L’app mobile : passez d’un investissement sans valeur à une véritable richesse pour votre produit

Appréhender l’app mobile comme le web vous fera dépenser de l’argent et de l’énergie bien plus qu’elle n’en rapportera.

Florent Morin
Morin Innovation
10 min readMay 26, 2018

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La réaction à éviter quand votre utilisateur lance votre app

La ville où je vis et travaille, Niort, est un peu la Silicon Valley des assurances. Depuis plus de 80 ans, on y innove dans ce métier. Mon exemple s’appuiera donc naturellement sur le produit de l’assurance.

À l’origine : votre produit

Imaginons que votre produit est l’assurance. Vous proposez une assurance, qui se différencie de la concurrence car il n’y a quasiment pas de concurrence. Ce sont les 30 glorieuses. Chacun a besoin d’une assurance et vient chez vous.

L’arrivée du web

Dans les années 2000, le web est arrivé. Tous vos clients sont connectés et demandent à effectuer des démarches par Internet.

Vous créez un superbe site, qui va évoluer au fil des évolutions du web.

Le bon vieux catalogue a du lui aussi évoluer

Vous apportez ainsi de la valeur à votre produit en proposant un moyen universel de simplification des démarches.

Puis vint le mobile connecté

Dans les années 2008-2010, le mobile est devenu connecté.

Votre site a évolué vers une version mobile, qui rend le même service mais est adapté à un appareil mobile.

Cette version mobile de votre site n’apporte pas de valeur à votre produit, mais lui permet de ne pas en perdre. En suivant l’évolution de vos clients.

La musique ne se consomme plus comme ceci

Le phénomène des apps mobiles

Pour accéder à leurs services connectés, vos clients vont de plus en plus vers les apps mobiles, sur iOS et sur Android.

En toute logique, vous appliquez la même recette que pour le web : adaptons le site web au mobile. En faisant en sorte que le tout soit universel.

Votre app mobile ne vous apporte rien et vous aimeriez bien comprendre pourquoi !

La métaphore de la restauration

Pour illustrer cette problématique, nous allons utiliser une métaphore éloignée de toute considération technique.

Imaginons que vous souhaitiez permettre à vos employés de se restaurer dans l’entreprise. Qu’allez-vous faire ?

Le distributeur : solution universelle minimaliste

Ce bon vieux distributeur est loin d’être la Rolls de la restauration, mais il a le mérite de rendre service.

La nourriture n’est pas d’une qualité extraordinaire, mais on peut le placer un peu partout dans l’entreprise.

Il ne s’intègre pas dans le décor, on est loin d’un cadre idéal pour se restaurer, mais c’est la solution la moins onéreuse et la plus accessible à chacun.

C’est un peu le web de la restauration.

Le snack : une solution accessible et universelle

La nourriture dans un snack n’est pas extra, mais on peut s’assoir pour déjeuner. On est vraiment dans un cadre de restauration à part entière.

Certains préfèrent le snack, car c’est plus rapide, quitte à ne pas avoir une qualité extraordinaire. C’est toujours mieux que le distributeur.

C’est un peu l’équivalent de Android ou iOS, peu importe.

Le restaurant : une prestation complète

Le restaurant permet d’avoir un cadre de restauration à part entière, comme le snack.

Ce qui le distingue du snack est la qualité de la nourriture, qui est en général meilleure que les plats sous vide.

Cependant, son tarif est plus élevé. Et on doit se conformer à des règles différentes.

C’est un peu l’équivalent de iOS ou Android, peu importe.

Ce qui différencie le distributeur du snack et du restaurant

Le distributeur n’est pas un lieu de restauration. On va au distributeur, mais l’environnement reste un couloir ou une salle de pause.

Le snack comme le restaurant sont des environnements de restauration à part entière.

C’est évidemment bien différent.

Un snack comme un restaurant nécessitent beaucoup plus d’entretien qu’un distributeur. C’est donc plus de personnel, plus de temps à y passer.

Cela se gère radicalement différemment : cela n’aurait aucun sens de laisser un snack ou un restaurant avec aussi peu de gestion qu’un distributeur.

Le snack et le restaurant se distingue par une expérience de restauration bien plus complète, bien plus proche du consommateur.

Trouverez-vous les différences ?

Cette différence est bien souvent évidente : tout comme la différence entre le web et iOS / Android est bien cernée.

Ce qui différencie le snack du restaurant

Le snack et le restaurant sont 2 points de restauration : ils nécessitent donc un personnel dédié à chacun. Et c’est bien là que s’arrête leurs points communs.

Servez de la nourriture sous vide dans un restaurant : vous allez voir vos clients fuir.

Passez autant de temps à servir dans un snack que dans un restaurant : vous aurez le même effet.

On ne peut pas gérer un snack comme un restaurant. Chacun a ses forces et ses faiblesses, qui font partie de ce que le client a choisi.

Quand votre client rentre dans un restaurant, il ne s’attend pas à être reçu comme dans un snack. Et vice-versa.

C’est encore bien différent pour chaque plateforme

C’est la même chose pour iOS et Android : chacun propose une expérience mobile à part entière, chacun a son propre public. Et donc chacun doit être géré différemment.

Le risque du nivellement par le bas

Ce qui se passe bien souvent, lorsque l’on appréhende les 2 OS de la même manière, est un nivellement par le bas. Qui ne sert les intérêts de personne, étant donné qu’il revient presque à faire du web amélioré.

Prenons l’exemple de notre assurance. (je connais mieux iOS, d’où mes exemples qui peuvent sembler orientés, mais il y a une équivalence en réalité)

Passer à côté d’opportunités

L’iPhone X propose une reconnaissance faciale pour s’identifier. Mais peu d’appareils Android en dispose. Donc on sacrifie les utilisateurs d’iPhone X.

Android propose l’identification par empreinte rétinienne sur de nombreux appareils, mais pas iOS. Donc on ne l’intègre pas.

Android propose un système de widgets complètement personnalisés, alors qu’iOS propose des widgets d’une forme différente. Donc on ne va pas intégrer de widgets.

De plus en plus d’utilisateurs d’iPhone possèdent une Watch, mais les montres connectées sont peu répandues côté Android. Donc on ne répondra pas à cette demande.

Apple propose depuis iOS 11 un gestionnaire de fichiers qui se synchronise sur n’importe quel cloud : une solution optimale pour simplifier la gestion des attestations d’assurance. Mais vu qu’Android ne le propose pas, on ne l’intègre pas.

Les notifications riches, qui permettent d’interagir avec une app sans avoir à l’ouvrir, sont très répandues sur iOS. Mais pas encore sur Android. Donc on ne l’intègre pas. Cela aurait pourtant été pratique pour répondre aux demandes via chat ou pour rappeler l’envoi d’un document.

Business Chat est une solution propre à Apple qui permet d’intégrer un chat basé sur l’application Messages (utilisée pour les SMS) et s’intégrant dans n’importe quel outil de gestion de relation utilisateur. Cerise sur le gâteau, cette solution s’intègre dans le référencement de Plans, Safari, etc. C’est un raccourci direct qui se retrouve ensuite dans l’app Messages, utilisée quotidiennement par les utilisateurs d’iPhone. Mais Android ne l’a pas.

Le Machine Learning s’intègre aujourd’hui à n’importe quel appareil iOS en circulation. Une opportunité d’enrichir énormément l’expérience utilisateur de votre client. Mais peu d’appareils Android le supportent, donc on ne le fait pas.

Google Assistant peut répondre à n’importe quelle requête, mais Siri n’en est pas encore capable. Donc on ne le fait pas.

Et la liste est encore longue.

Le même service que le web, en plus cher

Au final, à force de rester dans le cadre de l’app, sans en exploiter toutes les possibilités, on arrive au mieux à du web amélioré.

Du web amélioré, mais qui coûte bien plus cher !

La valeur produit d’une app mobile : l’ancrage au quotidien

La valeur produit d’une app mobile est bien souvent sous-estimée, car elle fait partie de notre quotidien.

Quelques exemples

Vous recevez une notification de message par Facebook Messenger. Vous pouvez répondre sans même ouvrir l’app.

Vous souhaitez partager une photo sur Instagram : prenez votre photo, utilisez l’outil de partage intégré qui va ouvrir une portion de l’app Instagram pour publier sans avoir à ouvrir Instagram.

Vous lisez un article intéressant sur le web : tapotez sur le bouton de partage, choisissez sa destination, composez votre message et c’est fait. Vous n’aurez ouvert aucune app.

Intégration de AirMail dans Siri, les notifications et Messages

Vous souhaitez mettre une ambiance tamisée dans votre maison : demandez à Siri, sans ouvrir l’app.

Vous souhaitez voir les dernières séances de ciné : utilisez le widget Allociné en un clin d’oeil et qui vous évite d’ouvrir l’app.

Une notification pour publication intéressante sur Medium ? Ajoutez-là à votre liste de lecture en une fraction de seconde grâce au bouton prévu à cet effet dans la notification en elle-même.

Vous cherchez un document sur DropBox ? Faites apparaître le moteur de recherche Spotlight de l’iPhone et vous y aurez directement accès.

Spotlight en action (ici, pour accéder direction à son mot de passe Amazon dans 1Password)

Une réservation AirBnB ? Cherchez là dans Spotlight, vous aurez l’aperçu : le tapotement de l’aperçu ouvrira l’app au bon endroit.

Un email vous suggérant un Meetup ? Le tapotement sur le lien ouvre directement l’app au bon endroit : il n’y a plus qu’à s’inscrire.

Entrer dans le quotidien de l’utilisateur

Le point commun entre ces différentes approches : vous entrez délicatement dans le quotidien de l’utilisateur.

Sans lui imposer quoi que ce soit, sans trop consommer son précieux temps, vous vous installez dans son quotidien.

Vous créez une affinité qui vous rend quasiment indispensable.

La perte de la valeur produit : la perte du client

Vous vous dites qu’après tout, vos clients ne viennent pas chez vous pour votre app. Ce n’est peut-être pas encore le cas : mais cela peut être un critère pour partir.

L’exemple des banques

Les banques traditionnelles ont vu le départ d’un certain nombre de leurs clients avec les apps mobiles.

Envoyer de l’argent avec Siri via N26 sans lancer l’app

Les succès de Revolut (1,5M clients !), N26, Orange Bank et bien d’autres illustrent parfaitement ce phénomène.

L’exemple du web

Jusqu’à une certaine époque, alors que le web était bien présent, on pouvait presque se passer d’une stratégie web. Tout le monde n’était pas encore sur Internet.

Puis le web est devenu un canal d’acquisition majeur, et surtout faisait partie du quotidien des utilisateurs.

Il est devenu incontournable.

2017 : Mobile First (premier canal d’acquisition !)

En 2017, on achetait plus sur mobile que sur ordinateur. Et le mobile est devenu le premier canal d’acquisition de client.

Un phénomène qui s’accentue

Les plateformes mobiles prennent de plus en plus des chemins différents.

Chacune des plateformes a bien pris conscience des besoins spécifiques et des sensibilités différentes de leurs utilisateurs.

Accentuer ces différences, c’est renforcer la valeur de leurs produits en s’appuyant sur l’attachement à l’identité de la marque.

On surfe sur le web, on utilise une app

Le web permet de surfer de site en site, de naviguer de page en page. On est en mode consultation.

L’app permet de rendre un service. Elle doit être utile au quotidien de l’utilisateur. Son but n’est pas informatif. (auquel cas elle renvoie vers le web, bien souvent)

Mieux vaut une belle app web qu’une app universelle

Votre budget est limité ou vous ne voyez pas ce qu’apporterait une app ?

Préférez une app web bien conçue à une app mobile négligée (hybride ou universelle).

Pensez en premier lieu à votre client, comme vous le faites pour votre produit. Jusqu’à quel niveau êtes-vous prêt à le servir ?

À l’origine, c’était d’ailleurs la solution proposée par Apple lors de la sortie de l’iPhone. C’est à la demande des développeurs que l’App Store a émergé.

Apportez de la valeur à votre produit

Parler, c’est bien. Agir, c’est mieux.

L’exemple Ikea

Ikea est fabricant de meuble : pas concepteur d’applications.

Et pourtant, Ikea a fait parler d’elle en 2017 avec sa fameuse app Ikea Place.

Initialement disponible uniquement sur iOS pour des raisons techniques, cette app permet de placer des meubles en réalité augmentée et à échelle dans son environnement.

Est-ce que Ikea s’est posé la question à savoir s’il fallait attendre qu’Android puisse en faire autant ? Absolument pas.

Et le succès fut au rendez-vous.

Des produits spécifiques pour des clients spécifiques

Mettez en place une équipe iOS qui connait parfaitement le profil des utilisateurs iOS. Faites la même chose avec Android.

Donnez à chacune de ces équipes le service qu’ils doivent rendre au mieux pour ces utilisateurs. (ex. Obtenir une attestation, contacter un conseiller)

Et laissez-leur la liberté de l’approche.

Vous obtiendrez alors une amélioration significative de votre produit par sa capacité à s’intégrer au mieux au quotidien de votre client.

Une création de valeur qui a cela d’unique qu’elle se fait essentiellement par l’affect, du fait de la proximité quotidienne avec l’appareil.

Tout en conservant une hygiène numérique des plus acceptables, en phase avec cette nouvelle approche plus raisonnable de l’usage du smartphone qui émerge en 2018.

Mais c’est un autre sujet. 🙂

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