Toutes ces fois où j’ai eu peur

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
3 min readDec 27, 2015

Je suis une petite trouillarde. Une poule mouillée. J’ai l’air brave comme ça. Mais, le plus souvent, ben je shake par en-dedans. Sur ce blogue, je suis « Madame Escampette », mais j’aurais tout aussi bien pu être « Madame la frousse ». Et pourtant, je m’entête, encore et toujours, à me mettre dans les situations les plus inconfortables. Dans 10 jours, je prendrai l’avion pour l’Afrique. J’ai la chienne. Et pour me rassurer, j’ai eu envie de me rappeler toutes ces fois, en voyage, où j’ai eu peur.

Il y a cette première expérience de pouce en Thaïlande — première expérience de pouce ever! –, quand le type a fait un détour de plusieurs kilomètres, dans le bois, au fin fond de nulle part. Mon foie, il vaut combien sur le marché noir?

Je revois une moto, une côte en sable, un équilibre trop précaire, une clôture de barbelés, le tout au triple-ralenti. Me semble que ça fait encore mal… Pis la bonne dame qui asperge le tout de whisky. David qui danse de douleur. Vaccin de tétanos rentabilisé.

Je repense à notre arrivée à Phnom Penh, tard le soir. Des conducteurs de tuk-tuk qui nous encerclent, nous suivent, nous harcèlent. Des rues sombres, un trottoir inégal, un genou complètement écorché. Le tout après 12 heures de bus et l’estomac qui grogne.

Il y a aussi un passage frontalier difficile, des douaniers cambodgiens agressifs et des passeports lancés au visage.

Je me revois le soir à Sandakan, en Malaisie, sur l’île de Bornéo. Il fait noir. C’est pas très familial. Et il y a cette histoire récente de kidnapping. Je repense à David qui ne me laisse pas me rendre seule à la buanderie… à 2 rues de l’auberge!

Je repense à cette plantation à flanc de colline en Thaïlande, aux fourmis rouges qui me bouffent les jambes, aux araignées gigantesques et à tout ce qui grouille sous mes pieds.

Il y a cette fois où j’ai réalisé, avec stupeur, terreur, effroi, name it, que ça prenait un visa pour entrer en Australie. Deux heures à peine avant notre vol. Après une nuit blanche sur le banc d’un aéroport. Alors que mon visa indonésien expirait le jour même.

Je me revois dans une boîte de camionnette, le vent dans la face, debout, oui, oui, debout, agrippée à une barre de métal, les mains blanches, les jambes qui tremblent, alors qu’on roule à plus de 100 km/h. Soit je meurs, soit ma mère m’étripe quand elle saura.

Il y a cette fois où on a croisé un type un peu bizarre, en costume d’Adam mais avec machette, au beau milieu de la jungle. T’sais, quand tu es pas, mais vraiment pas dans ton élément…

Je repense à cette descente au cœur du Kawah Ijen, soufrière, volcan qui gronde. À cette odeur de soufre, de fin du monde, qui prend à la gorge, aux nuages qui se forment autour de moi, à ce sentier qui serpente et qui grimpe pour remonter, enfin, à la surface.

C’est un peu contre-productif, direz-vous, à quelques jours de partir, de se rappeler toutes les frousses de son dernier voyage. Mais, en même temps, c’est une façon de se rappeler qu’on a peut-être eu peur pour rien…

« On peut descendre très bas dans ses peurs, on peut les dépasser de très haut. Si partir en voyage, c’est mourir un peu… alors nous cheminons un peu avec la mort. Que craint-on quand on a confiance? » — Édouard et Mathilde Cortès, Un chemin de promesses

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