Voyage au centre de la tête

Félix-Antoine Huard
Monsieur et Madame Tout-le-monde
2 min readNov 14, 2015

À chaque génération sa mode. En ce moment, pour la mienne (années 90), c’est le voyage. Mais pas n’importe lequel. Il doit nous transformer. Je dois revenir de mon périple et pouvoir dire : « je suis un homme nouveau, j’ai vécu ».

On se fait brainwasher à coup de citations du genre « sage est celui qui voyage pour se découvrir lui-même » ou « rester, c’est exister, voyager, c’est vivre ». C’est un bel objectif en soi et il est louable de vouloir ouvrir son esprit au monde et à la différence. Mais tout cela à quel prix? Je ne parle pas ici de finances. Je parle du prix social. On dit souvent que l’amitié et l’amour n’ont pas de prix.

À mon avis ils en ont un, mais y’a personne d’assez riche pour se les payer. Même pas Bill Gates. Même pas Oprah Winfrey. Dans cette manière d’entrevoir le voyage, il y a, vous l’aurez remarqué, quelque chose qui me tracasse. Pourquoi les gens veulent-ils absolument changer ? Qu’y a-t-il de si différent ailleurs pour modifier leur attitude, leur comportement ? Les humains sont humains et les coutumes sont coutumes. L’herbe est toujours plus verte en Irlande… Mais il pleut comme vache qui pisse. Y’a toujours un « mais ». Et c’est ce « mais » qui fait qu’aucun endroit n’est meilleur qu’un autre. Alors à quel prix, changer?

Je n’ai malheureusement pas de théorie finale sur le sujet, mais j’ai une petite idée. La crise d’adultescence. On n’en parle pas, mais je la vois partout autour de moi. Je l’entends gémir en silence chaque jour. On ne veut plus devenir adulte (parce que, oui, on l’a déjà souhaité à un moment donné). Et on s’échappe à travers le monde.

« Peut-être que je trouverai qui je suis à Bangkok », dit-on. Entre deux bières pis une pratique d’anglais, ça m’étonnerait. C’est vrai qu’ailleurs, on se sent spécial. On se sent unique. On ne fait pas partie de la masse et les gens sont ouverts, curieux à notre sujet. Cet intérêt fait du bien à l’égo et donne un sentiment de succès social. Mais dans le fond de notre petit crâne, on sait qu’il y a une échéance. Alors tout est plus intense. Une pleine assiette du meilleur dessert du monde peut nous écœurer, alors qu’une simple bouchée nous laissera sur notre appétit et, surtout, avec le souvenir amplifié de ce goût merveilleux.

Un événement personnel récent m’a rappelé qu’il faut être bien avec qui l’on est, ce que l’on est. Il faut accepter sans tomber dans la complaisance. Le fameux juste milieu. Oui, l’on peut se rendre compte de bien des choses merveilleuses en voyage. Cependant, si vous cherchez qui vous êtes vraiment, vous êtes plutôt dû pour un voyage au centre de votre tête.

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