Le bois : la solution évidente aux enjeux environnementaux du secteur de la construction ?

MTI Review
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6 min readOct 25, 2022

La construction de nouveaux bâtiments et la rénovation représentent deux secteurs clefs de la transition écologique. En 2020, le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires indiquait que « le secteur du bâtiment représente 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et il génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) français ».

Plusieurs alternatives existent alors pour réduire les émissions de CO2 : rénovation des passoires thermiques, développement d’une production électrique bas-carbone, « verdir » la fabrication de matériaux bruts (acier, béton, fer), ce dernier représentant près de 10 % des émissions de GES du secteur du bâtiment en 2020. Alors quand il est difficile de décarboner des matériaux, on se tourne vers une vieille ressource plus durable et respectueuse de l’environnement, que l’on avait temporairement mise de côté pour la remplacer par son rival le béton : le bois.

Le bois est utilisé depuis des siècles, mais a progressivement été abandonné au XIXe siècle en faveur de la fonte, du béton armé ou de l’acier, pour être seulement utilisé à des fins esthétiques. C’est notamment après la Seconde Guerre mondiale qu’il est particulièrement délaissé : il fallait rebâtir en masse pour loger la population. Face à la prise de conscience du réchauffement climatique, les architectures l’aident à réapparaître, cette fois-ci pour une raison différente : ses avantages écologiques.

Selon une étude de Nature Communication, le bois permettrait de préserver jusqu’à 100 GigaTonnes de CO2 d’ici 2100 lors de la construction de nouveaux bâtiments, c’est-à-dire 10 % du budget carbone nécessaire afin de limiter de 2°C le réchauffement climatique par rapport au niveau préindustriel. Également flexible, bon isolant, rapide et facile à mettre en œuvre sur un chantier, le bois est alors devenu la cible et la solution évidente des grandes entreprises du bâtiment permettant d’offrir de nouveaux procédés de construction et nouveaux usages.

Face à la croissance démographique et à l’étalement urbain, les villes sont amenées à repenser les espaces et à bâtir de nouveaux logements. Avec le réchauffement climatique, les grands constructeurs n’ont pas d’autre choix que de trouver de nouvelles solutions innovantes et écoresponsables.

Le bois : ressource naturelle et renouvelable…

Le bois a souvent été le meilleur ami ou le « bon élève » un peu oublié du monde de la construction, participant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Grâce au processus de photosynthèse, les arbres sont également un puits carbone, absorbant et stockant le CO2 présent dans l’atmosphère. Une fois l’arbre coupé, seulement une partie du carbone est relâchée dans l’air quand l’autre partie reste dans le bois.

Ressource naturelle, le bois participe à la bonne gestion durable des forêts et se recycle facilement.

Les géants du bâtiment profitent alors des nombreuses propriétés avantageuses (légèreté, flexibilité, rapidité de fabrication et de mise en œuvre, bon isolant, …) de cet éco-matériau pour mettre en place des nouveaux modèles de construction, comme la construction modulaire : grâce à des modules en bois préfabriqués et facilement assemblables, ce nouveau modèle permet de mieux s’adapter en fonction des besoins présents et futurs et apporte de nombreux avantages (rapidité de la construction, baisse du coût de mise en œuvre, meilleure performance énergétique, évolutivité, recyclage). Ce type de construction repense alors l’avenir de l’habitat plus durable et joue sur les propriétés mêmes des bâtiments (extensions d’un bâtiment déjà existant ou ajout d’un étage), visant une verticalité des villes.

Construction modulaire en bois (batiadvisor.fr)

De nouveaux acteurs tentent également de se démarquer en jouant par exemple sur les propriétés du bois pour créer de nouveaux matériaux presque aussi résistants que le béton. C’est le cas de la technologie Woodoo, qui conçoit et fabrique des matériaux innovants à faible bilan carbone. On parle du « bois augmenté », notamment pour sa dimension environnementale. Grâce à un processus de transformation du bois, il devient pratiquement ininflammable et aussi solide et robuste que le béton.

Le bois augmenté, matériau du XXIème siècle (Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire)

… mais pas inépuisable !

Certes le bois est une ressource naturelle et présente de nombreuses propriétés environnementales pour le secteur du bâtiment, mais elle reste à surveiller pour ne pas être exploitée à l’excès. En effet, il est prévu dans une cinquantaine d’années que 50% de la forêt française soit modifiée à cause du changement climatique. Face aux dégâts sur la nature (érosion des sols, pollution, déséquilibre de la biodiversité, dépérissement des populations d’arbres), il devient compliqué de miser tous nos espoirs sur cette ressource. Certaines terres sont victimes de surexploitation pour cette production de bois. L’industrie forestière doit donc mettre en place une gouvernance forte et des règles afin de veiller et d’assurer une bonne gestion durable des forêts et laisser ces terres à d’autres usages ou tout simplement à la biodiversité.

La protection des terres et des forêts n’est pas à mettre au second plan !

Les sols subissent également de grandes pressions : entre étalement urbain, agriculture, matériaux bruts, industries, il devient dur de trouver sa parcelle de terre libre. En plus de ne pas être les seuls acteurs à convoiter les terres, le secteur de la construction n’est également pas la seule industrie à exploiter ce matériau : il existe aussi le bois d’œuvre, le bois d’industrie et le bois pour l’énergie.

Infographie : la filière forêt bois en France (Ministère de l’Agriculture de la Souveraineté Alimentaire)

Dans cette logique, pour favoriser le bon usage du bois, l’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise Énergétique) soutient par exemple la création de filières de bois d’industries sous le principe d’utilisation en « cascade » du bois : selon cette approche, le bois, comme matériau, est en priorité à destination de produits à longue durée de vie (ameublement, panneaux, construction), puis des filières de recyclage et en dernier recours de la production.

Face à la crise climatique et la pression de l’usage des sols, cela devient alors un sujet politique et une nécessité de bonne gouvernance raisonnable pour l’exploitation des terres.

Le bois n’est pas non plus une denrée abondante pour toutes les régions, et n’est pas toujours très économique, puisque son prix dépend notamment de sa provenance et de son gisement. Par exemple, le bois est très utilisé au Japon, en Scandinavie ou aux États-Unis car cette ressource est très présente de manière homogène sur les terres de ces pays, et que des filières de production existent depuis longtemps, permettant des coûts maîtrisés. A l’inverse, elle est rare au Moyen-Orient, qui voit une construction bois assez onéreuse.

Pour que le bois devienne le béton de demain dans le secteur de la construction, l’industrie forestière devra alors imposer une bonne gouvernance et des règles pour réguler l’exploitation des sols pour produire du bois tout en conservant le puits carbone que les forêts représentent. Elle devra également répondre aux enjeux de croissance de la demande de ce matériau dans les années à venir. Le secteur de la construction sera toujours plus contraint d’innover d’une autre manière, en travaillant sur d’autres concepts, encore aujourd’hui de rupture, tels que l’hybridation des espaces ou la présence de plus de vie en collectivité et moins de maisons individuelles par exemple.

Philippine Besse

Les propos tenus n’engagent que leurs auteurs et non le MTI Review.

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