrais faire face se produirait aux toilettes.

Je laisse mon sac à Midorie et je me dirige vers la petite maison avec le fameux petit bonhomme, habituel symbole de rédemption pour les petites vessies ou pour les estomacs efficaces. Le petit bonhomme ce coup-ci, c’était un p’tit christ. Il me regardait, de son visage pas d’expression, en me disant : « Aweille le touriste, viens vivre une expérience déroutante. M’en va te traumatiser à tout jamais. Mouhahahahaha! » (j’exagère à peine.)

Du coup, quand j’entre dans la cabane de toilettes, y’a les habituelles portes des toilettes qui séparent les cabines. Dans toute mon innocence, quand je pousse la première et que je ne vois pas de sièges, je me dis : « Ah ! Une douche. » Puis une autre douche, puis une autre… Je ressors de la cabane pour être sûr que je suis à la bonne place. C’est effectivement les toilettes. Pis là, je connecte les points dans ma tête.

NON. Pas sérieux. J’vais chier à terre ?

Oui.

Pour celles et ceux moins habitués avec le concept magnifique des toilettes turques, voici à quoi ça ressemble :

[caption id=”attachment_4036" align=”alignnone” width=”1024"]

crédit photo : Mintguy (https://en.wikipedia.org/wiki/Squat_toilet#/media/File:French_Squatter_Toilet.jpg)[/caption]

Pis là, je vis un dilemme intérieur. Suis-je prêt à passer la journée avec des crampes ou ai-je le courage de faire face à ce nouveau défi ? Le neuf pousse sur le vieux comme on dit, du coup, en sachant qu’on va marcher toute la journée, je préfère tenter cette expérience plutôt que de devoir m’accroupir dans un petit buisson à côté de la piste.

Je ferme la porte de la cabine dans l’espoir de trouver un guide d’emploi derrière la porte. Évidemment, y’a rien. Tsé, nous non plus on n’explique pas ça d’habitude les toilettes.

J’mets mon cerveau de Sherlock Holmes à l’oeuvre pis j’essaie de déduire comment ça marche. J’comprends au premier coup d’oeil que mes pieds se placent sur les deux petites plaques texturées pour me donner de la grip. F*ck, j’aurais jamais pensé avoir besoin de grip aux toilettes… OK, good. Toujours bin ça de réglé.

Mais après ?

J’suis censé enlever complètement mes pantalons ? Tsé, j’ai pas envie de manquer de précision et que mon meeting termine dans mes culottes. Ça serait pire que des crampes…

Comme un épais, j’enlève juste une jambe pis je tiens mes shorts d’une main. J’m’installe en squat, pis là mon orgueil en prend un coup. Si Midorie rentrait dans ma cabine à cet instant précis, c’est fini. Elle repart direct pour le Canada pis elle change de nom.

Bref, en squat, avec mes pantalons dans une main et l’autre tendue devant moi dans l’espoir de conserver mon équilibre, j’sens que ça s’en vient et là, j’entends le doux son : splouch.

BIIIIIIIIIIIIIRDIIIIIIIIIIE ! Incroyable. Ce doit être des ingénieurs de la NASA qui ont calculé ça ou bien ce sont toutes mes heures d’Angry Birds qui ont fait de moi un génie de la toilette turque, mais j’étais en alignement parfait.

J’vous épargne les détails scabreux, mais disons que si j’étais en train de jouer au basketball, le ballon n’aurait touché ni le panneau ni l’anneau.

Pis là, mon coeur me défonce la poitrine en réfléchissant à la question suivante : « y’as-tu du papier ? »

Heureusement oui. Y’a du papier pis une petite poubelle qui déborde dans un coin. J’contribue au monticule de papier, je repasse ma jambe dans mes shorts et je jette un dernier regard sur la toilette avant de sortir de ma cabine. Au plafond, je vois l’équivalent d’une chasse d’eau que je me risque à tirer en fermant les yeux de peur de tomber sur un bidet.

Ça flush toé ! J’comprends donc que pour les amateurs, y’a la possibilité de ne pas faire de trou d’un coup. Thank god ! Imagine que t’es obligé de pousser ta crotte avec le bout de tes souliers parce que t’as manqué de précision. No way.

En sortant, Mido me regarde pis elle me lâche tout bonnement : « Ça va ? », l’air de se dire que ça m’a pris du temps.

« T’as pas idée de ce que je viens de vivre. N’en parlons pas… »

--

--